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Comprendre > Histoire > Observatoire de Marseille II

Textes historiques concernant l'observatoire de Marseille



 

LETTRES
 
SUR DIFFÉRENS SUJETS,

 

ÉCRITES PENDANT LE COURS D'UN VOYAGE

PAR L'ALLEMAGNE, LA SUISSE,LA FRAN-

CE MÉRIDIONALE ET L'ITALIE;

EN 1774 ET 1775.

 

avec des additions & des notes plus nouvelles, concernant

l'Histoire naturelle, les Beaux-Arts, l'Astronomie,

& d'autres matières.

 
PAR
 
MR.  JEAN BERNOULLI,
 
des Académies des Sciences de Berlin, de Pétersbourg, de Stockholm,
de Bologne, de Lyon, & de Marseille, de la Société pour l'encoura-
gement des Arts, de Londres, de celle des Physiciens de Bâle,
de l'Académie des Arcades de Rome.
 
Tome II.
_________________________________________________________________________________
 

A BERLIN,

Chés G.J. DECKER, Imprimeur du Roi. 1777.

 


 
 

LETTRE V.

    Monsieur,
Me voici à Marseille depuis quinze jours[...]

[...]

Il falloit un changement de vent pour me faire arriver à Avignon, mais je me serois passé volontiers de celui qui a sévi dans cette ville pendant le peu de tems que j'y ai  resté & qui a rendu le 7 Décembre cruellement froid; la ville est fort grande, de sorte que j'ai éprouvé toute la rigeur du tems en faisant, avec l'estimable & complaisant Mr. Aubert, mes visites aux respectables vieillards Pézenas & Dumas & au P. Blanchard, leur ancien confrere & un des plus aimables Savans que j'aye vus. Le P. Pézenas que j'ai été charmé de connoître personnellement, jouit dans sa 82e année d'une bonne santé & travaille encore comme un jeune homme; les longitudes l'occupent beaucoup depuis assés longtems; il se propose de publier dans peu un exposé de toutes les méthodes tentées jusqu'à présent & de leurs défauts, suivi de celle qu'il leur substitue. Elle consiste à prendre la hauteur de la Lune avec un instrument bien ou mal divisé, à attendre que le Soleil ou une étoile passe à la même hauteur, à calculer la hauteur qu'avoit alors cet astre réellement & à en déduire le tems qui répondoit à la même hauteur observée de la Lune (*).

    (*) Le Pere Pézenas est mort, pendant l'hyver de 1775 à 76, mais son ouvrage sur les longitudes a paru; cependant je ne l'ai pas vu encore.

Un autre objet utile dont le P. Pézenas paroît s'être fortement occupé, c'est celui de procurer aux Astronomes des Tables de tous les triangles sphériques rectangles & obliquangles, calculés pour chaque degré, & il a publié un Mémoire sur ce sujet (**). Je ne vous dis rien des autres ouvrages plus considérables du même Savant; de son Astronomie des Marins; de ses traductions de MacLaurin & de Smith avec des additions; de ses Mémoires dans les deux volumes de ceux de l'observatoire de Marseille &c. Vous les possédés sans doute tous ces ouvrages & vous en avés senti le mérite(***). Le Pere Dumas qui de même se porte bien encore à l'âge de 79 ans (*), & qui a été célébré plus d'une fois comme un bon Mathématicien par Mr. de la Lande & d'autres Académiciens reconnoissans des instructions qu'ils en ont reçues autrefois, s'est donné encore dernierement beaucoup de peine pour les épreuves de la nouvelle édition des logarithmes de Gardiner. C'est le P. Blanchard, beaucoup moins âgé que ses deux confreres, qui a eu le plus de part à cette belle édition & qui a traduit la préface; on lui doit les additions principales faites à la Traduction de l'Optique de Smith; il a travaillé avec les PP. Pézenas & de la Grange aux Mémoires de Marseille; enfin c'est un assistant tel qu'il le falloit au P. Pézenas, qui n'a jamais eu la patience, je le tiens de diverses personnes, de revoir ses ouvrages avec tout le soin qu'exigent des ouvrages de Mathématique. Il est vrai que les yeux de ce digne vieillard annoncent encore par leur feu la vivacité qui devoit l'animer lorsqu'il avoit encore toutes a vigueur.

    (**) J'ai fait réimprimer ce Mémoire dans le troisieme volume de mon Recueil pour les Astronomes à la suite des Mémoires que j'ai donnés sur la même matiere.

    (***) Les Mémoires de Marseille à la vérité sont devenus fort rares & on les cherche inutilement chés les Libraires soit en Provence soit ailleurs; c'est pourquoi j'indiquerai brievement le contenu des deux seuls volumes qui en ont paru.

         Le premier volume des Mémoires de Mathématique & de Physique rédigés à l'Observatoire de Marseille, année 1755, en deux parties; avec l'épigraphe vires aequiret eundo, & imprimé à Avignon chés la veuve Girard in quarto contient 1°.  D'amples & d'intéressantes recherches sur les divers instrumens proposés aux marins depuis environ trente ans, pour servir à observer les astres en mer, & spécialement, sur les Octans. 170 pages qui forment toute la premiere partie. 2°. Des additions à la premiere partie où l'on traite de quelques particularités intéressantes & curieuses, qui ne concernent pas seulement les octans, mais encore toute autre espece d'instrumens à limbe gradué. 3°. La description d'un nouveau micrometre (celui qu'on nomme objectif) appliqué à un Télescope de réflexion, mélée de recherches importantes sur les micrometres & sur la maniere de s'en servir, 81 pages. 4°. L'Observation de la Lune comparée à l'étoile l [Gem]  le 4 Mars 1754, à l'Observatoire de Marseille, suivie du calcul pour en déduire l'erreur des Tables. 5°. Des Expériences sur un pendule d'ébene, appliqué à une horloge angloise. 6°. Sur un effet singulier du tonnerre. 7° Des Observations météorologiques faites à l'Observatoire de Marseille pendant l'année 1755. 8°. Un nouveau systeme sur la transmission & les effets des sons & sur la proportion des accords & la méthode d'accorder juste les orgues & les clavecins.

         Le second volume de ces Mémoires, pour l'année 1756, contient 1°. Méthode pour mettre le bled en état de se conserver, 60 pages. 2°. Une lettredu P. Amiot Jésuite missionnaire à Peking, sur les poids & balances de Chine. 3°. Un Mémoire sur les moulins à la Polonoise, 58 pages avec beaucoup d'analyse.5°. Des réflexions sur diverses manieres d'observer les passages du Soleil par les points équinoxiaux & solsticiaux; & en particulier sur une méthode proposée en 1695 par Mr HALLEY

    , pour déterminer l'instant du Solstice;

    avec des observations faites à ce sujet. 6°. Un ouvrage profond de Mr de St. JACQUES

    sur les variations célestes ou sur les inégalités des mouvemens des Planetes

    . 154 pages. 7°. Un Mémoire sur une nouvelle quadrature d'une partie du cercle.8°. De nouvelles vues pour la perfection du thermometre. Ces deux articles sont du P. l'Abat, de l'ordre de St. François. 9°. Enfin les Observations météorologiques faites pendant l'année 1756.

    (*) Le même hyver a emporté aussi le PereDumas. V. Liste des Astronomes &c. p. 29.

Il ne faut pas oublier non plus l'habile Imprimeur-libraire auquel on doit la nouvelle édition du Gardiner; qui imprime de préférence des Ouvrages de Mathématique par amour pour cette science, qui la cultive même & qui s'est ruiné la santé par l'application qu'il a donnée à l'important ouvrage dont j'ai parlé; un tel homme est rare & mérite nos éloges & notre reconnoissance (*).

    (*) Les obligations que nous avons à Mr. Aubert se sont accrues encore par les Tables du Nonagésime de Mr. Levéque & par les observations de Mr. d'Arquier à Toulouse qu'il vient d'imprimer.

On m'a parlé du P. Morand & de Mr. de Salvador comme de deux habiles Géometres résidans à Avignon, mais je n'ai pu faire leur connoissance non plus que celle de Mr. CalvetMédecin, qu'on m'a dit avoir un beau Cabinet d'Histoire naturelle.

Il faut vous dire encore un mot de l'Observatoire d'Avignon, car il y en a un, quoique je ne l'aye pas vu; il est sur une tour du College des Jésuites & n'a qu'un emplacement fort petit; il est tout à fait abandonné, à ce qu'on m'a dit & sans instrumens. Les Bénédictins occupent à présent ce College; un de leurs religieux avoit témoigné quelque goût pour l'Astro[no]mie, mais il n'est plus à Avignon. Le retour du froid m'obligea à prendre fort à la hâte le parti de quitter cette ville, soit pour passer le Rhône si le vent le permettoit & faire un tour dans le Languedoc, soit pour continuer directement ma route & entrer dans la Provence avant que les glaces que la Durance ne pouvoit manquer de charier m'en empêchassent; une légere circonstance qui ne vous intéresseroit pas me détermina pour ce dernier parti, mais avec quelque hâte que je l'eusse pris, je me vis arrêté tout court en arrivant sur les bords de la Durance à deux lieues d'Avignon. Une des résolutions à prendre étoit de demander l'hospice dans un couvent de Chartreux, près du bac, & j'ai appris dans la suite que par un hazard assés grand j'aurois trouvé dans ce couvent un Astronome; je pouvois aussi retourner à Avignon; mais impatient de savoir cette riviere incommode derriere moi, je la traversai à pied sur les glaçons & sur des planches & j'attendis dans un village qui se nomme Cabanes à une lieue de là que la voiture pût me rejoindre; si elle avoit tardé je voyois du moins quelque possibilité de poursuivre mon chemin d'une autre maniere; mais je fus plus heureux que sage, dirés vous peut-être; car outre que je fus fort humainement recueilli par le vieux Seigneur octogénaire de ce mauvais village, Mr. le M. des Rolands (*), que des circonstances semblables mettent fort souvent dans le cas d'exercer sa bienfaisance, la Durance fut assés libre dès le surlendemain pour permettre à la voiture de me rejoindre. Cette voiture au reste, & entre nous soit dit, n'étoit autre chose que ce qu'on nomme en ce pays la Diligence & que pour mes péchés j'avois dans mon désarroi, arrêtée à Avignon pour Aix; je croyois y trouver quelque ressemblance du moins avec ces bonnes Diligences de Flandre & d'Alsace dont je m'étois servi quelquefois, mais je me suis fort trompé; c'est une machine qui si pour surcroit de malheur on y est balloté seul, est tout à fait infernale ([**]).

    (*) Il se pourroit bien que ce Mr. des Rolands Cabanes ou bien Mr. son frere, fût ce Chevalier de Cabanes auquel sont adressées plusieurs des lettres publiées sous le nom du feu Pape Clément XIV; car le Marquis a été Chevalier de Malte & son frere est encore aujourd'hui Prieur de cet ordre; mais il existe aussi un livre imprimé à Rome en 1765 sous le titre Vie de Mr. Jarente de Cabanes la Bruyere, Chevr. de S. Jean de Jérusalem I Vol. in-4.o. chés Durand, & il est plus probable que c'est le Chevalier des lettres (prétendues la plûpart, sans doute) de Clément XIV, car on lit dans le Journ. Enc. 15 Déc. 1765 que cet Officier est mort à la Trappe.

    ([**]) On me pardonnera j'espere ces détails & quelques autres encore de la même nature, quelqu'étrangers qu'ils soient à l'objet principal de ces lettres; bien des personnes se trouvent comme moi dans le cas de ne pouvoir voyager avec toutes les aises ou du moins de n'avoir pas été instruits des incidens qui pouvoient les attendre.

Enfin je suis arrivé à Aix & après m'y être arrêté un jour à voir ses principales curiosités publiques & m'être engagé envers des personnes qui m'y firent amitié, d'y revenir, j'ai atteint la fameuse vista de Marseille (**) le 13 de ce mois [décembre 1774] vers midi. Il faut avouer qu'elle est délicieuse, mais tout est attrayant aussi à Marseille même & c'est un des plus agréables séjours que je connoisse. Mr. de St. Jacques de Silvabelle, Directeur de l'Observatoire, a beaucoup contribué à m'en rendre le souvenir bien cher; sa douceur & sa complaisance égalent son profond savoir qu'il a trahi, quelque réservé qu'il soit à le faire valoir, dans beaucoup de beaux Mémoires insérés dans les Transactions philosophiques, dans les Mémoires présentés à l'Acad. des Sc. de Paris, & dans les Mémoires de Marseille. Celui qu'il a donné dans ce dernier ouvrage sur les variations célestes tient, comme vous aurés vu, à une certaine Théorie des positions qu'il seroit à souhaiter que l'Auteur eût le loisir de donner complete; le principe est très fécond & ce que j'en ai lu en manuscrit m'a beaucoup plu. La solution du probleme sur la rotation du Soleil (Mém. présenté T. V.) Mr. de St. Jacques l'a déduite avec facilité d'une méthode de calculer les Orbites des Cometes qui n'a jamais été imprimée. Mr. de St. Jacques, depuis qu'il a été chargé de l'Observatoire, a fait outre un assés grand nombre d'observations, plusieurs remarques curieuses, par ex. sur les variations des réfractions à la même hauteur; sur les inégalités journalieres des pendules; sur les moyens de vérifier les miroirs des telescopes; il faut espérer qu'il les rendra publiques lui même; j'en viens à son Observatoire.

    (**) La vue, par excellence, sur une hauteur qu'on passe une demi lieue avant Marseille : on y voit devant soi la Méditerranée & à la gauche ces bastides innombrables dont tant de voyageurs font bruit. Plusieurs pays ont de ces vues, par excellence, citées par les voyageurs. Quand on est à Bristol, par exemple, on va voir à quelques milles plus loin le prospect sur la belle campagne angloise, le bras de mer ou canal de Bristol & les montagnes du pays de Galles.

Le Pere Feuillée avoit un observatoire aux Minimes, & une pension de 1000 liv. avec un adjoint, le P. Silugas [sic], auquel on donnoit 600 liv. Après sa mort les Minimes ne se souciant plus d'avoir un Astronome parmi eux, la pension de 1000 liv. fut transférée sur le P. Pézenas au College des Jésuites à condition qu'il auroit deux adjoints, qui ont été les PP. Blanchard & de la Grange; celui-ci observoit avec le plus d'assiduité, mais le P. Pézenas s'occupoit beaucoup de différens essais & d'essais très-couteux même, relatifs à l'Astronomie pratique, tels que de construire un quart de cercle de 10 pieds, & d'autres encore. Lors de la fatale destruction de son ordre, il emporta, rendit & remporta derechef tous les livres & les instrumens à l'exception du grand télescope dont je vous parlerai. Mr. de Saint Jacques fut mis en posssession de l'Observatoire & autorisé à acquérir de nouveaux instrumens aux frais du gouvernement, & voici à présent l'état de ce que j'ai vu. Cet Observatoire consiste principalement en une grande salle quarrée, avec une espece d'alcove vers le nord & un balcon au midi. Aux deux extrémités de la face méridionale sont deux demi tourelles : dans l'une est un instrument pour prendre les hauteurs correspondantes, semblable à peu près à celui du Compte d'Ilay : dans l'autre étoit le quart de cercle du P. Pézenas décrit à la fin de sa traduction de l'Optique de Smith & que le P. Pézenas m'a dit lui même avoir vendu à Mr. de Garipuy à Toulouse pour 50 Louis en même tems que sa lunette achromatique de laquelle Mr. de Garipuy lui a payé 24 Louis. Mr. de Saint-Jacques se proposa de détruire ces deux demi-tourelles pour y substituer deux grandes portes vitrées semblables à celle du milieu, de rétrécir le balcon & de construire deux autres petits bâtimens séparés pour l'instrument des hauteurs correspondantes & pour le quart de cercle qu'il a fait faire pour remplacer celui du P. Pézenas. A la porte vitrée actuelle répondent un niveau de Picard & un quart de cercle mural de 3 pieds, à divisions transversales, fait par un artiste plus ancien encore que l'Anglois & fixé contre le mur à peu près comme les muraux de l'Observatoire royal de Paris. (V. Lettr. Astron. p. 136.)

Les autres instrumens astronomiques que j'ai vus dans cette salle, sont : 

1. Une horloge dont le pendule est composé mais plus simple que ceux de Harrison, & dont l'échappement aussi n'est pas ordinaire. Le mouvement étoit fort haut, dans la boëte; M. de Saint-Jacques l'a fait abaisser, ce qui n'empêche pas la piece de marcher 15 jours.

2. Une lunette d'environ 4 pieds, situé à une minute près dans le plan du méridien & que M. de Saint Jacques tient fixe sur la Lyre; elle était susceptible aussi, par sa monture, d'un mouvement vers l'Est ou vers l'Ouest, avant qu'il l'eût fixée contre le mur. Il y a encore une autre lunette dirigée sur Sirius dans un cabinet à côté de la salle.

3. Un télescope grégorien de 2 pieds, par Short; pour lequel il y a deux micrometres objectifs, du même; l'un ne mesure que des distances ou des diametres de 8', l'autre en mesure de 35'; ils ne sont pas achromatiques & ne varient pas sensiblement pour les résultats; le second est celui qui est décrit dans les Mémoires de Marseille. Mr. de Saint-Jacques a trouvé assés longtemps les diametres de Jupiter en raison de 9 à 10, mais dernierement, pendant l'opposition, il les a trouvés à peu près égaux.

4. Un quart de cercle mobile de 3 pieds 6 pouces semblables presqu'entierement aux quarts de cercle anglois modernes, mais que Mr. de Saint-Jacques avoit fait exécuter d'après ses propres idées parun artiste Marseillois.

C'est au dessus de cette salle qu'est le grand télescope de Short qui distingue particulierement l'Observatoire royal de la Marine de Marseille. Il est sous un dôme mobile qu'on meut comme les moulins à vent & où les trappes, par l'ouverture desquelles on regarde, glissent l'une sur l'autre. Il est monté sur une machine parallactique; & a couté 7200 liv. de Fr. sans la monture. Ce télescope est fait à la façon de Cassegrain; son foyer est de 6 pieds anglois; le diametre du grand miroir est d'un pied; le grossissement, suivant le petit miroir & l'assortiment d'oculaires qu'on emploie, est depuis 200 jusqu'à 800 fois; le miroir a un petit défaut qui ne permet pas d'observer les objets avec la derniere nettetté. Mr. de Saint-Jacques a observé fréquemment avec cet instrument la comete de 1769 en la comparant avec de petites étoiles; car on peut le munir d'un micrometre filaire anglois, appliqué à un des assortimens des oculaires; ce micrometre a l'avantage d'avoir le fil fixe fort éloigné du centre, au moyen de quoi on peut embrasser & mesurer des distances ou des objets qui remplissent presqu'entierement le champ du télescope.

Voilà, Monsieur, ce que j'avois à vous dire de l'Observatoire royal de la Marine de Marseille : vous voyés qu'il est assés bien fourni pour qu'on doive fort regretter que Mr. de Saint Jacques y soit sans assistant; n'étant plus jeune, devant naturellement regarder les occupations pratiques de l'Astronomie comme au dessous de lui & désagréables, après avoir passé tranquillement sa vie dans de sublimes recherches d'Astronomie physique & d'autres; je suis réellement surpris qu'il s'occupe de l'Observatoire autant que je le vois faire (*).

    (*) Au commencement de cette année 1777 Mr. de Saint- Jacques m'a écrit qu'il avoit fait un voyage à Paris & obtenu de la Cour 800 liv. par an pour un Adjoint.

Je vais vous marquer à présent, Monsieur, quelques autres particularités touchant Marseille, qui peuvent vous intéresser.

L'Académie des Belles-Lettres, Sciences & Arts qui est à Marseille a comme celle de Lyon la loi de n'admettre personne qui ne soit de l'Académie dans ses assemblées particulieres, & ces deux Académies l'observent plus rigidement que l'Académie des Sciences de Paris où la même loi a lieu. Mais ayant eu le loisir de rester à Marseille jusqu'à ma réception, ce que je n'avois pu faire à Lyon, je viens d'assister à une assemblée de son Académie & de voir sa salle qui est une des salles académiques les plus ornées qu'il y ait. C'étoit une chapelle des Jésuites très-riche en peintures & en dorures & dont [on] n'a ôté que l'autel. On vient d'y former les commencemens d'une collection d'histoire naturelle, qui promet de devenir belle. Il y n'avoit qu'une douzaine de membres présens, mais le nombre en est plus grand; on en trouve la liste dans l'almanac de Marseille [...] Après mon petit compliment & la réponse de Mr. Mouraille, le Secrétaire perpétuel pour les Sciences & les Arts (car il y en a un autre pour les Belles-Lettres) j'ai entendu la lecture d'un morceau sur l'histoire de Provence [...]

C'est dommage que cette Académie ne fasse imprimer que des Mémoires de littérature, & peut-être seulement ceux de ce genre qui ont concouru pour les prix; car les Mémoires que Mr. de Saint-Jacques a lus dans ses assemblées & que j'ai vus (*), ceux qui lui auront été présentés probablement par Mr. Mouraille, l'un de ses Secrétaires dont vous connoissés sans doute le bon Traité des équations, enfin les observations de plusieurs bons Médecins qu'elle compte parmi ses membres [...], tous ces Mémoires, dis-je, formeroient un recueil instructif & qui lui feroit honneur auprès des Savans. Mr. Mouraille m'a dit qu'il se proposoit de publier dans peu la suite de son Traité des équations.

    (*) J'ai moi même la copie d'un de ces intéressans Mémoires qui traite des dérangemens qui peuvent arriver dans le cours des astres & je me suis fait un extrait d'un autre contenant une explication de la chevelure & de la queue des Cometes; ce sont les Mémoires dont je parle dans ma Liste des astronomes &c. pag. 34. J'ai une copie aussi des observations des Cometes de 1769 & de 1770 faites par Mr. de St. Jacques & j'ai publié d'autres observations de cet habile & savant Astronome, dans les éphémérides de Berlin pour 1778.

[...]

[Il y a] tant d'autres agrémens qu'on chercheroit en vain ailleurs, même dans de grandes capitales, à cause de l'avantage qu'a Marseille sur la plûpart de celles-ci d'être un port de mer, dans un climat délicieux. Le vent mistral ou mistras & la coûtume des Marseillois d'infecter les rues autant qu'il est possible, font les ombres de ce tableau, mais elles ne sont pas assés fortes pour en ternir l'éclat.

[...]

Finie à Marseille, ce 28 Décembre 1774.

P.S. Je m'apperçois que je ne vous ai pas dit un mot de tant de promenades délicieuses que j'ai faites sur le port en me chauffant à un bon Soleil de Mai & en pensant, pour jouir doublement de ce plaisir, au tems qu'il fait en Décembre dans le Brandebourg; il faut avouer que je suis un ingrat.

Observatoire de la Ville
extrait de L'attraction des montagnes, et ses effets sur les fils à plomb ou sur les niveaux des instrumens d'astronomie, constatés et déterminés par des observations astronomiques et géodésiques...

 

par le Baron de Zach (1754-1832)
Avignon, chez Seguin aîné, 1814 
Franz Xaver von Zach
als Gothaischer Offizier
Schloßmuseum Gotha  

[...]

En 1696, la ville fonda, en faveur des Jésuites, une école de Théologie; et pour la placer, ils alloient faire bâtir une très-belle maison dont leur Général avoit déjà approuvé le plan. Le P. Laval avoit pris le gout de l'astronomie-pratique de son ami intime Chazelles, qui mourut, en 1710, entre ses bras. Il engagea ses confrères à se donner du mouvement pour obtenir du Roi de leur faire bâtir un Observatoire dans cette maison; ils y réussirent par les protections qu'ils avoient, à la Cour, et surtout par le P. de la Chaise, de leur Société, Confesseur du Roi; peut-être aussi par le grand crédit du célèbre Dominique Cassini, avec lequel Chazelles avoit mis Laval en grande relation. Louis XIV leur fit don à cet effet de l'ancienne Fonderie qu'il avoit dans le quartier du roc des moulins, près la place de Linche, l'endroit le plus élevé de la ville. Les Jésuites changèrent alors le plan de cette maison qui avoit déjà été arrêté et signé par leur Général. La partie du centre de cet édifice fut destinée pour l'Observatoire; on renforça pour cela les murs de la cage par des piliers de deux pieds d'épaisseur, et on donna à tous les murs principaux l'épaisseur de quatre pieds. Les deux premiers étages de la maison sont voûtés; chaque étage a une galerie de 162 pieds de long du levant au couchant, sur 9 pieds de large. Cette maison, à laquelle on a donné la dénomination de Sainte-Croix, fut achevée, et l'Observatoire mis en activité, en 1702. Le P. Laval en eut la direction; il y traça une méridienne (qui n'existe plus) qu'il prolongea à deux lieues du côté du midi jusqu'à la montagne du collet du Rose, et où il fit tailler un rocher en pyramide pour mire méridienne. Le P. Laval ayant été nommé, en 1718, Professeur Royal d'Hydrographie des Gardes de la Marine à Toulon, emporta avec lui tous les instrumens, pour en garnir un nouvel Observatoire que le Comte de Toulouse et le Conseil de Marine lui firent construire en cette ville; il y est mort en 1728. Le P. Pézénas lui succéda dans l'Observatoire de Marseille, qu'il rétablit en 1729. C'est sous sa direction que 1e Roi accorda le grand télescope de six pieds, de Short, qu'on voit encore dans la grande coupole, mais qui est totalement dégradé. Il avoit aussi obtenu l'agrément de faire construire à Londres un quart-de-cercle de douze pieds de rayon; instrument colossal, qui n'a jamais existé : le changement du ministère en fit suspendre et ensuite abandonner l'exécution.

En 1763, époque de la suppression des Jésuites en France, le Roi se mit en possession de l'Observatoire de Sainte-Croix; mais on y trouva fort peu d'instrumens. Le P. Laval en avoit déjà emporté une partie, et le P. Pézénas, qui s'étoit retiré à Avignon, sa ville natale*) avoit emporté le reste. Il ne laissa que ceux qui étoient aux armes du Roi, et qui avoient été payés des fonds de la Marine.

    *) Esprit Pézénas étoit né à Avignon, le 28 novembre 1692, mort dans la même ville le 4 février 1776. En passant par Avignon, en avril 1805, nous apprîmes qu'il avoit laissé beaucoup de manuscrits, entre autres toute sa correspondance avec les Savans et les Astronomes avec lesquels il avoit été en relation. Ses papiers étoient alors entre les mains d'une de ses nièces, son unique héritière. Nous avons inutilement cherché d'en faire l'acquisition pour les sauver de la perte.

M. Saint-Jacques de Silvabelle*) succéda, par brevet du Roi, le 19 mars 1763, au P. Pézénas. Cet estimable Savant occupa cette place pendant 38 ans, jusqu'à sa mort arrivée le 10 février 1801. C'est sous sa direction que cet Observatoire s'est le plus enrichi d'instrumens : il y plaça un instrument de passages de 30 pouces de foyer, de Lennel; l'objectif achromatique est de l'Etang, le niveau de Chaligni : un quart-de-cercle mural de 4 pieds 8 pouces par Carthailler, d'Avignon; un quart-de-cercle mobile de deux pieds et demi par Lefèvre, mais réparé et nouvellement divisé par Lenoir. Sur la proposition que nous fîmes, en 1804, à M. Thulis, Directeur alors, il y fit appliquer par les habiles horlogers Barthez, à Marseille, la suspension du fil à plomb, selon la nouvelle invention de Ramsden, qui est celle de faire battre le fil à plomb sur l'image optique du point zéro de la division de l'instrument; amélioration importante dont nous avons dirigé l'exécution. Une belle lunette parallactique de Dollond, de trois pieds, avec un héliomètre objectif et des micromètres oculaires. Une excellente pendule à verges de compensation de Louis Berthoud. C'est encore sous sa direction qu'on a fait, en 1794-1796, des changemens et des réparations considérables dans cet Observatoire, et qu'on y a mieux placé les instrumens. MM. Bernard et Thulis avoient été successivement ses adjoints; ce dernier le remplaça après sa mort, en 1801, dans la direction de cet Observatoire, qu'il n'a remplie que pendant neuf ans, étant décédé le 25 janvier 1810; voyez sa Biographie que nous avons donnée dans le Vol. XXI, page 441, de notre Correspondance astron. et géogr.; et son portrait, dans le Vol. XV.

    *) Voyez la Biographie que nous avons donnée de cet Astronome, avec son portrait, dans le XVIIIe Vol. page 58 de notre Correspondance astron. et géogr.

Nous ne pouvons pas passer sous silence le Concierge de cet Observatoire, Jean-Louis Pons, qui mérite ici une mention honorable pour son adresse, son intelligence et sa patience à découvrir des comètes. Il en a trouvé à lui seul 18 en 13 ans. Le Ministre de l'Intérieur, l'Institut, le Bureau des Longitudes, l'Académie de Marseille lui ont décerné plusieurs prix d'encouragement. Il est fort adroit à travailler les verres; il a fait en entier la lunette de nuit avec laquelle il a découvert la comète du 11 juillet 1801; il l'a faite d'après une lunette anglaise d'Adams, qui est à l'Ecole de Navigation de Marseille. Pons est né, le 24 décembre 1761, à Peyre, village du haut Dauphiné; il est à l'Observatoire depuis le 3 février 1789. Par un Décret rendu à Dresde, en juillet 1813, il a été nommé Astronome-adjoint de l'Observatoire.

Après l'expulsion des Jésuites, cet Observatoire avoit pris le nom d'Observatoire Royal de la Marine; et après la vente de l'Arsenal [...], le Roi, par un Arrêt de son Conseil d'Etat tenu à Versailles, le 5 octobre 1781, attribua à l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de Marseille la direction et les dispositions de cet Observatoire. M. Malouet, alors Commissaire-général chargé de l'exécution des ordres du Roi en ce qui concerne le Département de la Marine, fit en conséquence à l'Académie la remise des bâtimens, meubles et instrumens, après en avoir fait dresser l'inventaire et le procès-verbal. L'Académie conserva cette direction jusqu'à l'époque de la révolution et de la destruction générale, à laquelle elle n'a pu échapper elle-même. Pendant le règne de l'anarchie et de la tyrannie, cet Observatoire prit tour-à-tour la dénomination de national et d'impérial; il dépendoit du Conseil exécutif, ensuite du Directoire, et en 1804, il fut mis sous la dépendance du Ministre de l'Intérieur, sous laquelle il a resté jusqu'en ce moment. Cet établissement, autrefois si célèbre et si utile, placé sous un des plus beaux climats de l'Europe, auroit besoin d'une grande réforme, et d'une régénération totale.

[...]


Observatoire Royal de Marseille
paru dans Statistique des Bouches du Rhône

Marseille, 1826
auteurs présumés : 
le comte de Villeneuve, préfet des Bouches du Rhône
&
Gambart, directeur de l'Observatoire
  L'importance dont la ville de Marseille a joui dans tous les temps, et les expéditions maritimes sur lesquelles ont toujours été assises les bases de sa prospérité, ont dû faire fonder de bonne heure dans ses murs des écoles destinées à propager les connaissances nécessaires à l'art nautique. Aussi voyons-nous dès la plus haute antiquité les sciences mathématiques, la géographie, et surtout l'astronomie, professées avec éclat dans cette ville.

Visitée constamment par les navigateurs de tous les pays civilisés, Marseille devait mettre de l'intérêt à ce que sa position géographique fût bien connue et déterminée exactement. Il lui importait également de déterminer les positions respectives des différentes contrées de l'intérieur des terres ou des côtes de l'Océan avec lesquelles elle entretenait des relations; pour cela il lui fallait un point de départ fixe, et les magistrats chargèrent Pythéas, le plus habile de ses mathématiciens, de calculer la latitude de la ville. Pythéas éleva un gnomon dans l'enceinte du temple de Diane il y fit des observations solsticiales et équinoxiales d'après lesquelles il calcula la hauteur du soleil. M. le baron De Zach place ces observations à l'année 350 av. J.C.,et le lieu, sur l'emplacement où est aujourd'hui l'église cathédrale de la Major. C'est assurément le premier Observatoire établi en Europe ou au moins dans les Gaules.

Ces observations, mentionnées par Strabon avec des doutes et une critique amère, mais adoptées par Hypparque et Ptolémée, avaient été l'objet de dissertations plus ou moins offensantes pour l'astronome marseillais, lorsque le célèbre Peyresc, zélé pour tout ce qui se rattachait à la gloire de son pays, voulut éclaircir ce point historique. Il engagea son savant ami Pierre Gassendi à entreprendre la justification de leur compatriote Pythéas. Gassendi se rendit à Marseille le 18 juin 1636, et fit construire un gnomon, élevé de 52 pieds, au centre des bâtimens, alors en construction, du collége de l'Oratoire, à la rue Ste.-Marthe. Faute de soins nécessaires, ces observations présentèrent quelques imperfections; mais elles suffirent cependant pour réhabiliter la gloire de Pythéas contre les assertions de Strabon qui prétendait que l'expérience du gnomon avait été faite à Byzance et non à Marseille; assertions combattues de nos jours encore plus victorieusement par M. De Zach [Attraction des Montagnes, etc., par M. le baron De Zach, pag. 515 et suiv.].

Dominique Cassini détermina la latitude de Marseille en 1672, puis en 1692. Cette dernière observation fut faite à l'hôtel de la Croix de Malte.

En 1685, Jean-Mathieu De Chazelles, natif de Lyon, fut nommé professeur d'hydrographie pour les galères du Roi à Marseille. C'est en cette qualité qu'il y fit de nombreuses observations astronomiques, publiées en partie dans les Mémoires de l'Académie Royale des Sciences de Paris. Il plaça son observatoire dans un local dépendant de l'Arsenal. Chazelles mourut en 1710. Le P. Laval, jésuite, s'était formé par ses leçons à la science et à l'usage des instrumens astronomiques.

A peu près dans ce même temps, le P. Feuillée, religieux minime, natif de Mane en Provence, se distinguait par ses travaux scientifiques et ses voyages, entrepris par l'ordre du Roi, dans les quatre parties du Monde. Il avait été nommé par Louis XIV, son mathématicien en titre, en 1707. Ce Monarque, en 1714, lui fit bâtir un observatoire à la Plaine Saint-Michel, dans le couvent des Minimes, au haut de la rue qui en a conservé le nom. Feuillée s'y livra sans interruption à ses travaux scientifiques; les événemens terribles de la peste de 1720 ne le détournèrent pas un instant, et la Bibliothèque de Marseille possède des manuscrits de cet astronome, datés de ces temps-là, qui retracent avec une précieuse naïveté l'assiduité et la constance de ses occupations astronomiques, et le pieux dévouement, le zèle courageux avec lesquels il consolait les habitans des campagnes où il avait cherché un asile. Ce savant et saint religieux mourut en 1732 à l'âge de 72 ans.

La position de ces différens Observatoires a été calculée par M. De Zach, qui a consigné les faits dans l'ouvrage déjà cité. Nous avons dû les faire connaître à nos lecteurs, parce que leur histoire est celle de l'Astronomie dans cette contrée.

Les Jésuites, établis à Marseille en 1614, y possédaient plusieurs maisons et des colléges. Ayant obtenu de la ville la fondation d'une école de Théologie, ils allaient faire bâtir une maison pour cette destination; le P. Laval, que ses liaisons d'amitié avec Chazelles avaient initié dans la science de l'Astronomie, engagea ses confrères à faire leurs efforts pour obtenir du Roi qu'il leur fit bâtir un Observatoire; ce qu'ils obtinrent par le crédit de Dominique Cassini et du P. Lachaise. Les plans de construction furent modifiés en conséquence, et cette maison, dite de Ste.-Croix, où est encore aujourd'hui l'Observatoire Royal, fut en état d'être livrée à sa destination en 1702. Le P. Laval en eut la direction jusqu'en 1718, époque où étant nommé Professeur royal d'Hydrographie à Toulon, il y transporta son domicile, ses papiers et la plupart des instrumens. Il ne fut pas remplacé de suite; ce qui prouve qu'en se rendant à Toulon il ne perdit pas le titre de Directeur de l'établissement de Marseille; mais à sa mort, arrivée en 1728, le P. Pezenas lui succéda, et entra en fonction l'année suivante. La suppression de l'ordre des Jésuites ayant eu lieu en 1763, le Roi se mit en possession de la maison de Ste.-Croix, que prit le nom d'Observatoire Royal de la Marine. Le P. Pezenas se retira à Avignon, emportant avec lui ses registres et tous les instrumens qui n'étaient pas marqués des armes du Roi. M. De St.-Jacques-Sylvabelle fut nommé Directeur par brevet du Roi du 18 juin 1764; mais il ne trouva presque aucun mobilier et il fut obligé d'en opérer la restauration. C'est sous sa direction que l'Observatoire s'est enrichi de la plupart des instrumens qui ont servi seuls jusqu'à ces dernières années aux observations; c'est aussi à ce Directeur que commence la tenue régulière des registres.

En 1780, le local dans lequel l'Académie de Marseille tenait ses séances dans l'Arsenal ayant été démoli, le Roi ordonna, l'année suivante, que cette Société savante aurait la direction de l'observatoire et 1'usage des bâtimens et des instrumens qui y sont attachés [...]. M. De Saint Jacques fut conservé dans sa place, et en cas de vacance, la nomination devait être faite par le Ministre de la Marine, sur la présentation de trois candidats par l'Académie. Par suite de cette faculté, M. Bernard, et ensuite M. Thulis, furent successivement présentés et nommés adjoints. L'Académie, mise en possession des bâtimens de l'Observatoire le 7 novembre 1781, y tint régulièrement ses séances jusqu'en 1793. Elle y forma un cabinet de physique et de chimie, une bibliothèque, un cabinet d'histoire naturelle, et des registres y furent ouverts pour y consigner les faits qui pourraient intéresser les sciences en général et l'Astronomie en particulier. Les événemens de 1793 dispersèrent l'Académie, et lui ravirent ces brillantes concessions de nos rois.

M. De St.-Jacques, mort dans un Age très-avancé, en 1801, eut pour successeur M. Thulis, qu'il avait auprès de lui depuis douze ans en qualité d'adjoint, et l'un des candidats présentés par l'Académie. Le nouveau Directeur occupa cette place avec distinction jusqu'à sa mort, arrivée en 1810. Il déploya dans sa carrière astronomique un zèle infatigable pour la science. C'est dans cet intervalle, avec sa coopération et celle de M. Martin fils, dont l'Académie déplore la perte récente, aidé encore par M. Béranger-la-Baume, académicien distingué par son savoir et sa profonde modestie, que M. le baron De Zach fit à Marseille la plupart de ses opérations géodésiques et astronomiques consignées dans l'ouvrage cité plus haut.

M. Blanpain, élève distingué de M. Thulis, et qui avait été admis à l'Observatoire, en 1797, en qualité de surnuméraire, lui succéda sur la présentation de l'Académie et par décret du Gouvernement du 6 juillet 1810. On lui donna pour adjoint en 1813, M. Pons, qui, simple concierge, avait su, par sa patience rare et une intelligence toute naturelle, se former de lui-même aux observations astronomiques et à la construction des lunettes. Il découvrit 18 comètes en [18] ans de séjour à l'Observatoire, et obtint plusieurs prix d'encouragement. Appelé à Luques en 1819, l'attachement qu'il portait à l'établissement où il s'était formé lui faisait refuser les offres avantageuses de l'Archiduchesse, que ses amis le forcèrent, pour ainsi dire, d'accepter. M. Gambart, jeune savant, sortant des Ecoles de la Marine, fut nommé à sa place, en qualité d'adjoint, dans l'année 1820, et l'année d'après, au mois de décembre, des circonstances impérieuses ayant éloigné M. Blanpain de l'établissement qu'il dirigeait depuis onze ans, M. Gambart le remplaça en qualité de Directeur.

Après avoir tracé l'historique de l'Observatoire Royal avec une rapidité qui ne nous a pas permis de signaler les importans travaux des savans qui s'y sont succédés, mais qui nous était imposée par la nature de cet ouvrage, il nous reste à donner la description de l'établissement. Nous la devons aux notes que M. Gambart a bien voulu nous communiquer.

Le bâtiment, situé au point culminant de la ville, sur une butte appelée la Roche des Moulins, jouit d'une vue étendue sur le territoire et sur la mer. Il est à 200 m du Port, et à 10000 m du cercle de montagnes qui entoure le bassin de Marseille. Sa direction est de l'Est à l'Ouest sur une longueur de 162 pieds intérieurement. Il est composé de trois étages, dont les deux premiers sont voûtés. L'Ecole de Navigation et celle de Géométrie et Mécanique pratiques sont au rez de chaussée. Le concierge occupe le premier étage, les astronomes le second, et l'Observatoire proprement dit est au troisième. Les murs ont 1 m d'épaisseur sur les deux faces à leur partie inférieure; un mur de 20 pouces s'élève depuis les fondations jusqu'au troisième étage, et se trouve lié à la face méridionale, dans une Longueur de 100 pieds environ. C'est là que reposent, dans le cabinet à l'Ouest de la grande salle les piliers d'une lunette méridienne de Lennel, de 96 centimètres de foyer et de 48 millimètres d'ouverture. Chaque jour d'observation la position de l'instrument est vérifiée au moyen d'un niveau à bulle d'air et d'une mire située du côté du Midi à une distance de 1125 m. Une pendule à grille, de Louis Berthoud, se trouve à côté, et en avant est placé un quart de cercle mural de 4 pieds 8 pouces de rayon, construit vers 1771, à Avignon, par un artiste nommé Cartaillier. Il est d'une construction peu soignée, extrêmement défectueux, et ne peut servir aux observations.

Dans la grande salle se trouvent une horloge de temps moyen, munie d'un pendule à verge de sapin; les lunettes mobiles, dont une de Lerebours, d'un décimètre d'ouverture et de 1m70 de foyer, envoyée en 1804 par le Bureau des Longitudes, et qui grossit 200 fois; un baromètre de Fortin; un atlas céleste de Bode reçu en 1822; une rose des vents, dont la girouette est située au haut du bâtiment, et les registres de l'Observatoire.

Le milieu du toit de l'édifice forme une terrasse adossée à une grande tour à toit tournant, qui renferme depuis plus de 70 ans un télescope de Short, accordé par Louis XV à l'Observatoire. Ce télescope a 6 pieds de foyer et 1 pied d'ouverture. Il est monté sur une machine parallactique, et grossissait de 200 à 800 fois mais cet instrument a besoin d'être réparé et il est hors d'usage depuis 30 ans.

Deux autres tours plus petites sont situées à l'Est et à l'Ouest de celle-ci, de manière à former avec elle une espèce de quatrième étage. La tour occidentale contient un quart de cercle mobile, de Lefebvre, de 2 pieds 1/2 de rayon, réparé et divisé par Lenoir, et auquel M. Thulis et M. De Zach firent adapter, en 1804, la suspension du fil à plomb de Ramsden; une lunette de Dollond, de 64 millimètres d'ouverture, et de 1m8 de distance focale montée parallactiquement, est placée dans la tour orientale, et à côté se trouve une pendule astronomique de Graham, dont la compensation est à mercure, due à la libéralité de M. le marquis De La Place.

Des améliorations récentes ont signalé l'entrée en fonction de M. le Directeur actuel de l'Observatoire, protégé et encouragé par M. le comte De Villeneuve, préfet du département, par le Bureau des Longitudes et par le Conseil général des Bouches-du-Rhône, auprès desquels on ne sollicite pas vainement une coopération active aux choses utiles. L'établissement a successivement reçu un cercle répétiteur, de Gambey, de 20 pouces de diamètre, dont ce Bureau et ce Conseil se sont partagé les frais, ainsi que l'ancienne machine parallactique de l'Observatoire de Paris, réparée avec soin. Bientôt une lunette méridienne de cinq pieds, que M. Gambey est chargé de construire, sera ajoutée aux acquisitions déjà faites. Ajoutons qu'une somme de 8000 f avait déjà été accordée en 1822 pour les réparations de l'édifice.

Un hygromètre de Saussure, un thermomètre de Fortin, et une machine à mesurer la pluie sont fixés dans une pièce dite Cabinet Météorologique et enfin une boussole est établie près de la lunette méridienne; ce dernier instrument est mal placé; il est très-défectueux, et aurait besoin d'être remplacé par un plus parfait, propre à calculer les variations et la déclinaison de l'aiguille aimantée; il serait aussi utile d'y joindre une boussole d'inclinaison. Notre port, fréquenté par une aussi grande quantité de navigateurs, réclame impérieusement le secours de ces instrumens, au moyen desquels l'Observatoire Royal de Marseille compléterait son mobilier, et deviendrait une succursale indispensable de celui de Paris.

Il n'existe à l'Observatoire aucun registre du P. Laval non plus que du P. Pezenas; ce n'est que depuis la direction de M. De St-Jacques, en 1764, que commence la série des observations que nous possédons.

Quelques ouvrages périodiques, des Mémoires particuliers ou académiques contiennent un grand nombre d'observations faites à Marseille par les astronomes qui ont été attachés à l'Observatoire; tels sont : la Connaissance des Temps, les Mémoires de l'Académie des Sciences de Paris et de celle de Marseille, les ouvrages publiés par M. le baron De Zach etc.

La dépense annuelle de l'établissement, supportée par le Trésor royal, est de 5700 f. Le personnel se compose d'un Directeur, d'un astronome adjoint et d'un concierge. L'allocation d'entretien pour le local et les instrumens n'est que de 6oo f. Cette somme n'est pas suffisante pour les importantes améliorations que réclame cet Observatoire qui, aux droits qu'il tient de son antique illustration, réunit encore l'avantage d'être dans une position des plus belles et des plus favorables pour remplir son importante destination.


L'Observatoire de Marseille
[première partie : histoire jusqu'à la Révolution]
par Edouard Stephan
ancien directeur de l'Observatoire
paru dans Encyclopédie départementale des Bouches du Rhône, tome

III

Marseille, 1920
 

Dès la seconde moitié du dix-septième siècle, Marseille avait possédé des observateurs très distingués, tels que le P. Feuillée (1660-1732), de l'ordre des Minimes, et de Chazelles (1657-1710) qui, pendant vingt-huit ans, fut professeur d'hydrographie à l'arsenal des galères.

Nous ne nous étendrons pas ici sur la carrière de ces deux hommes éminents ; mais nous ne pouvons nous abstenir de rappeler que de Chazelles fut le promoteur de la création du premier observatoire régulièrement établi dans notre ville. Ce fut lui, en effet, qui inspira au jésuite Laval le goût de l'astronomie.

Ce dernier sut convaincre ses confrères de l'utilité d'annexer une station astronomique bien outillée au collège de Sainte-Croix, que leur ordre dirigeait avec succès, rue Montée-des-Accoules, à l'extrémité du Roc-des-Moulins, point culminant de la ville et, en 1702, grâce à une subvention royale obtenue par le crédit du Père de la Chaise, l'observatoire se trouva en état de fonctionner.

Laval, qui en fut naturellement le premier directeur, a eu une vie très active. A l'observatoire, il traça une méridienne qu'il prolongea jusqu'à la montagne du Collet-de-la-Rose, où il fit tailler un rocher en forme de pyramide pour servir de mire et exécuta un assez grand nombre d'observations ayant trait, en particulier, à la réfraction atmosphérique. En outre, de 1701 à 1717, il fut chargé par le roi de travaux géodésiques sur les côtes de Provence et plus tard d'un voyage en Louisiane. La plupart de ses observations sont relatées dans un ouvrage ayant pour titre Voyage en Louisiane fait par ordre du roi en 1720, etc., Paris, 1728. Malheureusement, ses observations paraissent entachées de graves inexactitudes, et le baron de Zach, qui les a discutées, en fait une vive critique*.

    * Les Mémoires de Trévoux insérèrent souvent des notices relatives aux observations astronomiques faites a Marseille : avril 1706, pp. 681-694 ; août 1706, pp. 1422-1427 ; 1707, pp. 2170-2175 ; 1708, pp. 155-164, 1276-1280 ; 1709, pp. 151-161, 692-694, 1658-1665 ; 1710, pp. 169-177 ; 1711, pp. 721-725, 904-911 ; 1713, pp. 1281-1285, 1452-1476 [Observations faites sur les montagnes de la Sainte-Baume par ordre de Mgr. de Pontchartrain, par le P. Laval, Professeur royal d'hydrographie à Marseille (géodésie et altitude)] ; . . . 1730, P. 40, etc.

Nommé professeur d'hydrographie à Toulon, en 1718, Laval y transporta la plupart des instruments de Marseille, et l'observatoire de Sainte-Croix demeura inactif jusqu'en 1729, époque où le P. Pezenas* vint lui redonner une vie nouvelle.

    * Pezenas (Esprit), né à Avignon le 28 septembre 1692, décédé dans la même ville le 4 février 1776. Sa vie a été écrite par l'abbé Aoust, Mémoires de l'Académie de Marseille, années [1870-71].

Le nouveau directeur était un savant d'un rare mérite, d'une culture intellectuelle aussi variée qu'étendue ; avant d'enseigner la physique à Aix, où il fut appelé en 1727, il avait professé les humanités dans les plus importants collèges de son ordre, notamment à Lyon. A Marseille, outre l'observatoire, il avait, comme le P. Laval, la charge des cours de l'école royale d'hydrographie, fonctions qu'il conserva jusqu'à la suppression des galères royales en 1749.

Cette même année, l'observatoire de Sainte-Croix fut érigé en observatoire royal de la marine, prenant ainsi le caractère national qu'il a conservé depuis, et Pezenas, confirmé dans ses fonctions de directeur, fut également nommé membre correspondant de l'Académie des Sciences. En même temps, une pension royale assurait les émoluments de deux astronomes adjoints et, de plus, l'Etat contribua dans une certaine mesure à enrichir le matériel scientifique. C'est ainsi, par exemple, qu'un beau télescope de six pieds de longueur fut attribué à Marseille.

Pendant toute la durée de sa direction, qui prit fin en 1763, lors de l'expulsion des Jésuites, Pezenas n'a cessé de déployer un zèle, une activité et une habileté des plus louables. Par la multiplicité et l'exactitude de ses observations, par ses publications, par les soins donnés à l'éducation de ses élèves, par le mouvement scientifique qu'il sut créer autour de lui, l'observatoire de Marseille commença à prendre dans l'estime du monde savant une place des plus honorables. Parmi les nombreux disciples qu'il forma, et dont plusieurs parvinrent à des situations scientifiques distinguées, nous citerons le P. Lagrange, qui devint directeur de l'observatoire de Milan, et Saint-Jacques de Silvabelle, dont nous parlerons bientôt plus longuement.

Autour de Pezenas s'étaient groupés spontanément, comme en une sorte de noyau académique, une élite d'esprits distingués qui, à Marseille, s'occupaient alors de la culture des lettres et des sciences. Avec leur collaboration, il publia d'année en année, à partir de 1755, cinq volumes in 4º de mémoires scientifiques ayant trait à l'astronomie, la physique, les mathématiques, la navigation et l'agriculture.

Ses publications exclusivement personnelles sont très nombreuses. Citons d'abord les ouvrages didactiques composés pour ses élèves hydrographes : Elémens de pilotage, La Pratique du pilotage, L'astronomie des marins, traités techniques qui ont eu plusieurs éditions.

En astronomie proprement dite, ses premiers travaux ont eu pour objets, comme il devait être, la latitude et la longitude de l'observatoire. Les observations concernant la latitude ont été résumées dans les Mémoires de Trévoux ; elles se rapportent à l'année 1731.

La question si épineuse des longitudes était alors à l'ordre du jour. Pezenas a montré comment les observations lunaires peuvent fournir la solution du problème. Ses idées sont exposées dans deux mémoires très favorablement jugés par Lalande ainsi que par Delambre, et qui ont pour titres : Examen de la méthode de Lacaille pour trouver les longitudes et Nouveaux essais pour trouver les longitudes en pleine mer.

Ses observations et ses recherches sur cette question des longitudes, sur les éclipses de soleil et de lune, ainsi que sur les occultations ont fourni la matière de communications faites à l'Académie des Sciences et jugées dignes de l'insertion dans les Mémoires de la Compagnie (1748).

Citons encore sa théorie nouvelle du mouvement des taches du soleil ; travail également présenté à l'Académie des Sciences et inséré aussi au recueil des Mémoires des savants étrangers.

Enfin, sa connaissance profonde de la littérature anglaise lui permit de rendre un service sérieux au public français par les traductions qu'il donna de plusieurs ouvrages importants publiés chez nos voisins.*

    * Ouvrages anglais traduits par Pezenas : Guide des mathématiciens, de Ward (1747) ; Algèbre et traité des fluxions, de MacLaurin (1749) ; Physique de Desaguillers (2 vol. in 4º, 1751) ; Optique, de Smith (2 vol. in 4º, avec additions du traducteur, 1767). Œuvres personnelles : Tables des logarithmes des nombres ainsi que des sinus et tangentes des arcs des quatre premiers degrés, de seconde en seconde (1770) ; Méthode pour la résolution des triangles sphériques (1772) ; Examen de la méthode de La Caille (1775) ; Historique critique de la découverte des longitudes (1775) ; ouvrages publiés à Avignon avec la collaboration de l'imprimeur Aubert.

Les travaux de science pure n'empêchaient pas Pezenas de s'intéresser aux choses de la vie courante. Le premier il avait signalé l'inexactitude des règles suivies jusqu'alors par le commerce marseillais pour le jaugeage des tonneaux et des navires. Il fit de la question une étude approfondie qui le conduisit à une règle rationnelle et simple dont on fait encore usage aujourd'hui. Telle est l'origine du mémoire ayant pour titre : Solution du problème de Kepler sur les proportions des segments d'un tonneau coupé parallèlement à son axe, qui fut présenté en 1751 à l'Académie des Sciences et encore inséré au recueil des savants étrangers.

Pezenas revint d'ailleurs sur la question à diverses reprises et de l'ensemble de ses recherches composa le livre, qui parut en 1749, sous le titre Théorie et pratique du jaugeage des navires et des tonneaux.

Cet infatigable travailleur resta sur la brèche jusqu'au dernier moment. Il se proposait de publier une Collection générale des travaux mathématiques contenus dans les recueils de toutes les académies d'Europe et en avait même informé le public par le Journal des Savans, lorsque la mort vint l'enlever, le 4 février 1776, à l'âge de 84 ans.

Saint-Jacques de Silvabelle* qui, en 1763, avait succédé à Pezenas comme directeur de l'observatoire royal de Marseille, était à tous les points de vue digne de le remplacer. Par ses travaux sur les mathématiques pures et sur l'astronomie, ce savant, encore jeune alors, s'était déjà acquis, tant en France qu'à l'étranger, la plus honorable notoriété.

    * Guillaume de Saint-Jacques de Silvabelle, né à Marseille le 28 janvier 1722, décédé dans la même ville le 10 février 1801. Sa vie a été écrite par l'abbé Aoust : Mémoires de l'Académie de Marseille, 1870-1871.

Dès l'âge de 19 ans, il avait présenté à l'Académie des Sciences de Paris un mémoire sur la recherche du solide de moindre attraction, c'est-à-dire du solide tel que la résultante des attractions de ses diverses molécules sur un point soit la moindre possible, problème fort ardu, surtout pour l'époque. Sa solution géométrique, simple et élégante, eut l'honneur de l'insertion dans les Mémoires des savants étrangers (1742).

Trois ans après, il aborde un autre problème du même ordre, mais plus difficile, sur lequel Newton avait déjà donné des indications succinctes, et qui présente de l'intérêt dans la pratique pour le choix de la forme des piles de ponts, celui de la recherche du solide de moindre résistance. Son travail assez étendu est, comme le précédent, présenté à l'Académie des Sciences qui vote encore son insertion dans les Mémoires des savants étrangers (1745).

Un des principaux titres de Saint-Jacques est d'avoir activement contribué, et des premiers parmi les savants français, à faire comprendre la profondeur et la fécondité du principe dé l'attraction universelle.

On sait avec quelle difficulté les idées de Newton se vulgarisèrent en France où, jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, la presque totalité des esprits éclairés s'obstina, soit par ignorance, soit par une sorte de faux patriotisme, à considérer la vague théorie des tourbillons de Descartes comme capable d'expliquer les lois des mouvements planétaires.

Nul plus que Voltaire n'a coopéré au redressement de l'opinion publique à cet égard et ce n'est pas là un de ses moindres titres. Combien d'emprunts n'a-t-on pas faits, depuis lors, dans les innombrables discours où il a été parlé d'astronomie, à la pièce où il exalte en vers pompeux la gloire de Newton et que la marquise du Châtelet a placé en tête de sa traduction du Livre des principes de la philosophie naturelle.

Lorsque cette première traduction française parut en 1759, trente-deux ans après la mort de Newton, la très grande majorité de l'Académie des Sciences tenait encore pour les idées de Descartes ; parmi nos géomètres eux-mêmes, fort peu avaient poussé à fond l'étude de l'incomparable chef-d'oeuvre, rebutés sans doute par la forme synthétique de l'ouvrage qui en rend la lecture pénible. Saint-Jacques de Silvabelle, au contraire, le possédait dans les moindres détails, s'en était assimilé la méthode géométrique qui convenait particulièrement à la nature propre de son esprit et déjà, par ses publications, par ses lettres, il s'était activement efforcé de convertir ses compatriotes au principe de la gravitation universelle. On disait de lui à cette époque : " Saint-Jacques est un excellent géomètre qui connaît Newton comme peu de personnes le connaissent ; on dirait que ce grand homme lui a transmis son esprit et ses idées sur la constitution de l'univers. " On a même ajouté plus tard qu'il a été le continuateur de son oeuvre, ce qui est exact dans une certaine mesure.

Newton, pour déduire les lois de Kepler du principe de la gravitation, a considéré les planètes comme soumises à la seule action du soleil, qui est en effet et de beaucoup prépondérante ; mais ce n'est là qu'une première approximation. Mieux que personne il savait que les planètes exercent les unes sur les autres des actions réciproques qui altèrent la simplicité géométrique des orbites képlériennes et il a même calculé quelques-uns des effets dus à cette cause perturbatrice. Quant à la théorie complète des perturbations planétaires, elle nécessitait encore de multiples efforts et dans l'élaboration progressive de cette oeuvre immense, qui a grandement contribué aux progrès de l'analyse mathématique, les géomètres français se sont particulièrement illustrés depuis Clairault et d'Alembert jusqu'à Le Verrier et Henri Poincaré.

C'est un grand honneur pour Saint-Jacques d'avoir été l'un des premiers à s'attaquer à ce problème des perturbations et de l'avoir fait avec succès. Dans un remarquable mémoire sur Les variations célestes, il donna une méthode purement géométrique, simple et féconde, qu'il appliqua au calcul numérique des principales inégalités : précession des équinoxes, mouvements des noeuds, diminution de l'obliquité de l'écliptique, dérangements de l'orbite lunaire, perturbation des mouvements cométaires par les planètes. Toutefois, il est à regretter que, dans sa hâte à soumettre son travail à l'Académie des Sciences, l'auteur l'ait écourté et que plus tard, il ne l'ait pas complété.

Quoi qu'il en soit, ce mémoire eut une fortune assez singulière. D'Alembert, à qui il fut adressé vers 1750 et qui avait accepté de le présenter à l'Académie, négligea de s'acquitter de la mission : si bien qu'après six ans de réclamations infructueuses Saint-Jacques prit le parti de l'offrir à la Société royale de Londres, qui le publia dans le tome

XLVIII de ses Transactions philosophiques. Voici le jugement porté sur cet ouvrage par Jean Bernouilli " Silvabelle a trahi son profond savoir dans son ouvrage des Variations célestes ; il y tient à une certaine théorie des positions qu'il serait à souhaiter que l'auteur eût le loisir de donner complète ; le principe est très fécond et ce que j'en ai lu m'a beaucoup plu. " (Lettres de J. Bernouilli, t.

II, P. 63).

Le rôle de Silvabelle comme astronome professionnel est également des plus louables. Hôte assidu de l'Observatoire depuis de longues années, il y avait été initié par le Père Pezenas à la pratique des observations multiples qui constituent la besogne courante d'un tel établissement, et c'est avec un grand zèle qu'il se consacra à celles-ci aussitôt après sa nomination officielle de directeur. Et encore doit-on noter qu'il se trouvait en présence de difficultés particulières ; car, en quittant l'établissement, Pezenas avait emporté avec lui la presque totalité des instruments. Cependant, grâce à ses démarches auprès des pouvoirs publics, il parvint à reconstituer un matériel assez complet dont il sut habilement tirer parti.

Outre ses nombreuses observations usuelles et celles de plusieurs éclipses de soleil ou de lune, on lui doit des recherches concernant : la réfraction atmosphérique, les inégalités journalières du pendule, la vérification des surfaces des miroirs de télescopes, le diamètre de Jupiter, son applatissement et la durée de sa rotation, le passage de Vénus sur le soleil en 1769 et les perturbations d'une comète de cette même année, recherches dont les résultats ont été publiés dans les Mémoires de l'Académie de Paris, dans les éphémérides de Berlin, ou dans les Transactions philosophiques de la Société royale de Londres.

Ces occupations fort absorbantes, par lesquelles il sut maintenir le bon renom de l'Observatoire de Marseille, ne l'empêchèrent pas cependant de poursuivre ses travaux théoriques. Il avait, paraît-il, élaboré une solution complète pour calculer l'orbite d'une comète au moyen de trois observations seulement. Quoiqu'il n'ait pas publié sa méthode, on en peut concevoir le principe fondamental ; car, dans un mémoire inséré au Recueil des Savants étrangers, il en a déduit le moyen de calculer le mouvement d'une tache sur le soleil par le même nombre d'observations.

La longue carrière de cet homme éminent fut tout entière consacrée au service de la science ; pendant ses vingt dernières années, son activité se ralentit, moins encore par l'effet de la vieillesse que par suite de graves difficultés administratives contre lesquelles il eut à lutter dans l'Observatoire même.

En 1781, des lettres patentes du roi avaient attribué àl'Académie de Marseille la haute direction et la jouissance de l'Observatoire, à la condition de conserver à Silvabelle, sa vie durant, le titre de directeur, et à son élève Bernard celui d'adjoint. Sous l'influence néfaste de Mourraille, secrétaire perpétuel de la classe des sciences, les conflits ne tardèrent pas à naître et à se multiplier. Contrecarré dans tous ses desseins, Silvabelle abandonna la partie. Il a écrit lui-même : " Trop de contradictions s'opposèrent à l'exécution de mes projets. Voyant que loin de me savoir gré de mon travail et de mes intentions, qui ne prenaient leur source que dans le désir du bien, on ne s'attachait qu'à en empêcher l'effet, je me dégoûtai de tant de soins inutiles, et je préférai mener une vie tranquille. "

Puis bientôt les troubles politiques arrêtèrent, à Marseille comme ailleurs, presque tout fonctionnement des institutions scientifiques ; Bernard, ancien oratorien, s'enfuit de Marseille pour se réfugier dans son village natal ; le directeur eut assez à faire, avec son autre élève, Thulis, d'assurer les observations les plus indispensables et la conservation des instruments.

L'ancienne Académie de Marseille avait, de bonne heure, appelé Silvabelle dans son sein, puis l'avait placé à la tète de la classe des sciences, à la création de celle-ci ; elle se hâta de le rappeler lors de sa reconstitution. Honneur bien plus grand encore, à la fondation de l'Institut de France, en 1795, il en fut nommé membre correspondant.

Il s'éteignit en 1801, environné de l'estime universelle, à l'âge de 79 ans, après avoir dirigé pendant trente-sept ans l'observatoire de Marseille.

Silvabelle eut pour successeur Thulis, son second élève, dont nous résumerons les travaux dans une autre partie de cet ouvrage ; mais il convient de parler ici brièvement de Bernard, son premier assistant, bien que, dans la carrière scientifique de celui-ci, l'astronomie n'occupe pas la place prépondérante.

Rentré de bonne heure dans la congrégation de l'Oratoire, Bernard* professa d'abord la philosophie et les mathématiques, à Marseille, dans le collège que cet ordre y possédait, et où Silvabelle avait lui-même fait ses études. Puis, s'étant signalé par d'importants mémoires, qui furent couronnés par les Académies de Lyon et de Marseille, et qui, quoique portant sur des questions étrangères à l'astronomie, l'avaient mis en rapport avec le directeur de l'observatoire, il fut nommé, en 1778, astronome-adjoint dans cet établissement.

    * Bernard (Pons-Joseph), né à Trans, près de Draguignan, le 10 juillet 1748, décédé dans la même localité, le 29 juillet 1816.

Il y rendit des services précieux par son zèle scientifique et par le soin qu'il apportait à ses observations. Entre celles-ci, on doit surtout signaler celles des satellites de Saturne, dont on ne s'occupait plus guère depuis cinquante ans ; sur le conseil de Lalande, il continua avec suite ces observations qui ont servi de base aux tables insérées dans la Connaissance des Temps de 1792. Toutefois, les douze années passées par Bernard à l'observatoire de Marseille, n'ont pas constitué le principal épisode de sa carrière. Son oeuvre scientifique, qui fut considérable, se rattache beaucoup plus aux sciences naturelles et à celle de l'ingénieur qu'à l'astronomie elle-même. Son analyse complète trouvera donc ailleurs une place mieux marquée.

En 1789, il était à Paris pour l'impression de ses ouvrages. Effrayé par les premiers désordres révolutionnaires, craignant pour sa sécurité, il quitta l'Observatoire de Marseille, où il s'était tout particulièrement trouvé en butte à l'hostilité de Mourraille, et se retira dans la petite ville de Bagnols, puis à Trans, sa patrie, dans le Var, où il chercha à se faire oublier.

Nommé pourtant ingénieur en chef du département du Var, il résigna ses fonctions pour se retirer de nouveau dans son pays natal, où il résida jusqu'à sa mort, occupant ses loisirs de la façon la plus active à l'exploration de la contrée, à ses travaux de naturaliste, ainsi qu'à de nombreuses recherches concernant l'agriculture et l'hydraulique des cours d'eau.

Son grand mérite n'a pas été méconnu par ses contemporains : en 1786, il avait été nommé correspondant de l'Académie des Sciences ; lors de la création de l'Institut, il fut maintenu sur la liste des correspondants de la classe des sciences mathématiques.


L'Observatoire de Marseille
[seconde partie : histoire depuis la Révolution]
par Edouard Stephan
ancien directeur de l'Observatoire
paru dans Encyclopédie départementale des Bouches du Rhône, tome

VI

Marseille, 1914

En 1789, l'Observatoire de Marseille avait à sa tête Saint-Jacques de Silvabelle qui le dirigeait depuis vingt-six ans et qui conserva le titre de directeur jusqu'à la fin de sa vie. Dans une autre partie du présent ouvrage nous avons assez amplement parlé de ce savant très distingué et ce serait une redite que de revenir ici sur les détails de sa carrière qui se rattache beaucoup plus à la période antérieure qu'à celle dont nous nous occupons actuellement. Il était assisté par deux adjoints : l'un, Bernard, auquel nous avons aussi consacré une notice, était, en 1789, sur le point de quitter l'Observatoire ; le second, Thulis, devait plus tard lui succéder comme directeur.

Direction de Thulis. * Fils d'un ancien échevin de Marseille, Thulis semblait destiné à suivre, comme son père, la carrière du commerce par laquelle il débuta en effet dès sa sortie du collège des Jésuites, après de fortes études. Bientôt envoyé au Caire, pour y diriger une succursale de la maison paternelle, il y demeura six ans et demi ; mais ce stage ne put étouffer son goût inné pour les sciences exactes. Rentré à Marseille, en 1772, il renonça tout à fait aux chances lucratives des opérations commerciales pour étudier en toute liberté les mathématiques, la physique, la chimie, et l'astronomie. Cette dernière science fixa définitivement sa vocation et, à partir de 1780, il s'y consacra d'une manière à peu près exclusive. Ce fut alors pour lui une bonne fortune de rencontrer à l'Observatoire des maîtres comme Silvabelle et Bernard dont il reçut de bienveillants conseils et qui même l'associèrent à quelques-uns de leurs travaux.

    * Jacques-Joseph Thulis, né à Marseille le 6 juin 1768, décédé dans la même ville, le 2 janvier 1810.

Une autre circonstance lui permit aussi de se familiariser avec la pratique de l'astronomie d'observation. Le prince de Saxe-Gotha, grand amateur d'astronomie, avait installé à Hyères un observatoire pourvu de bons instruments de fabrication anglaise. Thulis, qui s'était trouvé, à Marseille, en relations personnelles avec ce prince, vint le voir et séjourner près de lui à Hyères, en 1786 ; puis, en sa compagnie et celle du baron de Zach, il entreprit à travers l'Italie un voyage au cours duquel il visita les principaux observatoires de ce pays.

A son retour, Silvabelle le donna pour collègue à Bernard auquel il succéda, en 1789, lors de la retraite de celui-ci. En 1793, un décret du comité de salut public le confirma dans les fonctions de directeur-adjoint et enfin à la mort de Silvabelle, en 1801, il fut nommé directeur en titre. Mais, depuis longtemps déjà, il en exerçait effectivement les fonctions ; car l'âge et les infirmités interdisaient toute activité au titulaire.

C'est donc surtout à lui que l'on est redevable de la conservation des instruments et de tout le matériel de l'Observatoire durant la période révolutionnaire. Jamais il n'abandonna son poste et, plus d'une fois, ce fut au péril de sa vie qu'il eut à défendre, contre les agressions d'une foule furieuse, l'établissement confié à ses soins.

Thulis était directeur de l'Académie de Marseille lors du décret de la Convention, du 8 Août 1793, qui supprimait toutes les sociétés littéraires ou scientifiques patentées et, à ce titre, il en présida la dernière séance le 21 du même mois. Il fut l'un des fondateurs et le premier président de la société qui, en 1799, sous le nom de Lycée des Sciences et des Arts, a servi de trait d'union entre l'ancienne et la nouvelle Académie.

En même temps que Thulis remplaçait Silvabelle comme directeur, à Marseille, il lui succéda à l'Institut national en qualité de correspondant. Il appartenait déjà à plusieurs sociétés savantes de France et, plus tard, il devint membre de l'académie de Goettingen ainsi que de la Société des naturalistes de Berlin.

Sa préoccupation constante fut d'améliorer la situation générale de l'observatoire, soit par une disposition plus judicieuse des instruments anciens et par des modifications qui en rendaient les indications plus précises, soit par des acquisitions nouvelles au moyen de subventions, obtenues non sans peine, du gouvernement ou de l'Académie de Marseille. Il ne reculait même pas devant les sacrifices personnels : plusieurs des instruments de l'Observatoire avaient été soldés de ses deniers, ainsi que certaines réparations des bâtiments pour lesquelles il ne fut jamais indemnisé. Aussi, lorsqu'en 1798 l'astronome Delambre visita l'Observatoire, il en jugea l'ordonnance parfaite. ***

Cependant il ne s'y trouvait pas un instrument capable de fournir la latitude avec toute la précision désirable. Une rencontre heureuse permit à Thulis de combler cette lacune : profitant du passage de Méchain, à son retour d'Espagne, il sut décider ce célèbre astronome à déterminer la latitude désirée au moyen du cercle répétiteur de Borda et l'assista dans le travail. C'est ainsi que cet élément primordial fut fixé avec une haute précision.

Lors de l'expédition d'Egypte, il compara avec soin tous les chronomètres jusqu'au moment du départ de la flottille et assura ainsi la sécurité de la traversée ; en outre, pendant toute la durée de la campagne, tandis que les savants français opéraient en Egypte, il effectua avec assiduité des observations correspondantes ; de telle sorte qu'il a contribué au succès de leurs travaux géodésiques.

C'est un fait connu que, sous la direction de Thulis, on découvrit, à Marseille, plus de comètes que dans aucun autre observatoire. Pons, l'auteur de ces nombreuses découvertes, mérite à plusieurs égards et en particulier par la singularité de ses débuts une mention historique spéciale.

Né en 1761 à Peyre, village du Haut-Dauphiné, Jean-Louis Pons était entré à l'Observatoire de Marseille, en février 1789, comme simple concierge. Frappé de son intelligence et de son adresse, Thulis lui apprit à se servir des lunettes et même à observer les passages d'étoiles à l'instrument méridien pour déterminer l'heure. Quoique dénué d'instruction première, l'élève profita si bien de ces notions d'astronomie pratique qu'en peu de temps il devint un observateur hors ligne et se signala par des découvertes si nombreuses qu'elles lui valurent une réputation européenne. Son habileté manuelle était remarquable. C'est avec une lunette entièrement fabriquée par lui, y compris les verres, qu'il trouva sa première comète, celle du 11 juillet 1801.

Nommé astronome-adjoint à Marseille en 1813, il fut appelé à Lucques en 1819 comme directeur de l'Observatoire de cette ville ; puis à Florence où il mourut en 1831. On lui doit 45 comètes dont 18 trouvées à Marseille. Il découvrit en particulier, le 26 novembre 1818, la fameuse comète, dite à courte période parce qu'elle effectue sa révolution autour du soleil en trois ans et quatre mois seulement. On l'appelle aussi comète d'Encke, du nom de l'astronome qui a calculé, dans un savant travail, les éléments de son orbite.

Thulis observait toutes ces comètes avec le plus grand soin pendant toute la durée de leur visibilité et, en général, plus longtemps que dans les autres observatoires ; aussi, sont-ce ses observations qui ont le plus servi pour le calcul des éléments des orbites de ces comètes. Leur précision a été attestée par les témoignages des juges les plus compétents tels que Gauss et Bessel qui les ont citées en exemple, sous ce rapport, à tous les observateurs.

Jusqu'à lui, l'Observatoire n'avait publié que quelques observations éparses dans divers recueils. Le premier il a tenu des registres réguliers où sont consignés les détails des observations. Outre ses travaux d'astronomie, on y trouve une suite d'observations météorologiques poursuivies sans interruption pendant vingt ans.

Malgré le caractère technique de cette étude, on ne trouvera pas déplacé qu'après avoir énuméré les titres scientifiques de Thulis nous rappelions que ce fut un homme de bien dans toute la force du terme. Comme celle de Silvabelle sa charité était inépuisable. Fondateur de la société de bienfaisance de Marseille, il en est resté administracteur [sic] jusqu'à la fin de sa vie. Son portrait et sa biographie ont été publiés dans les volumes 15 et 21 de la célèbre correspondance du Baron de Zach (édition allemande) qui fut, dans son temps, comme le journal officiel de l'astronomie.

De Zach tenait la valeur scientifique et le caractère de Thulis en une haute estime que reflète le ton de plusieurs de ses lettres conservées à l'Observatoire de Marseille. Cette intimité ne fut sans doute pas sans influence sur la détermination qui ramena le Baron dans notre ville où il fit un long séjour et exécuta, en 1810 et les années suivantes, de très belles opérations géodésiques embrassant tout notre territoire. L'ensemble de ces travaux a fourni la matière principale de son important ouvrage en deux volumes qui a pour titre L'attraction des montagnes et ses effets sur les fils à plomb et sur les niveaux des instruments d'astronomie (Avignon 1814).

En fait, de Zach mesura de deux manières l'amplitude de l'arc compris entre le phare de Planier et l'ancien monastère de Notre-Dame-des-Anges, accolé à la montagne de Mimet, d'une part directement par des observations astronomiques et, de l'autre, au moyen d'une triangulation. Entre les deux déterminations, il trouva la petite différence de 1",98 ; d'où il conclut que la déviation produite sur la direction du fil à plomb par la montagne de Mimet est approximativement de deux secondes d'arc.

Direction de Blanpain*. Le successeur de Thulis, comme directeur de l'Observatoire de Marseille, fut J. -J. Blanpain. Lautard, qui a prononcé son éloge devant l'Académie de Marseille, dans la séancedu 23 juin 1844, dit que son intelligence et son goût de l'étude lui valurent, à ses débuts, des protecteurs bienveillants au nombre desquels il cite Saint-Jacques de Silvabelle. Il eut donc, dès sa jeunesse, accès à l'Observatoire. Il s'y lia avec Thulis ; car on trouve leurs deux noms sur la liste très restreinte du Lycée des arts et des sciences, en 1799. Blanpain y figure même comme secrétaire ; ce qui lui ouvrit de très bonne heure les portes de l'Académie, où il compta toujours des amis et à l'occasion des défenseurs.

    * Blanpain (Jean-Jacques), né à Marseille en 1777 ; décédé dans la même ville en 1843.

Il occupait la chaire de mathématiques au collège lorsque la direction de l'Observatoire devint vacante par la mort de Thulis. L'Académie de Marseille, qui conservait la prétention d'avoir la haute main sur ce dernier établissement, présenta Blanpain qui fut nommé, a-t-on dit avec malignité, malgré cette présentation ; ce qui après tout est peut-être exact, car l'Académie ne reçut jamais de réponse et la tendance du moment était de rattacher au Bureau des Longitudes tout ce qui concernait l'astronomie.

Blanpain ne resta pas inactif : il continua les observations météorologiques, observa diverses comètes et même en découvrit une nouvelle en 1819 ; mais il se trouvait dans des conditions de travail difficiles. Le matériel instrumental, dont il disposait, aurait dû être l'objet d'une réfection complète. La production scientifique ne pouvait que s'en ressentir et on le lui reprocha sans doute de Paris, ou l'on appréciait mal, à distance, la gravité des difficultés contre lesquelles il avait à lutter. Son caractère peu flexible se cabra devant les critiques. Un voyage qu'il fit dans la capitale, loin de lui être favorable, semble au contraire lui avoir nui et, de retour à Marseille, ses relations avec le Bureau des Longitudes continuèrent à s'aigrir. De Zach, qui lui était nettement hostile, se laissa aller à publier dans sa correspondancedes articles fort désobligeants pour lui. Toutes ces causes réunies entraînèrent, en 1822, sa révocation qui resta définitive malgré les protestations de l'Académie.

Direction de Gambart*. La direction de Gambart, qui suivit celle de Blanpain, fut brillante mais courte.

Fils d'un professeur de navigation, mutilé dans un combat naval, le jeune Gambart entra lui-même dans la marine dès sa sortie de l'enfance. En 1814, l'escadre d'Anvers, à laquelle il appartenait, ayant été licenciée, il vint retrouver son père au Havre où sa bonne étoile lui fit rencontrer Bouvard. Frappé par sa vive intelligence, l'éminent directeur de l'Observatoire de Paris l'emmena et le garda près de lui en le traitant comme un fils. Le jeune homme ne pouvait avoir un meilleur guide dans la carrière astronomique vers laquelle l'entraînait une inclination irrésistible. En deux années son éducation technique était complète ; aussi Bouvard, fondant les plus grandes espérances sur son avenir scientifique, n'hésita-t-il pas à l'envoyer à Marseille, en 1819, comme astronome-adjoint pour y remplacer Pons qui venait d'être appelé en Italie. En 1822, il fut nommé directeur.

    * Gambart (Jean, Félix, Adolphe), né à Cette en 1800 ; décédé à Paris en 1836.

On lui doit en particulier une foule d'observations d'occultations d'étoiles et d'éclipses des satellites de Jupiter et c'est surtout à l'aide de ces dernières qu'ont été établies les tables de ces satellites publiées par la suite dans la Connaissance des temps.

Il s'est en outre assidûment occupé des comètes dont, pour sa part, il a découvert seize nouvelles. Mais il ne se bornait pas à la recherche de ces astres : avec une grande habileté, il calculait rapidement les éléments de leurs orbites, soit paraboliques, soit elliptiques. La fâmeuse [sic] comète périodique de six ans et trois quarts, habituellement désignée sous le nom de l'officier autrichien, Biéla, qui l'aperçut effectivement le premier, le 27 février 1826, à Johannisberg, serait peut-être appelée plus justement comète de Gambart. Le premier se borna en effet à la signaler. L'astronome français au contraire, qui ne la découvrit il est vrai que dix jours plus tard mais d'une manière indépendante, en fit une longue suite d'observations précises au moyen desquelles il calcula d'abord les éléments approchés, puis les éléments elliptiques de son orbite.

Gambart était d'une complexion délicate. Cruellement frappé dans ses affections lors de l'épidémie de choléra qui sévit à Marseille en 1835 ; sentant d'ailleurs les premières atteintes du mal qui devait l'emporter, il vint chercher du réconfort auprès de Bouvard. Après quelques mois il rentra à Marseille ; mais il n'y fit que passer et se hâta de regagner Paris, où il mourut dans les bras de son vieux maître et ami, à l'âge de trente-six ans.

Direction de Valz*. La longue carrière de Valz a été d'une grande fécondité. Parmi ses publications, on en relève vingt-deux dans les annales de l'Académie du Gard, cinquante-huit dans les comptes rendus de l'Académie des sciences et il faut y joindre de nombreuses notes disséminées dans la Correspondance astronomique du Baron de Zach, la Bibliothèque universelle de Genève, la correspondance mathématique de l'Observatoire de Bruxelles, les " Monthly Notices " de la Société royale astronomiquede Londres, les " Astronomische Nachrichten ", les Mémoires de l'Académie de Marseille, etc. Un grand nombre d'entre elles mériteraient une mention spéciale.

    * Benjamin Valz, né à Nîmes le 27 mai 1787, décédé dans sa propriété de Bon-secours, banlieue de Marseille le 22 avril 1867.

    En 1876, M. René Deloche, ingénieur des Ponts et Chaussées et membre de l'Académie du Gard a présenté à cette compagnie une notice historique de 32 pages sur B. Valz.

Sa réputation scientifique était bien établie et il appartenait déjà à l'Institut lorsque, en 1836, il fut appelé à la direction de l'Observatoire de Marseille, rendue vacante par la mort de Gambart.

Son début dans la vie avait été cruellement attristé ; car son père, accusé de modérantisme malgré des sentiments républicains sincères, fut une des dernières victimes de la Terreur. A quinze ans il entra, à Nîmes, dans une de ces Ecoles centrales, créées en 1795 pour remplacer les anciens établissements scolaires supprimés par la Convention. On sait que ces écoles réussirent peu. Cependant, celle de Nîmes, grâce au talent de quelques-uns de ses maîtres, fut moins stérile que la plupart d'entre elles. Valz y reçut les leçons de deux hommes éminents, Alexandre Vincens et Gergonne et en sortit à dix-huit ans avec une instruction scientifique assez développée.

Son goût le portait surtout vers l'astronomie ; il s'y consacra avec ardeur et, quoique dépourvu d'instruments, se mit à étudier la voûte céleste avec assiduité. Ily marquait les places des astres mobiles au moyen d'alignements stellaires, à la manière des premiers observateurs. C'est ainsi qu'il suivit, dans leurs marches, les comètes de 1807 et de 1811. Mais bientôt il put se procurer une excellente lunette de Dollond et fit établir au-dessus de sa maison un véritable observatoire où, pendant dix-neuf ans, jusqu'à son départ pour Marseille, il effectua de nombreuses observations. En le quittant, il en laissa l'usage à un jeune homme très habile, Laurent, qui en 1858 y découvrit la planète Nemausa.

Les premiers travaux de Valz avaient eu surtout pour objet les comètes. En 1825, il retrouva celle d'Encke avant tous les autres observateurs. Il en fit des observations suivies et fut conduit à remarquer que le volume de ces astres singuliers se contracte quand ils s'approchent du soleil et se dilate quand ils s'en éloignent. L'étude de ce fait ayant été mise au concours par l'Académie des Sciences, Valz présenta un mémoire qui fut couronné, en 1832, et qui, en même temps, valut à son auteur le titre de correspondant de l'Institut.

A l'Observatoire de Marseille, Valz continua, d'une manière encore plus active, à se mêler au mouvement scientifique général. L'énumération de ses observations, de ses calculs et de ses mémoires excéderait les limites assignées à la présente notice. On ne peut cependant omettre de mentionner qu'il fut un des premiers à observer d'une manière suivie la planète découverte par Galle, le 23 septembre 1846, d'après les indications précises de Le Verrier, qu'il calcula, d'après ses propres observations, les éléments de son orbite et, à ce propos, de signaler un fait qui montre sa perspicacité.

On sait que Le Verrier a été conduit à la découverte de Neptune en cherchant à expliquer les perturbations d'Uranus par l'action d'une planète plus lointaine encore inconnue. Or, en 1835, dans une lettre à Arago, Valz émettait l'hypothèse que les irrégularités constatées dans la durée de révolution de la comète de Halley pourraient provenir de l'attraction d'une planète plus éloignée qu'Uranus et ayant une durée de révolution triple au moins de celle de la comète. Cela dit sans vouloir établir aucun rapprochement entre cette hypothèse non suivie de conséquences et le génial travail de l'illustre astronome qui sera toujours considéré comme un des événements scientifiques capitaux du XIXe siècle.

On ne saurait non plus passer sous silence la part qui revient à Valz dans l'histoire des découvertes des nombreuses petites planètes comprises entre Mars et Jupiter. On sait que la première, Cérès, fut trouvée à Palerme, par Piazzi, le 1er janvier 1801 et que les trois suivantes, Pallas, Junon et Vesta lui succédèrent en quelques années. Trente-sept ans s'écoulèrent ensuite sans en faire connaître aucune autre. Mais, à partir de la découverte d'Astrée, en 1845, le nombre des astéroïdes augmenta avec rapidité et, sans pressentir encore la richesse du groupe (leur nombre dépasse aujourd'hui 700), on put déjà prévoir qu'il en existait beaucoup d'autres.

En 1847, Valz adressait à l'Académie des Sciences une communication où il faisait remarquer que les planètes comprises entre Mars et Jupiter effectuent leur révolution à peu près en quatre ans, qu'elles coupent deux fois l'écliptique dans cette période de temps et que, par suite, en surveillant avec une assiduité suffisante une zone étroite comprenant ce grand cercle, il serait possible de trouver en quatre années toutes les planètes de ladite catégorie. Il invitait donc la Compagnie à faire établir des cartes de la zone écliptique tout entière et à organiser des recherches systématiques dans cette zone par de nombreux observateurs.

Mais Valz, dont la proposition avait été appuyée par de Pontécoulant et par Le Verrier, fit mieux que d'indiquer la possibilité de l'entreprise, il commença à l'exécuter lui-même et engagea un jeune amateur d'astronomie, Chacornac, dont il guidait alors les premiers essais, à commencer cet atlas écliptique.

Chacornac se mit à la besogne avec ardeur, trouva sa première planète, Phocea, le 6 avril 1853 et, toujours dirigé par les conseils de Valz, en avait rencontré quatre autres à Marseille, lorsque, en 1857, il fut appelé par Le Verrier à l'Observatoire de Paris où, jusqu'à sa mort il continua son travail cartographique et la série de ses découvertes. Son oeuvre, qui a rendu et rend encore tant de services aux chercheurs, a été continuée par d'autres observateurs, notamment par les frères Henry, d'abord par le même procédé, c'est-à-dire par l'observation visuelle, puis par l'emploi de la photographie, lorsque les astronomes furent en possession de plaques suffisamment sensibles.

Valz s'était aussi occupé, en 1837, de l'observation méthodique des étoiles filantes. Il donna également à l'Académie des Sciences plusieurs notes sur l'emploi des spectroscopes dont l'emploi en astronomie commençait à peine.

L'astronomie n'a pas été d'ailleurs le seul objet de son activité intellectuelle ; au début de sa carrière, il avait failli devenir ingénieur. On le voit en effet, à partir de 1812, occupé pendant quatre ans au canal d'Arles, où il fit exécuter des tronçons considérables ; plus tard, en collaboration avec Fauquier, capitaine du génie, il élabore un projet de canal pour l'adduction d'eau à la ville de Nîmes. Enfin, il est l'auteur d'un projet de docks et de nouveaux ports pour Marseille ; projet qui semblerait bien timide aujourd'hui ; mais il faut faire la part des temps et songer qu'en 1838 on était bien loin d'entrevoir l'extension prodigieuse que prendraient bientôt l'industrie et le commerce.

On peut considérer la date de sa retraite, en 1860, comme marquant le terme de l'activité de l'ancien Observatoire des Accoules dont le matériel utilisable fut transféré, quelques années plus tard, dans la nouvelle station astronomique, établie au plateau de Longchamp, comme succursale de l'Observatoire de Paris.

Nouvel Observatoire. Vers le milieu du siècle dernier, notre pays, qui pouvait s'enorgueillir à bon droit des travaux de nos astronomes en mécanique céleste, où il n'avait cessé de tenir le premier rang, depuis Laplace jusqu'à Le Verrier, s'était au contraire laissé distancer de fort loin dans le domaine de l'astronomie d'observation.

Tandis que, en Angleterre, en Allemagne, en Russie et même en dehors de l'Europe, se multipliaient des stations astronomiques remarquablemento utillées et pourvues d'un nombreux personnel, grâce au concours des pouvoirs publics ou des particuliers, nous ne possédions en province que les observatoires de Marseille et de Toulouse que leur organisation surannée condamnait à une décadence complète.

A Paris même, les instruments laissaient beaucoup à désirer comme puissance et notre grand Observatoire national se trouvait placé sous ce rapport dans des conditions d'infériorité manifestes vis-à-vis de plusieurs autres établissements similaires.

La revivification de l'astronomie pratique en France a été l'oeuvre de Le Verrier.

Dès son entrée en fonctions de directeur, en 1856, ce grand astronome orienta ses efforts vers la construction des grands instruments. Dans cette entreprise, il eut la bonne fortune de pouvoir s'attacher comme collaborateur un savant doublé d'un artiste incomparable, Léon Foucault, dont le nom était déjà popularisé par ses belles expériences de physique et de mécanique.

Nous ne ferons pas ici l'historique des succès progressifs obtenus par Foucault dans la taille des verres d'optique. N'ayant en vue que ce qui concerne Marseille, nous nous bornerons à dire qu'il réussit à produire des miroirs de verre, à surface argentée, d'une forme presque géométriquement parfaite et qu'il les utilisa pour constituer, à peu de frais, d'excellents télescopes de dimensions graduellement croissantes.

C'est ainsi que, vers 1862, l'Observatoire de Paris se trouva en possession d'un admirable télescope de 80 centimètres de diamètre.

Ce gigantesque instrument n'était pas encore achevé que Le Verrier projetait de l'établir dans le midi de la France, en un point où la sérénité habituelle du ciel permettrait de l'utiliser d'une manière plus fréquente et plus efficace qu'à Paris.

Après avoir fait agréer son projet par le Ministre de l'Instruction publique, il vint lui-même à la recherche de l'emplacement le plus favorable, eut des entretiens préliminaires avec les municipalités de Montpellier et de Marseille et finalement fixa sa préférence sur cette dernière ville.

Toutefois, ce ne fut pas le local de l'ancien Observatoire qu'il choisit. Celui-ci consistait dans une bâtisse très massive, enclavée dans un quartier à ruelles étroites ; tandis que Le Verrier voulait un emplacement assez vaste, assez distant de toute construction importante et où les divers instruments pourraient être établis isolément sur le sol même, de manière à ne passe gêner les uns les autres.

Après avoir songé d'abord à un point du parc du Château Borély, qu'il jugea ensuite avec raison trop rapproché de la mer, il opta définitivement, de concert avec le maire, qui était alors M. Rouvière, pour une partie du plateau de Longchamp, située à l'est de la ville, à l'altitude de 75 mètres environ et presque entièrement entourée par des jardins publics.

En même temps, le maire et Le Verrier fixaient les bases d'une convention réglant les obligations mutuelles de l'Etat et de la Ville pour assurer le bon fonctionnement et la durée de la nouvelle station astronomique.

Ces pourparlers, ratifiés par le Conseil municipal, aboutirent à un traité approuvé par le Ministre et enregistré à la date du 15 décembre 1863. Quant à l'ancien Observatoire, dont le maintien eut fait double emploi, l'Etat, qui en était propriétaire, en fit quelques années plus tard rétrocession à la ville.

La construction des nouveaux bâtiments fut confiée à l'éminent architecte Espérandieu qui édifiait alors l'admirable palais dont notre ville est si justement fière et Le Verrier put venir inaugurer la nouvelle station, à la fin de 1864, en présence du Conseil municipal et de M. Bernex, nommé maire depuis le mois de juillet précédent, après le décès de M. Rouvière.

Il n'y avait encore, comme grand instrument, que le télescope installé sous sa coupole tournante ; on dut même le démonter peu après pour modifier la partie antérieure du tube.

A ce moment, les autres instruments prévus se bornaient à un chercheur de comètes puissant et à un équatorial. La nouvelle station devait en effet conserver le caractère de succursale de l'Observatoire de Paris et l'on pensait que les éléments astronomiques, qu'elle ne pourrait se procurer par ses propres moyens, lui seraient fournis par la métropole. Mais, dans la suite, on reconnut des inconvénients à cette combinaison et, en 1873, un décretr établit l'autonomie de l'ancien Observatoire de Marseille, dont le matériel fut complété de manière à lui permettre de se suffire à lui-même.

Les instruments principaux sont : 

1º Un cercle méridien portant un objectif, de A. Martin, de 188 millimètres de diamètre et de 2m 25 de longueur focale. Son axe porte deux cercles gradués identiques de 1 mètre de diamètre. Le micromètre oculaire dont les fils peuvent, à volonté, être rendus noirs sur champ éclairé ou brillants sur fond noir, sert aux mesures d'ascensions droites et de distances polaires. A cet instrument, sont joints un grand niveau et un appareil de retournement.

2º Un chercheur de comètes dont la monture parallactique spéciale permet à l'observateur d'explorer la voûte céleste sans avoir pour ainsi dire à déplacer la tête. L'objectif, qui est de Foucault, a 2m 10 de distance focale et un diamètre de 182 millimètres.

Ces deux instruments sont abrités dans un élégant bâtiment qui possède cinq pièces au rez-de-chaussée. Celle du centre est affectée au cercle méridien ; les quatre autres servent de bureaux et l'une d'elles, située à l'angle nord-ouest, donne accès au chercheur qui la surmonte.

3º Un équatorial dont la lunette a une ouverture de 258 millimètres et une distance focale de 3m 10. L'objectif est de Merz. Le micromètre oculaire est analogue à celui du cercle méridien.

Le pied, entièrement métallique, repose sur un socle en maçonnerie bâti sur le roc et jouit d'une grande stabilité. A son intérieur est logé un mouvement d'horlogerie, avec régulateur Foucault, qui est réglé sur le temps sidéral et peut entraîner l'équatorial tout entier de manière à lui faire suivre automatiquement les astres dans leur mouvement diurne.

4º Le grand télescope de Léon Foucault, dont le miroir de verre argenté a 80 centimètres de diamètre et cinq mètres de distance focale. Comme l'équatorial, il peut être entraîné suivant le mouvement diurne par un régulateur Foucault.

L'équatorial et le télescope sont placés chacun dans une tour surmontée d'une coupole métallique tournante dont l'ouverture peut être rapidement orientée dans un azimut quelconque.

Pendules. A chacun des instruments, qui viennent d'être sommairement décrits, est associée une pendule sidérale maintenue électriquement à la même heure qu'une cinquième pendule fondamentale d'une perfection exceptionnelle, située dans un local où la température varie fort peu.

Une sixième horloge, réglée sur le temps moyen et maintenue à l'heure nationale exacte par un dispositif spécial, synchronise électriquement trois autres horloges, mises à la disposition du public, à la Faculté des sciences, à l'Hôtel des services publics (1, quai de la Joliette), et sous le péristyle de la Bourse.

Outre ces instruments principaux, l'Observatoire dispose encore d'un excellent petit équatorial mobile, de la maison Sécrétan, appartenant à la Faculté des Sciences, de diverses autres lunettes également portatives, d'un astrolabe à prisme, de chronomètres et d'une collection d'instruments météorologiques et magnétiques.

Ces instruments n'ont été mis en place, on le comprend, que d'une manière successive et on peut dire que la nouvelle station de Longchamp n'a été en état de fonctionner avec une activité réelle qu'à partir de 1866, époque de la réinstallation définitive du télescope et de l'érection du chercheur. Toutefois, il serait injuste de ne pas mentionner le nom de Voigt qui, le premier, y fut envoyé par Le Verrier et y rendit de précieux services, de 1863 à 1865, dans la phase initiale de l'organisation.

Physicien instruit, observateur habile et consciencieux, Voigt eût fourni une utile carrière astronomique s'il y eût persisté au lieu de rentrer dans l'enseignement. Pendant le peu de mois où il disposa du télescope, dont le maniement était alors fort pénible, il y observa un certain nombre de nébuleuses. En outre, il commença à initier aux observations son jeune assistant, M. Borrelly, qui lui avait été adjoint dès le mois de décembre 1864 et dont nous aurons bientôt à relater les nombreuses découvertes ultérieures.

Direction de M. Stephan. [. . . ] En 1866, M. Stephan vint remplacer Voigt à Marseille comme astronome-adjoint délégué de l'Observatoire de Paris. C'est en cette qualité qu'il dirigea la station de Longchamp jusqu'en 1873, époque où celle-ci fut transformée en Observatoire autonome dont il fut alors nommé directeur.

Les travaux scientifiques réguliers, qui ont été poursuivis sans interruption à l'Observatoire de Marseille, depuis 1866, jusqu'à l'époque actuelle, se subdivisent comme il suit : 

1º L'exploration du ciel pour la recherche des planètes, des comètes, des nébuleuses, etc. ;

2º Les observations de haute précision pour déterminer avec le maximum d'exactitude les positions des astres fixes ou mobiles ;

3º La détermination de l'heure et sa distribution au public ;

4º Les observations météorologiques et magnétiques ;

5º Les calculs de réduction des observations.

A ces travaux quotidiens il faut joindre ceux qui ont pour objet des faits de caractère accidentel tels que les étoiles filantes, les éclipses, les occultations, les déterminations de longitudes et enfin les recherches personnelles de pratique ou de théorie.

Recherches exploratives. C'est de cette branche des travaux que M. Stephan se préoccupa tout d'abord ainsi d'ailleurs qu'il en avait reçu le mandat formel. Après avoir personnellement découvert la planète 89 Julia, le 6 août 1866, il confia ce genre de recherches et celui des comètes à MM. Borrelly et Coggia, tout jeunes alors, qui s'y adonnèrent avec autant d'ardeur que d'habileté et qui bientôt, par leurs nombreux succès, s'acquirent une notoriété universelle. On doit en effet : à M. Borrelly les découvertes de 20 planètes et de 19 comètes ; à M. Coggia, celles de 6 planètes et de 8 comètes. Un autre observateur, M. Cottenot, dont la carrière astronomique a été courte, a également trouvé une planète à l'Observatoire de Marseille. Les chiffres précédents sont remarquables. A l'époque où la recherche des planètes s'effectuait visuellement, MM. Borrelly et Coggia se trouvaient classés des premiers dans cette catégorie d'observations. Plus tard, la recherche de ces astéroïdes, facilitée par l'emploi de la photographie, s'est localisée dans un petit nombre de stations qui en ont fait une spécialité.

M. Stephan, après avoir assuré le service d'exploration relatif aux planètes et aux comètes, s'est principalement consacré, pendant de longues années, à l'étude des nébuleuses au moyen du grand télescope Foucault. Le nombre des nébuleuses nouvelles, qu'il a ainsi trouvées, est de 800 environ. Il a aussi retrouvé cinq comètes périodiques.

Observations de haute précision. Ces observations se pratiquent de deux manières : 1º directement au moyen du cercle méridien ; 2º d'une façon indirecte, à l'aide de l'équatorial ou du télescope, en comparant, avec un appareil micrométrique approprié, la position d'un astre étudié à celle d'une étoile voisine dont la situation sur la sphère céleste est déjà bien connue. Les observateurs déjà cités ont tous pris part à ces observations ainsi que plus tard MM. Esmiol et Fabry, élèves de l'école d'astronomie de l'Observatoire de Paris.

Chaque jour, quand l'état du ciel le permet, on observe au cercle méridien un certain nombre d'étoiles fondamentales, de positions parfaitement connues, ce qui permet de calculer les petites erreurs instrumentales ainsi que la correction de la pendule. On y joint l'observation des astres mobiles actuellement observables au méridien et celle d'autres étoiles, encore imparfaitement connues, dans le but d'en former un catalogue.

Des observations micrométriques des comètes et des planètes découvertes à Marseille, ainsi que d'un grand nombre de celles qui ont été trouvées ailleurs, ont été effectuées au télescope ou à l'équatorial durant la période de visibilité de ces astres, soit à l'époque de leur découverte, soit à leurs retours successifs. La plupart de ces observations ont été publiées dans divers recueils : Comptes rendus de l'Académie des Sciences, Astronomische Nachrichten, Monthly Notices, Bulletin astronomique de l'Observatoire de Paris.

Beaucoup de nébuleuses ont des contours imprécis, comme l'indique leur nom même, et un diamètre apparent assez considérable ; mais un certain nombre d'entre elles ont des points de condensation assez nets ou un diamètre assez petit pour comporter des observations d'une précision comparable à celle des noyaux cométaires. Les plus belles nébuleuses ont naturellement été découvertes les premières. Celles de M. Stephan sont, pour la plupart, extrêmement petites et faibles. Aussi a-t-il pu obtenir, par des mesures micrométriques, les positions très exactes de 500 d'entre elles qui ont été publiées dans les comptes rendus de l'Académie des Sciences*. On possédait peu de positions précises de ces corps d'une essence encore bien mystérieuse. On espère que les observations, faites à Marseille, seront utiles dans la suite pour faire connaître si, comme certaines étoiles, les nébuleuses ont des mouvements propres et que ces observations apporteront ainsi quelque lumière dans la question de la distance des dites nébuleuses au système solaire.

    * Les 200 premières ont été insérées dans le supplément au catalogue de sir J. Herschel, publié à Dublin en 1878.

L'Observatoire a toujours distribué l'heure avec libéralité, surtout aux horlogers et aux marins ; il accepte même gratuitement le dépôt des chronomètres et les rend avec un bulletin de marche. Ce service a été complété, comme nous l'avons indiqué plus haut, par l'installation de trois horloges, maintenues à l'heure nationale exacte et accessibles au public.

Les astronomes ne touchent que très rarement à leurs pendules. Il leur suffit d'en connaître à chaque instant l'état d'avance ou de retard, qui leur est fourni par les observations méridiennes. La régularité de la marche de ces instruments est ainsi mieux assurée et le petit calcul qu'il faut faire pour avoir l'heure véritable est sans importance pour des professionnels ; mais il n'en est pas de même pour les gens du monde. Voilà pourquoi on a cherché et réussi à réaliser des pendules à indication toujours correcte. Le problème présente de très sérieuses difficultés ; on l'a résolu de la manière suivante : 

A l'Observatoire, a été installée une pendule, de l'éminent artiste Fénon ; a la demande du directeur, elle a été munie d'un dispositif nouveau permettant d'en faire varier la marche, dans des limites assez étendues, sans qu'il soit besoin de toucher au balancier. Chaque matin, au moyen de ce dispositif dont l'efficacité pratique a dépassé ce que l'on espérait, cette pendule directrice, qui synchronise les trois autres, est, en quelques minutes, remise à l'heure exacte dont elle ne s'écarte pendant la journée que d'une quantité négligeable. Le public paraît très satisfait de ce service horaire.

Observations météorologiques et magnétiques. Les observations météorologiques, exécutées sans interruption depuis 1866, comprennent : la température et l'humidité de l'air, la direction et la force des vents, la pluie, la neige et les divers météores aqueux. Elles sont faites de trois en trois heures, de sept heures du matin à dix heures du soir. En outre, des instruments à indication continue enregistrent la température et la pression. Depuis 1882, ces observations sont publiées in extenso, chaque année, dans le bulletin annuel de la Commission de météorologie des Bouches-du-Rhône.

La valeur de la déclinaison magnétique a aussi fait l'objet d'observations trihoraires, jusqu'au moment où les courants causés par le puissant réseau électrique des tramways y ont apporté des perturbations trop considérables.

Calculs de réduction des observations. Les calculs tiennent une grande place dans les travaux journaliers d'un observatoire. Les observations ne peuvent pas être employées à l'état brut ; elles doivent être affranchies des erreurs dues à l'imperfection inévitable des instruments eux-mêmes ou à celle de leur installation et encore à des causes naturelles telles que la réfraction atmosphérique, etc. Tous les astronomes précités ont, ainsi que le directeur, participé aux calculs de réduction. Ils ont été assistés dans ce travail, à partir de 1875, par MM. Lubrano et Maitre qui, ayant acquis très vite une grande habileté, ont en outre été particulièrement chargés du service de l'heure et, plus tard, ont participé à l'ensemble des observations.

Travaux divers. Les astronomes de Marseille ont coopéré d'une manière très active aux observations simultanées d'étoiles filantes effectuées, de 1868 à 1872, sous l'impulsion de Le Verrier, dans le midi de la France et dans la Haute-Italie. Ils ont même contribué pour une part assez large à leur organisation. M. Stephan a discuté un grand nombre des observations de Marseille ainsi que de celles d'Orange et de Barcelonnette où s'était successivement transporté M. Borrelly. Les résultats de cette discussion ont été communiqués au congrès de l'Association scientifique réuni à Montpellier en 1871.

En 1868, M. Stephan avait été chargé, par le ministère de l'instruction publique, de diriger une expédition envoyée sur la côte orientale de la presqu'île de Malacca pour y observer l'éclipse totale de soleil du 18 août de cette année. Le succès de l'entreprise fut complet. Les membres de la mission qui, outre le directeur, comprenait les astronomes Rayet et Tisserand ainsi que le lieutenant de vaisseau Chabirand, établirent avec certitude, par leurs observations, la nature gazeuse des protubérances solaires et l'on sait combien ce fait, reconnu d'ailleurs à la même époque par d'autres observateurs, a contribué au progrès de nos connaissances sur la constitution physique du Soleil (Archives desmissions scientifiques et littéraires, T.

V2me série et Annales de l'Ecole normale supérieure, T.

VII, an 1870).

Dans les dernières années, M. Stephan a encore observé plusieurs éclipses totales de soleil ; celle du 28 mai 1900, à l'Observatoire d'Alger ; celle du 30 août 1905, à Guelma, en Algérie, avec la collaboration de son fils, feu le docteur Stephan et celle de M. Borrelly (annales du Bureau des Longitudes, T.

V), enfin celle du 17 avril 1912, aux Sables d'Olonne.

En 1872 et 1873, M. Stephan s'est occupé de la question du diamètre apparent des étoiles fixes. On savait bien et depuis fort longtemps que ce diamètre est fort petit ; mais on ne possédait aucune notion précise sur le degré de petitesse de cet élément. C'est que l'image focale d'une étoile dans une lunette n'est pas un simple point lumineux, comme l'indiquerait la théorie élémentaire de la propagation de la lumière.

Guidé par une remarque de Fizeau sur les phénomènes d'interférences et par les conseils de cet illustre physicien, M. Stephan a trouvé, à la suite d'expériences exécutées avec le grand télescope et dans le détail desquelles il est impossible d'entrer ici, que le diamètre apparent des étoiles est très inférieur à 0",16. (C. R. de l'Académie des Sciences, tome

LXXVI, page 1008 et tome

LXXVIII, page 1008).

En 1874, en collaboration avec Loewy, M. Stephan a déterminé électriquement les différences de longitudes Marseille-Paris et Marseille-Alger, tandis que Loewy et le commandant Perrier (plus tard général) déterminaient directement la différence Alger-Paris. Par cette triple opération, le réseau géodésique algérien a été rattaché, pour la première fois, avec une grande précision, au réseau français. (Un volume in-4º, chez Gauthier-Villars). MM. Perrier et Stephan ont aussi déterminé, en 1877, la différence de longitude entre Paris et Lyon.

En 1900, l'observatoire de Marseille, comme la plupart des observatoires de France et de l'étranger, a participé aux observations combinées de la planète Eros, en vue d'une meilleure détermination de la parallaxe solaire.

Comme travaux de cabinet, il y a à mentionner des calculs d'orbites de planètes et de comètes par MM. Stephan et Fabry ainsi que de nombreuses éphémérides dues surtout à ce dernier astronome*.

    * MM. Lubrano et Maitre ont aussi participé à ces calculs.

Notons encore d'intéressantes recherches de M. Fabry sur l'origine cosmique des comètes, sujet qui lui a fourni les matériaux d'une thèse de doctorat et qu'il a développé plus tard dans plusieurs notes ou mémoires.

En 1907, M. Stephan, parvenu à la limite d'âge, a été admis à la retraite et remplacé, comme directeur, par M. Henry Bourget, précédemment astronome-adjoint à l'Observatoire de Toulouse.

Direction de M. Bourget. La réputation scientifique de M. Bourget était déjà bien établie quand il fut appelé à la direction de l'Observatoire de Marseille, sur la double présentation du conseil des observatoires de province et de l'Académie des sciences. Antérieurement, il avait été présenté, pour une place d'astronome-titulaire à l'Observatoire de Paris (1905) et pour la direction de l'Observatoire de Bordeaux (1906). Outre des recherches de théorie*, on lui doit, en collaboration avec M. Baillaud, directeur de l'Observatoire de Toulouse, la publication de la correspondance de Stieltjes, son maître éminent, avec Hermite. Il a été aussi associé à la publication des oeuvres complètes de ce dernier et illustre géomètre par M. Emile Picard.

    * Comptes rendus Ac. des Sc. 1887, 1897, 1898, 1905. L'auteur attache avec raison une importance particulière à ce dernier travail (Sur une classe particulière de fonctions). -- Ann. fac. sc. de Toulouse, 1899, 1901, 1904. -- Bulletin astronom. , 1904, 1905, 1906.

Dès son entrée à l'Observatoire de Toulouse, M. Bourget avait été chargé de la photographie des nébuleuses et amas stellaires au moyen du grand télescope, observations qui exigent de très longues poses et présentent des difficultés particulières par suite de l'instabilité focale des réflecteurs. Il imagina alors et put réaliser avec le concours de l'habile mécanicien, M. Carrère, un ingénieux procédé qui lui a permis d'obtenir de très beaux clichés.

Il dirigeait aussi à Toulouse le bureau des mesures du catalogue astro-photographique et de leur réduction. C'est ainsi en particulier qu'il eut la charge de tirer parti des clichés concernant la planète Eros.

En 1900, il fut envoyé à Elche, en Espagne, pour y observer l'éclipse totale de soleil du 28 mai (annales de la Faculté de Toulouse, 2e série, t.

IV, 1902) et, en 1905, à Guelma, en Algérie, à l'occasion de l'éclipse du 30 août (Annales du Bureau des longitudes, t.

V). Ces deux voyages lui ont fourni d'intéressants résultats.

A Marseille, M. Bourget a conservé pour l'ensemble des travaux ordinaires le plan général déjà adopté.

C'est sous sa direction que M. Borrelly a trouvé ses trois dernières comètes : le 3 septembre 1908, le 14 juin 1909 et le 2 novembre 1912. On a effectué un grand nombre d'observations précises de ces comètes, ainsi que de la plupart des astres nouvellement découverts dans les autres observatoires.

Le service de l'heure a été complété par une troisième pendule synchronisée, installée, comme il a été indiqué plus haut, sous le péristyle de la Bourse et, dans le voisinage, a été placé un baromètre enregistreur de grand modèle.

Le séismographe et l'astrolabe à prisme, mentionnés dans la liste générale des instruments de l'Observatoire, ont été également installés par M. Bourget. Le premier de ces instruments, dont M. Fabry est spécialement chargé, a déjà fourni des indications fort intéressantes ; l'astrolabe, d'invention encore récente, sera très utile dans beaucoup de cas.

M. Bourget a de plus organisé, à l'Observatoire, un poste de télégraphie sans fil pour la réception des signaux horaires et météorologiques de la tour Eiffel.

Parmi les travaux de calcul, on doit signaler que M. Esmiol a effectué la réduction à l'équinoxe de 1900 de toutes les observations de nébuleuses de M. Stephan. Le manuscrit est prêt pour l'impression.

M. Louis Fabry a continué ses recherches sur les petites planètes en s'occupant d'une manière spéciale des perturbations dans les orbites circulaires.

Le nombre toujours croissant de ces astéroïdes a nécessité une entente internationale pour répartir entre les divers observatoires les travaux qui les concernent. Celui de Marseille a été choisi comme point de concentration des nouvelles relatives à ces astres ; en octobre 1913, soixante circulaires ont été déjà envoyées aux divers observatoires participants.

Sur le plateau de Longchamp, où les vents soufflent sans rencontrer d'obstacle et apportent en outre des émanations salines, les pièces métalliques exposées à l'air s'altèrent avec une grande rapidité. Durant la période déjà longue écoulée depuis la fondation de l'Observatoire, les coupoles, les trappes de la salle méridienne etc., avaient nécessité des réparations multiples qui n'avaient pu en arrêter complètement l'usure progressive. Celle-ci était surtout accentuée pour la coupole du télescope. M. Bourget a eu la tâche de remédier à ces avaries.

Ayant obtenu du Ministère la création d'une place de mécanicien, il a appelé près de lui M. Carrère dont, à Toulouse, il avait pu apprécier l'habileté et, de plus, fait construire un atelier de mécanique très complet. Dès lors, l'Observatoire s'est trouvé en état d'exécuter par ses propres moyens les réparations même les plus importantes. Déjà la coupole du télescope, dont l'exécution était d'ailleurs loin d'être irréprochable et avait donné lieu dès l'origine à de graves démêlés entre Le Verrier et le constructeur, a été presque entièrement refaite. Aujourd'hui, l'étanchéité en est parfaite et sa mobilité ne laisse plus à désirer. D'autres réparations importantes vont suivre*.

* En 1913, M. Borrelly, parvenu à la limite d'âge, a été admis à la retraite. .




Crédit : J. Caplan, M.-L. Prévot, Groupe Patrimoine de l'observatoire de Marseille