Understanding > Knowing more > Planets II
De nombreux objets du système solaire sont entourés d'une enveloppe de gaz, qui constituent leur atmosphère. La définition d'une atmosphère est en réalité plus délicate qu'il n'y paraît. Laissant de côté la définition étymologique (enveloppe de gaz respirables), qui ne conviendrait qu'à la Terre, on inclut le plus souvent dans la liste des planètes "à atmosphères" les planètes géantes, Mars, la Terre et Vénus. Cependant, la transition entre les objets à atmosphère épaisse, comme les planètes géantes, ou dans une moindre mesure Vénus, et ceux considérés longtemps comme "sans atmosphère", comme la Lune, fait passer par quantité de corps dont l'enveloppe de gaz est de plus en plus ténue : Pluton, Triton, Io, voire Mercure. On consultera les tables des caractéristiques des planètes de la voie "Encyclopédie" pour en connaître les paramètres physiques (pression, composition, ...).On ne parlera pas ici des comètes, bien que les enveloppes de gaz et poussières entourant le noyau cométaire justifient l'appellation d'atmosphère cométaire.
On distingue dans une atmosphère différentes zones, où des phénomènes physiques de nature différentes s'observent. Les couches profondes correspondent à ce qu'on appelle la troposphère, et les mouvements convectifs s'y produisent, suite au chauffage solaire de la surface planétaire (ou dans le cas des planètes géantes à la source de chaleur interne). C'est la couche météorologique que nous connaissons bien sur Terre, siège des anticyclones et dépressions qui rythment notre vie quotidienne. Dans la troposphère, la température du gaz décroît avec l'altitude, de manière régulière. A plus haute altitude (environ 13 km sur Terre), on rencontre la transition avec la stratosphère, où le gradient de température s'inverse : la haute atmosphère est chauffée par les rayons ultraviolets du soleil, et s'échauffe en les absorbant. Cette région où les couches gazeuses plus chaudes sont au dessus des plus froides est caractérisée par une stabilité verticale plus grande que la troposphère, et les échanges verticaux sont très lents : c'est pourquoi les poussières volcaniques envoyées dans la stratosphères lors d'éruptions volcaniques, où les cendres résiduelles de la collision cométaire de 1994 avec Jupiter résident pendant des mois, voire des années dans la stratosphère avant de sédimenter. Toutes les atmosphères ne présentent pas d'inversion thermique caractéristique du passage à la stratosphère : sur Vénus, la température continue de décroître, l'absorption de rayonnement UV provoquant sur Terre le chauffage responsable de la formation de la stratosphère étant insuffisant sur Vénus.
Au dessus de la stratosphère, à des pressions de l'ordre du microbar, on convient d'identifier la mésosphère, région de transition où les gaz, jusque là mélangés de manière homogène, se séparent par gravité. Les collisions entre molécules de gaz deviennent plus rares, et le transfert de rayonnement ne suit plus l'équilibre thermodynamique.
Enfin, la thermosphère est la transition entre l'atmosphère et le milieu interplanétaire. C'est le siège des transferts d'énergie entre le milieu interplanétaire (ou la magnétosphère qui protège la planète de l'interaction directe du vent solaire dans les planètes magnétisées), et l'atmosphère inférieure.
Sans conteste les reines des atmosphères, les planètes géantes ne sont en fait, pour leur partie accessibles, que des atmosphères! Composées principalement d'hydrogène et d'hélium, elles ont aussi la particularité que les composés condensables, comme la vapeur d'eau, sont plus lourdes que le gaz ambiant (contrairement à la Terre, où la vapeur d'eau est plus légère que le gaz ambiant, composé d'azote et d'oxygène, plus lourds). Imaginez que vous fassiez bouillir une casserole d'eau sur Jupiter : la vapeur d'eau (invisible, mais repérable aux condensations de gouttelettes d'eau qui la suivent dans son refroidissement) au lieu de s'élever vers le plafond s'épancherait au contraire vers le sol de la cuisine! Une conséquence de physique atmosphérique plus réaliste est que les nuages ont plus de difficultés à entrer en phase ascendante sur Jupiter et Saturne que sur Terre. Les orages sur ces planètes sont plus difficiles à former, mais sont aussi plus violents : on observe sur Jupiter la formation de nuages, équivalents de nos tempêtes tropicales terrestres, étendus en panaches de plusieurs milliers de kilomètres.
L'eau n'est pas le seul composant des nuages : Jupiter et Saturne comprennent aussi des nuages d'ammoniac (NH3) et d'hydrosulfure d'ammonium (NH4SH), qui s'étagent au dessus du nuage d'eau jusqu'à la stratosphère. Sur Uranus et Neptune, plus froides, des nuages de méthane (CH4) se forment également.
La caractéristique la plus curieuse des atmosphères des planètes géantes est ce qu'on appelle la rotation différentielle, l'alternance de bandes nuageuses plus ou moins contrastées tournant à des vitesses différentes. Les vitesses de ces vents alternés sont considérables : 160 m/s sur Jupiter, 400 m/s sur Saturne. L'origine de cette circulation alternée, très stable (on l'observe sur Jupiter depuis plus d'un siècle), reste inconnue. La source même de l'énergie entretenant la machine thermodynamique que constituent ces atmosphères est incertaine : le rayonnement solaire apporte une partie du chauffage de l'atmosphère, mais, sauf sur Uranus, une source interne de chaleur en apporte une quantité à peu près équivalente.
Cliquer ici pour une animation de l'atmosphère de Jupiter vue dans le bleu par la sonde Cassini.
Vents et poussières : tel pourrait être la description globale de la météorologie martienne. L'atmosphère martienne est très ténue (6 mbar au niveau du sol, en moyenne), et trop froide pour connaître les nuages d'eau liquide. On observe de rares nuages de glace, souvent accrochés au relief, particulièrement les volcans de plus de 20000 m d'altitude qui dominent la planète sur le plateau de Tharsis. Les tempêtes de poussières sont fréquemment observées, à l'échelle locale ou régionale. Aux changements de saison (Mars a une inclinaison de son axe de rotation de 24 °, proche de l'inclinaison de l'axe de la Terre), il arrive que des tempêtes globales recouvrent la planète d'une couche opaque de poussières en suspension, modifiant le régime thermique. L'atmosphère martienne est très sèche : environ 100 microns précipitables seulement, dix fois moins que dans les régions les plus sèches de la Terre; l'interaction entre poussières, glace et vents est cependant importante pour comprendre la climatologie martienne.
Le phénomène météorologique dominant sur Mars est la variation saisonnière de la pression, due à la condensation du composant majeur de l'atmosphère, le gaz carbonique, sous forme de glace carbonique dans les calottes polaires, lors des grands froids hivernaux. L'atmosphère, en condensant, voit sa pression diminuer de 30% environ à chaque hiver de l'hémisphère nord ou sud!
Si Vénus, comme Mars a une atmosphère composée principalement de gaz carbonique, sa météorologie n'a cependant rien de commun avec celle de la planète rouge. La pression au sol y est d'abord impressionnante : l'équivalent de 90 atmosphères terrestres. L'effet de serre engendré par cette épaisse couche de gaz carbonique entraîne des températures au sol véritablement infernales : 450 °C, relativement uniformes de l'équateur au pôle. L'étude in situ sur Vénus est de ce fait bien plus difficile pour les sondes spatiales, qui n'ont survécu au mieux que quelques heures (sondes soviétiques Venera). L'atmosphère basse est relativement calme, et les vents mesurés sur les couches nuageuses inférieures sont de l'ordre de 10m/s. Cependant, les vents des couches atmosphériques supérieures présentent des vitesses plus élevées, formant ce qu'on appelle la superrotation de l'atmosphère supérieure de Vénus.
Les nuages de Vénus contribuent également à rendre cette planète particulièrement inhospitalière : composés principalement de gouttelettes d'acide sulfurique, ils s'étagent sur plusieurs couches épaisses, qui masquent la surface de la planète, sauf en de rares régions spectrales dans l'infrarouge.
L'atmosphère de Titan, le plus gros satellite de Saturne, est originale à bien des égards : il s'agit d'abord d'une atmosphère composée principalement d'azote, comme la Terre, avec une pression de surface de l'ordre de 1,5 bar. L'analogie avec la Terre s'arrête là : la température de surface, en ces régions lointaines du système solaire n'est en effet que de -170 °C. Parmi les composés mineurs de l'atmosphère, de nombreux composés du méthane et de l'azote ont été observés : méthane, éthane, éthylène, et aussi l'acide cyanhydrique (HCN) et d'autres nitriles. L'existence d'une chimie organique complexe, associant composés carbonés et nitriles, dans un environnement froid, est unique dans le système solaire. L'étude des conditions régnant sur Titan est l'objectif principal de la mission Cassini, qui doit analyser les épaisses couches de nuages de Titan, sa composition, et l'état de sa surface. L'un des paradoxes encore inexpliqués est de comprendre comment le méthane, normalement photodissocié dans la haute atmosphère, peut être régénéré : pluies de méthane, accumulation dans des lacs, mares ou dans des sortes d'éponges minérales appelées clathrates, les scénarios ne manquent pas, mais demandent à être validés. Même si des indices obtenus à partir de télescopes au sol semblent prouver la présence de nuages de méthane dans la troposphère de Titan, seule l'imagerie directe de ces nuages permettra de conclure à la présence d'une dynamique de nuages de méthane, un peu analogue au cycle de l'eau sur Terre, que des chercheurs ont imaginée.
L'atmosphère de Pluton, découverte par occultation stellaire en 1988 a une pression d'une dizaine de microbars, et est constituée probablement en majorité d'azote et de méthane. Elle ressemble probablement beaucoup à l'atmosphère de Triton, dont la sonde Voyager 2 a permis de préciser les caractéristiques : pression de 16 microbars, composition d'azote et de méthane, absence de stratosphère. Dans le cas de Pluton, l'excentricité de l'orbite de cette planète la fait passer au cours d'une année plutonienne de 30 à 50 unités astronomiques du Soleil. Nous sortons actuellement d'un été plutonien, et en s'éloignant, la planète verra son atmosphère se condenser progressivement, jusqu'à probablement geler, cas unique dans le système solaire! Notons que cet "été" plutonien ne se produit pas, comme sur la Terre, du fait de l'inclinaison de l'axe de rotation de Pluton, mais du fait de la forte excentricité de l'orbite de la planète qui s'approche puis s'éloigne du Soleil. La variation de distance de la Terre au Soleil n'est pas suffisante pour créer le même effet.
Le cas de Io enfin, satellite de Jupiter sujet à d'intenses éruptions volcaniques est aussi entièrement original, puisque les volcans émettent avec leurs panaches de poussières de grandes quantité de gaz, qui forment une atmosphère transitoire, où l'on a détecté du dioxyde de soufre : une atmosphère transitoire, confinée aux régions volcaniques équatoriales, plus chaudes, dont on a détecté aujourd'hui deux constituants : dioxyde et monoxyde de soufre.
Les atmosphères planétaires sont des objets d'étude riches de phénomènes physiques de toutes sortes. Leur origine, leur évolution au cours des âges du système solaire font l'objet d'investigations poussées grâce en particulier aux sondes spatiales qui arpentent depuis bientôt quarante ans tout le système solaire. La découverte de planètes extrasolaires, sans doute proches de la composition de Jupiter, mais plus près de leur étoile, et donc plus chaudes, relance les recherches en proposant aux théoriciens des sujets d'étude encore plus exotiques. Les planètes de notre système solaire, qui restent les étalons de comparaison pour ce type d'étude nous permettent aussi de mieux comprendre l'évolution de notre propre atmosphère, sujet d'inquiétude majeur avec la diminution de la couche d'ozone et l'augmentation de l'effet de serre.
Crédit : P. Drossart/DESPA, observatoire de Paris