Comprendre > Histoire > Observatoire de Marseille I
L'Observatoire de Marseille a été créé en 1702 par les jésuites dans leur collège de Sainte-Croix, rue Montée-des-Accoules. Il a été repris par l'État lors de la suppression de la Compagnie de Jésus en 1763. Un siècle plus tard, l'Observatoire a été transféré au Plateau Longchamp où il se trouve toujours.
L'astronomie est une activité très naturelle des méditerranéens et des proches orientaux pour des raisons climatiques évidentes qui apportent une présence du ciel à laquelle aucun esprit cultivé ne peut échapper.
C'est ainsi qu'il y a toujours eu une démarche originale de recherche à Marseille et c'est sur cet aspect original que je voudrais insister. Il y a trop souvent en France un esprit centralisé de programmes bien structurés sur des recherches déjà bien démarrées ailleurs, le plus souvent dans le monde anglo-saxon et dont le choix a pour principal avantage d'assurer un consensus de tutelle. Mais, comme disait Cocteau " rien n'est plus vieux que la mode ", car le fait qu'elle " soit" signifie qu'elle " est déjà " installée et risque de correspondre à une démarche dépassée. L'astronomie à Marseille a su éviter cela. Les conditions climatiques conduisaient assez naturellement vers l'imagination de nouvelles méthodes d'observation. Dès le début du XIXè siècle, Pons avait découvert plus de trente comètes grâce à un télescope léger, en bois, constitué de deux lentilles simples très transparentes. Le but de l'astronome est de comprendre l'univers et l'on n'échappe pas aux problèmes majeurs de la détermination, des distances, du nombre quasi illimité des objets à observer et de la faiblesse des signaux lumineux qui nous parviennent. Le rayonnement que nous cherchons à détecter est dans les cas les plus favorables, inversement proportionnel au carré de la distance de l'astre que nous observons. Quand nous voulons observer dix fois plus loin, il faut que nous puissions imaginer une méthode d'observation cent fois plus sensible... La pupille de notre oeil, la nuit, mesure six millimètres de diamètre ; si nous utilisons une petite lunette ou des jumelles de 60 mm de diamètre, nous pourrons observer des astres cent fois plus faibles que ceux que nous observions à l'oeil nu (diamètres dix fois plus grand, donc surface collective cent fois plus grande !). Sans plus de raisonnement, on comprend pourquoi les astronomes sont amenés à construire des télescopes de diamètres de plus en plus grands.
Les immenses étendues lumineuses de gaz interstellaire ne brillent que si elles sont excitées par le rayonnement ultraviolet des étoiles les plus chaudes. Malheureusement, l'atmosphère terrestre et, en particulier la fameuse couche d'ozone, arrêtent la majeure partie du rayonnement ultraviolet des étoiles.
L'expérience acquise à l'Observatoire de Marseille dans la conception d'instruments d'optique nouveaux était immédiatement adaptable aux engins spatiaux ; fusées, ballons, stations habitées, satellites. L'optique en était cependant assez différente, l'ultraviolet ne traversant sans absorption que peu de substances transparentes, le quartz pour le proche ultraviolet, les fluorures de calcium et de magnésium pour l'ultraviolet lointain, au delà seuls les miroirs sont utilisables, mais de toute façon il est plus commode de concevoir des instruments où les miroirs dominent même pour le proche ultraviolet. L'optique n'était pas la seule à devoir être envisagée sur un aspect nouveau, la mécanique de structures et les mécanismes au décollage, doivent soutenir des vibrations et des accélérations hors du commun et doivent être conçus avec une grande finesse pour concilier la stabilité des éléments, la préservation de tout bris aux limites verre-métal dans les barillets des miroirs, enfin il ne faut pas oublier la limitation de l'encombrement et la légèreté!
Tout cela paraissait impossible à nos ingénieurs et puis, dès le début, des solutions simplificatrices sont apparues et, en fait, les mécaniques se sont toujours parfaitement comportées. L'électronique, technique majeure d'acquisition de l'information devait, elle aussi, résister aux vibrations, mais aux conditions de températures exceptionnelles, aux hauts potentiels, générateurs de décharges entraînant des phénomènes lumineux qui pouvait voiler irrémédiablement nos images du ciel, etc... Là encore, nos techniciens ont su trouver les remèdes. La création aux Trois-Lucs, du Laboratoire d'Astronomie Spatiale (Laboratoire Propre du CNRS de 6000 m²) a permis, dès 1967, de réaliser des expériences sur les moyens spatiaux les plus sophistiqués et nous avons été très rapidement appréciés par la Communauté scientifique internationale. La présence de l'homme dans les stations spatiales habitées constitua une nouvelle épreuve, vite franchie grâce à la qualité des équipements du LAS et de la parfaite adaptabilité des ingénieurs et techniciens aux conditions contradictoires que nous posait l'usage des automatismes et " l'usage " des astronautes (problèmes que l'on ressent maintenant dans les postes de pilotage de l'aviation commerciale!).
Les expériences que nous avons conçues pour le Skylab
(La " Panoramic camera S 183 ", la seule expérience non américaines
acceptée venait de Marseille !) puis, pour le Spacelab, la Very
Wide Field Camera et le télescope FAUST essayaient d'obtenir le
maximum d'étoiles ou de galaxies en lumière ultra violette
en dépit d'une stabilisation très précaire de ces
stations habitées. En effet, si nous utilisons des télescopes
de trop grande distance focale, nous aurions des images " bougées
", comme lorsqu'on tient mal son appareil photographique. La solution passait
par l'usage de courtes distances focales, 30mm permettait d'obtenir des
images stellaires ponctuelles, même si la station se déplaçait
en cours de pose de quelques minutes d'arc. Ce petit télescope de
30 mm de distance focale devait permettre de détecter des étoiles
de magnitude 10 (de 50 à 100 fois plus faibles que les plus faibles
observées à l'oeil nu) et de plus, ayant un rapport d'ouverture
élevé de F/1, était extrêmement sensible aux
sources de lumière étendues (Voie Lactée, Nuages de
Magellan, etc...). Un artifice optique nouveau, ne comprenant que des miroirs
et fondé sur les mêmes propriétés que les rétroviseurs
convexes, donnait la possibilité d'obtenir un champ exceptionnel
de 66 degrés pour un aussi grand rapport d'ouverture de F/1 et l'absence
d'éléments réfringents. Cet instrument, la Very Wide
Field Camera, simple dans son principe entièrement nouveau, était
extrêmement complexe. Elle fut parfaitement reussie grâce à
la contribution de l'Observatoire de Marseille qui donna les moyens de
réaliser la surface asphérique à courbes de niveau
elliptiques, réalisée pour la première fois dans le
monde et à des opticiens et mécaniciens du L.A.S.
Les astronomes du L.A.S. et de l'O.M. qui avaient déjà
une grande expérience des études du ciel à très
grand champ (qu'ils avaient été les premiers à appliquer
à l'Observatoire de Haute-Provence et à l'Observatoire de
Européen Austral), ont assuré la réussite du programme
scientifique, un grand nuage d'étoiles chaudes riches en ultraviolet
de sept milles années de lumière de diamètre a été
découvert, montrant qu'il y avait encore une formation active d'étoiles
dans le pont d'hydrogène neutre qui relie le Grand et le Petit Nuage
de Magellan.
Les vols habités et, avant eux, les fusées, donnent trop
peu d'occasions d'observer dans l'espace : le coût des expériences
est, de plus, extrêmement élevé. Il nous a paru très
efficace de tirer parti des ballons stratosphériques du Centre National
d'Etudes Spatiales (CNES) qui permettaient (plusieurs fois par an) de s'élever
à plus de 40 km, là où l'on commence à obtenir
une transparence suffisante de la haute atmosphère dans une bande
passante non négligeable (150 Angströms) du rayonnement ultraviolet
vers la longueur d'onde de 2000 Angströms. Cette nouvelle méthode
d'observation a été mise au point en coopération avec
l'Observatoire de Genève. Après un télescope de 13cm
de diamètre, imaginé au LAS qui a obtenu les premieres images
ultraviolettes des galaxies après une série de vols à
Aire-sur-l'Adour (Landes), à Gap et au Brésil, ce fut un
télescope de 40 cm de diamètre, qui permit d'atteindre des
galaxies lointaines de magnitude 20, la bande passante UV était
obtenue grâce à un traitement des miroirs réalisé
au LAS.
Cette sensibilité permet aux chercheurs du L.A.S. d'avoir les
premiers, accès à l'univers extragalactique profond avec,
pour la première fois dans le monde, des champs d'une dimension
exceptionnelle. Par son originalité et son absence de dépendance
vis-à-vis des grands programmes internationaux, le télescope
en ballon est le plus fécond, le plus varié et le moins cher
parmi toutes les expériences que nous avons pu mettre en oeuvre.
Faire ce que les autres ne font pas est une grande force et affranchit
des contraintes souvent stériles de la compétition.
On ne peut pas cependant ne pas observer avec les satellites qui ont
le grand avantage de la continuité des mesures sur plusieurs années.
La réalisation du satellite D2B du CNES a demandé au LAS
six ans de travail. Ce satellite a mesuré sur toute la sphère
céleste la luminance du fond de ciel qui est due à la superposition
de plusieurs causes, diffusion de la lumière des étoiles
par les poussières interstellaires, lumière directe des étoiles
individuelles et des nuages d'étoiles, lumière globale due
à l'ensemble des galaxies lointaines et lié à tous
les problèmes d'interprétation cosmologique.
Une autre expérience sur le même problème, Galactika,
construite en coopération avec l'Observatoire de Crimée,
avait l'avantage d'utiliser une orbite d'un satellite russe très
excentrique qui permettait de faire les observations jusqu'à des
distances correspondant à la moitié de la distance de la
lune ; on était dans ce cas en dehors de la lumière parasite
très intense de la raie ultra-violette Lyman Alpha émise
par la géocouronne. Toujours avec l'Observatoire de Crimée,
le LAS a conçu le spectrographe qui fut monté sur le télescope
spatial de 80 cm (expérience DFT) lancé de Baïkonour
et qui fut le plus grand télescope avant le télescope spatial
Hubble de 2,4 m de la NASA.
L'instrument majeur de l'Astronomie Spatiale, le télescope spatial
Hubble du nom de l'astronome qui découvrit la fuite des galaxies,
preuve de l'expansion de l'univers, fut décidé par la NASA.
C'est ainsi qu'en tant que directeur du laboratoire, j'ai pu participer
(grâce au Symposium organisé à Woods Hole par l'Académie
des Sciences des Etats-Unis et la Nasa en 1972.) à l'établissement
du programme scientifique de la Navette Spatiale et du Télescope
Spatial (Hubble) et définir les instruments de base comme par exemple
la Faint Object Camera réalisée au LAS.
Maintenant, le groupe de chercheurs du LAS commence à recevoir
les premiers résultats du télescope spatial dont une partie
du programme initial leur était réservé en échange
de " bons procédés " de la participation créative
du LAS à l'instrumentation et à l'étalonnage photométrique
de précision que les ingénieurs du LAS ont réalisé
au Goddard Space Flight Center près de Washington. Cette caméra
à objets faibles est un instrument extrêmement complexe et
assure une qualité d'image en ultraviolet qui n'est limitée
que par la nature même de la lumière. Les résultats
se sont avérés conformes aux calculs et aux contrôles
de laboratoire.
Au cours de cet article, j'ai voulu montrer que, aussi bien en Astronomie au sol (Observatoire) qu'en Astronomie spatiale, la réussite et la position forte que l'on prend dans la recherche contemporaine est en grande partie liée à l'imagination de nouvelles méthodes et de nouveaux instruments. Un très grand astrophysicien américain, J. Greenstein, Professeur au Caltech, avait déjà dit cela sous une autre forme : " Almost none of the major topics, now dominating journals were " expected " when their technology was being developed ".
La qualité technologique des Laboratoires, Observatoires de Marseille, Observatoire de Haute-Provence et Laboratoire d'Astronomie Spatiale, groupés maintenant au sein de l'Institut Gassendi (IGRAP) sous la direction de l'Astronome Paul Cruvellier, a été essentielle. L'influence sur l'industrie locale et sur l'industrie française en général a été importante, révélant souvent chez des industriels des possibilités qu'ils ne soupçonnaient pas eux-mêmes. Un des plus spectaculaires résultats de cette influence est qu'il vient d'être décidé que les quatre miroirs de 8 m de diamètre du Very Large Telescope de l'Observatoire Européen Austral (ESO) seront polis par l'industrie optique française qui avait déjà brillamment réussi le grand télescope de 3 ,6 m de l'ESO, dont le concept optique avait été calculé à l'Observatoire de Marseille.
Parmi ces nouvelles technologies est apparue depuis quelques années grâce (à des programmes de surveillance militaires et à l'effort indépendant de laboratoires scientifiques) la possibilité d'avoir des détecteurs infrarouges performants, des optiques et des mécaniques pouvant subir des températures proches du zéro absolu. Là encore, la remarquable adaptation de nos ingénieurs et de nos techniciens a démontré l'excellence de leur formation, acquise pour la plupart dans les universités et les écoles de Marseille, d'Aix-en-Provence et de Montpellier.
L'astronomie de l'Infrarouge qui permet d'étudier la physique des poussières et des molécules interstellaires et de s'affranchir de leur absorption est devenue possible. La réalisation du satellite ISO de l'Agence Spatiale Européenne au LAS confirme cette nouvelle compétence de notre laboratoire.
Crédit : G.Courtès, Membre de l'Académie des Sciences
Nous proposons de remonter aux sources en présentant directement les imprimés qui sont à l'origine de la majeur partie des textes et historiques relatifs à l'Observatoire de Marseille. Dans un premier temps, nous transcrivons tels quels (avec leurs faiblesses et leurs contradictions) les documents suivants.
Le cercle répétiteur conservé au Musée de l'Observatoire de Marseille. Il s'agit de l'un des quatre cercles utilisés par Delambre et Méchain dans les années 1790 pour la mesure du méridien terrestre et la détermination de la distance entre le pôle et l'équateur. Le mètre fut défini comme le dix millionième de cette distance. Ce cercle (Nº IIII) est le seul actuellement connu.
Dessin figurant dans Base du système métrique décimal par Delambre et Méchain (1806 -1810)
Crédit : J. Caplan, M.-L. Prévot, Groupe Patrimoine de l'observatoire de Marseille