Comprendre > Concepts fondamentaux > Mécanique céleste IV
Nous vous proposons d'approfondir vos connaissances sur les éphémérides en apprenant comment se fabriquent les éphémérides astronomiques et en voyant tous les problèmes connexes.
Dans le langage courant, l'éphéméride désigne ce qui se passe journellement ; l'éphéméride du jour est la liste des événements marquants de ce jour. Par extension, les éphémérides astronomiques désignent a priori une table journalière de positions de corps célestes mobiles (ceux du système solaire) ainsi que des phénomènes astronomiques ayant lieu ce jour telles les éclipses. Les éphémérides de positions sont donc avant tout la représentation d'un mouvement. Les éphémérides que l'on connaît sous forme de tables de nombres sont les plus courantes et les plus anciennes, mais ce n'est pas la seule forme possible et, de nos jours, ce n'est plus la forme la meilleure car il en existe maintenant d'autres beaucoup plus performantes.
Avant d'aborder les différents types de représentation utilisés pour les éphémérides, voyons tout d'abord comment on décrit les mouvements. On verra ainsi par la suite que l'éphéméride elle-même dépend beaucoup de la nature du mouvement qu'elle veut représenter.
Depuis les débuts de l'astronomie, modéliser le mouvement des corps du système solaire a toujours été un défi. Il s'est agi tout d'abord d'extrapolations empiriques des observations réalisées ; les premières tables proviennent ainsi d'une analyse purement cinématique des mouvements observés. La précision de ces premières tables est évidemment médiocre et ne progresse qu'avec l'amélioration de la précision des observations.
Viennent ensuite des prédictions fondées sur des théories gravitationnelles dont les paramètres sont déduits d'observations. A partir de Newton, les lois dynamiques sont connues et il importe alors de mettre en équation et de tenir compte de tous les effets gravitationnels qui peuvent agir sur les corps. Les recherches théoriques de Lagrange relatives au problème planétaire ont conduit à modéliser l'évolution à long terme des orbites par un système différentiel linéaire qui couple les excentricités et les inclinaisons. C'est un résultat fondamental. On consultera les pages relatives aux lois de Kepler et à la mécanique céleste pour approfondir ces notions.
Des recueils de prédictions diverses liées au calendrier,
appelés almanachs ou éphémérides existaient
dès le XIVème siècle. Citons :
- les tables alphonsines, faites sur l'ordre d'Alphonse X de Castille
à partir de l'Almageste vers 1250 et qui arrivèrent à
Paris en 1320;
- les éphémérides de Regiomontanus couvrant les
années 1475-1506;
- les tables pruténiques construites en 1551 par Reinhold sur
la base des travaux de Copernic;
- les éphémérides des satellites de Jupiter de
Simon Marius en 1614;
- les tables rudolphines en 1627 construites sur la base des travaux
de Kepler et Tycho Brahe.
Les premières éphémérides vraiment destinées
aux astronomes pour faire progresser notre connaissance du système
solaire et de la Terre apparurent avec la Connaissance des Temps dont le
premier volume parut à Paris en 1679. Ce premier volume se bornait
à annoncer aux astronomes les principaux phénomènes
et à leur fournir les calculs nécessaires aux réductions
de leurs observations journalières. On y trouvait les levers et
couchers du Soleil, de la Lune et des cinq planètes connues, Mercure,
Vénus, Mars, Jupiter et Saturne, leurs passages au méridien
de Paris, leurs longitudes, leurs latitudes et leurs déclinaisons.
Au XVIIIème siècle, Lalande construisit ensuite les tables
du Soleil et des planètes qui servirent de base aux éphémérides
publiées dans la Connaissance des Temps jusqu'en 1808. En 1767 paraît
à Londres le Nautical Almanac and Astronomical Ephemeris, éphéméride
de même nature destinée également à contribuer
à l'amélioration de l'astronomie, de la Géographie et de la Navigation.
Au cours des années 1770-1825, Laplace étudie les conséquences de l'application de la loi de la gravitation de Newton sur le mouvement des corps du système solaire et résout plusieurs problèmes concernant les théories planétaires. La plupart des tables du Soleil et des planètes utilisées dans la Connaissance des Temps durant la première moitié du XIXème siècle, sont issues de ses travaux.
La représentation de ces éphémérides a évolué au cours du temps. Jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, la Connaissance des Temps présentait les éphémérides des astres mois par mois, le Soleil de jours en jours et les planètes de six jours en six jours. A partir de 1838, les éphémérides sont publiées corps par corps. Elles sont journalières pour le Soleil, de trois jours en trois jours pour Mercure, de six jours en six jours pour Vénus et Mars, de huit jours en huit jours pour Jupiter, de dix jours en dix jours pour Saturne et de quinze jours en quinze jours pour Uranus. En 1863, les éphémérides deviennent journalières pour Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne et de quatre jours en quatre jours pour Uranus et Neptune.
La mécanique céleste a fait de grands progrès au XIXème siècle et le mouvement des corps du système solaire devint bien modélisé : c'est même grâce aux défauts constatés sur les éphémérides d'Uranus que Neptune fut découverte par le calcul par Le Verrier et Adams. Ces défauts ne provenaient pas d'une mauvaise évaluation des perturbations de Jupiter et Saturne et il fallut admettre l'existence d'un corps supplémentaire perturbateur au-delà d'Uranus. Dès la découverte de Neptune par Galle à Berlin, des observations furent réalisées et les éléments du mouvement de Neptune furent alors connus et des éphémérides précises purent être publiées.
Après un tel coup d'éclat de la mécanique céleste, Le Verrier entreprend de reconstruire complètement les théories du mouvement des planètes principales. Il construit les théories et les tables de ces corps. Gaillot, collaborateur de Le Verrier, améliorera ensuite les théories des quatre grosses planètes Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. A la même époque, les travaux théoriques de Hansen donnent naissance à la théorie de Neptune de l'astronome russe Kowalski et, surtout, à la théorie globale des planètes de Newcomb.
Les tables de Le Verrier et Gaillot ont été utilisées dans les éphémérides de la Connaissance des Temps jusqu'en 1984 mais les tables de Kowalski puis celles de Newcomb ont été les sources des éphémérides de Neptune publiées dans la Connaissance des Temps de 1863 à 1883. Pour Uranus, les tables de Newcomb ont été utilisées de 1877 à 1883. Le Nautical Almanac a aussi utilisé les tables de Le Verrier; l'American Ephemeris a utilisé, lui, les travaux de Hansen et les tables de Newcomb pour le Soleil et les planètes et de Hansen puis Brown pour la Lune, jusqu'en 1983. En 1960, les publications britanniques et américaines publièrent les mêmes tables qui prirent le nom d'Astronomical Almanac en 1981.
A l'époque de Le Verrier et Gaillot, les éphémérides publiées dans la Connaissance des Temps vont acquérir une forme qui perdurera jusqu'en 1979. Notons qu'en 1877 les coordonnées rectangulaires du Soleil sont introduites dans la Connaissance des Temps et que les éphémérides d'Uranus et Neptune deviennent journalières.
Les éphémérides ont subi de nos jours d'importantes transformations. En 1980, la présentation des éphémérides sous forme de tables interpolables a été remplacée par une représentation en polynômes de Tchebychev (voir plus loin) beaucoup plus compacte et bien adaptée au développement de la micro-informatique.
A partir de 1984, la Connaissance des Temps a utilisé les théories analytiques du mouvement du Soleil, de la Lune et des planètes élaborées au Bureau des longitudes et ajustées sur l'intégration numérique du JPL DE200. En 1984, l'Astronomical Almanac a changé aussi les sources de ses éphémérides et a adopté l'intégration numérique DE200/LE200 du JPL. Actuellement, l'IMCCE produit dans la Connaissance des temps, des éphémérides dites "INPOP", construites par intégration numérique et ajustées sur des observations.
Il convient de dire maintenant quelques mots sur l'argument "temps" des éphémérides. En effet, pour connaître une position à un instant donné, quel instant chercher dans les éphémérides ? Jusqu'en 1834, on a utilisé le temps solaire vrai de Paris. Ensuite, du fait de l'existence d'horloges plus fiables, on a utilisé le temps moyen de Paris. En 1916, suite à une convention internationale, on a utilisé le temps moyen de Greenwich. Ces temps étaient jusque là liés à la rotation de la Terre considérée comme suffisamment uniforme. La mise en évidence d'irrégularités dans cette rotation amena les astronomes à introduire une échelle de temps uniforme pour le calcul des éphémérides, échelle de temps basée sur la rotation de la Terre autour du Soleil. On utilisa le Temps des éphémérides défini à partir de la théorie du Soleil de Newcomb, ou encore, comme dans la Connaissance des Temps, le Temps uniforme de Le Verrier tiré de sa théorie du Soleil et donc très proche du précédent. A partir de 1984 on introduisit le Temps terrestre, temps uniforme construit à partir des horloges atomiques beaucoup plus stables que les mouvements célestes pour construire une échelle de temps.
Crédit : IMCCE/Bureau des longitudes
Ci-dessus la représentation graphique utilisée pour les satellites de Jupiter dont le mouvement est très rapide. A gauche, un extrait de la Connaissance des Temps pour 1808. L'interpolation n'est pas facile et la latitude des satellites n'est pas donnée. A droite, le supplément à la Connaissance des Temps pour 2000 : la lecture est plus facile et la latitude est visible sur le tracé du bas de la page.
La qualité d'une éphéméride pour la représentation d'un mouvement dépend de deux facteurs : utiliser un petit nombre de données (éviter des tables gigantesques) et ensuite avoir une bonne précision (commettre l'erreur la plus faible possible par rapport à la position "vraie" que l'on veut décrire).
La plus ancienne forme sous laquelle les éphémérides fournissent les positions des astres est une table de positions dont l'intervalle (une heure, un jour, un mois, ·) dépend de la vitesse de variation des valeurs de ces positions. Plus cette variation est rapide, plus petit doit être l'intervalle de temps séparant deux données successives. La simple lecture d'une table, accompagnée d'une interpolation à vue, suffit pour fournir une position permettant de repérer l'astre dans le ciel. Cependant, si l'on souhaite une précision plus grande, il faut effectuer une interpolation qui n'est plus linéaire, ce qui demande des calculs plus complexes à partir des valeurs publiées si celles-ci le permettent. Pour une précision plus grande, il faut diminuer l'intervalle entre deux positions et donc augmenter le volume de données publiées. L'Astronomical Almanac et l'Annuaire du Bureau des longitudes encore aujourd'hui, et la Connaissance des Temps jusqu'en 1979, contiennent des éphémérides sous forme de telles tables. Citons le cas de la Lune : pour une précision de 0.01 seconde de degré, l'intervalle entre deux positions doit être de 3 heures ce qui conduit à la publication de 2920 valeurs annuellement par coordonnée. Citons aussi le cas des satellites galiléens de Jupiter qui ont un mouvement extrêmement rapide autour de Jupiter. Une éphéméride tabulée aurait nécessité un pas toutes les 20 minutes ce qui aurait conduit à un volume de données trop important pour être publié tel quel dans une éphéméride imprimée. La solution alors trouvée était de deux sortes : fournir des formules complexes et longues à mettre en oeuvre pour le cas où l'on souhaiterait avoir des positions précises (à 0.1 seconde de degré seulement) ou offrir au lecteur une représentation graphique dont la lecture conduisait à une précision de quelques dizaines de secondes de degré, précision bien faible mais suffisante pour identifier les corps lors d'une observation.
L'usage très répandu aujourd'hui des calculatrices de poche et des micro-ordinateurs permet d'utiliser une formulation plus complexe pour les éphémérides et on va chercher plutôt à conserver une précision de représentation optimale sur la période de temps couverte par l'éphéméride. Ainsi, au lieu d'évaluer une fonction f(t) sous la forme d'un tableau de valeurs calculées à des intervalles rapprochés du temps, on va établir des fonctions d'approximation de f(t) valables sur de grands intervalles de temps, en minimisant les erreurs et le volume global des données.
L'éphéméride veut donc représenter une fonction f(t) constituée, soit par le résultat d'une intégration numérique, soit par une fonction analytique du temps qui traduit le mouvement d'un corps ou l'évolution temporelle d'un phénomène. Dans la majorité des éphémérides, on a choisi des séries de Tchebychev pour la réalisation des éphémérides. Pourquoi ? En fait, toute fonction peut être approchée sur un intervalle de temps donné par un polynôme dont le degré et le nombre de termes sont d'autant plus élevés que l'intervalle de temps est grand. Une telle approximation n'est pas optimisée et le volume de données à publier est important. Par contre l'utilisation en est très simple puisqu'il suffit de substituer le temps dans les polynômes ainsi construits. D'autres représentations sont bien meilleures : essayons de l'expliquer.
Les fonctions que nous voulons approcher sont toujours définies pour toutes les valeurs de la variable temps. L'approximation lagrangienne consiste à faire passer, pour un intervalle donné, un polynôme de degré n par n+1 valeurs, alors qu'il serait préférable de tenir compte de toutes les valeurs de la fonction sur cet intervalle. L'approximation de Tchebychev s'impose pour cela, car elle est celle de plus bas degré dont l'erreur ne dépasse pas une valeur donnée a priori, et son erreur est régulièrement distribuée sur l'intervalle considéré.
La fonction d'approximation va se présenter comme une suite de développements en polynômes de Tchebychev sur une succession d'intervalles de temps. Ainsi le volume de données est réduit et le calcul des positions est rapide. Cette représentation est donc bien adaptée aux besoins des astronomes (amateurs, professionnels, théoriciens, astrométristes, ·).
Les éphémérides Tchebychev se présentent
sous la forme d'une suite de coefficients
a0, a1, · an
pour une coordonnée donnée sur un intervalle [t1, t2]. L'utilisation de ces éphémérides se fait de la manière suivante. Le calcul de la valeur de la coordonnée à l'instant t de l'intervalle [t1, t2] se fait en effectuant le changement de variable :
x=-1+{2(t-t1)}/{t2-t1}, donc x appartient à l'intervalle [-1, +1]
Les polynômes de Tchebychev de première espèce Tn(x)
sont donnés par la relation :
Tn(x)= cos(n arccos x)
On peut aussi les calculer à l'aide de la relation de récurrence
:
Tn(x)=2x.Tn-1(x) - Tn-2(x) avec T0(x)=1
et T1(x)=x
La coordonnée est alors égale à :
a0.T0(x)+a1.T1(x)+ ·
+ an.Tn(x)
Comme nous l'avons vu, l'approximation polynomiale n'est pas la seule
possible pour représenter une éphéméride. L'introduction
des fonctions mixtes, permet de prendre en compte le caractère quasi-périodique
des fonctions qui apparaissent dans les éphémérides.
En effet, une fonction quasi-périodique à variations faibles
sur un intervalle donné peut être approchée par un
développement en polynômes de degré n peu élevé
mais on n'a pas utilisé le fait que la fonction soit quasi-périodique
sur l'intervalle considéré, ce qui est le cas du mouvement
des corps du système solaire.
Voyons par un exemple comment en tirer parti.
Soit la fonction paire
f(x) = cos x + cos 2x
Elle est beaucoup mieux représentée avec la base de fonctions
1, cos x, cos 2x, cos 3x,... qu'avec la suite de polynômes
1, x2, x4, x6,... , ou toute autre
base de polynômes pairs.
Si une éphéméride n'est jamais aussi simple dans la réalité, on peut toujours l'approcher par une combinaison de fonctions périodiques dont les périodes proviennent de la nature physique du phénomène (par exemple la période de révolution d'un corps céleste), et de termes séculaires (polynômes du temps) qui témoignent du caractère non rigoureusement périodique du phénomène ou du mouvement décrit.
Le mode de représentation à l'aide des fonctions mixtes
est très bien adapté à la représentation des
mouvements des satellites naturels des planètes et des corps à
période courte qui s'écartent peu, sur quelques périodes,
d'un mouvement périodique, avec des variations d'amplitude et de
fréquence lente par rapport à la période principale
du corps et de ses multiples entiers. Dans la Connaissance des Temps on
trouve en particulier l'expression des coordonnées différentielles
des satellites naturels des planètes sur des intervalles de temps
couvrant une à quelques révolutions, avec des formules faciles
à mettre en oeuvre directement par l'utilisateur et qui se présentent
ainsi :
f(t)=a0 + a1 t + b0 sin(nu t+phi0)
+ b1 t sin(nu t+phi1) + b2 t2
sin(nu t+phi2)+c0 sin(2nu t+Psi0).
2pi/nu est une période proche de la période de révolution du corps ; les aj, bj, cj, sont les amplitudes ; les phij et Psij sont les phases (j = 0, 1, 2). Cette formule découle du choix de la base. Les termes mixtes sont de la forme : A tksin(p nu t + Psi) (k et p entiers A : amplitude ; Psi : phase). Sur un intervalle de temps donné les valeurs maximales de k et p sont ajustées en fonction de la précision recherchée. Si l'intervalle de représentation est élargi, il faudra enrichir la base de termes mixtes en puissance du temps et en multiples de la fréquence de base. Mais si l'intervalle de temps se rétrécit, il faut également modifier la base sous peine de perdre de la précision (ce n'est pas le cas avec la représentation à l'aide de polynômes dont la précision augmente quand l'intervalle diminue.
La connaissance des positions et des mouvements des astres nécessite d'avoir des notions précises des systèmes de référence de coordonnées spatiales et temporelles où l'on va situer les positions décrites par les éphémérides. Nous avons vu précédemment que l'argument temps des éphémérides ne pouvait être pris dans n'importe quelle échelle de temps. De même, nous allons voir que les coordonnées spatiales à utiliser doivent être rattachées à un système de référence grâce à un repère de référence.
On distingue les systèmes de référence célestes et terrestres.
Les systèmes de référence célestes sont soit dynamiques (basés sur l'étude dynamique des mouvements des corps du système solaire) soit cinématiques (basés sur l'étude statistique des mouvements des corps lointains tels que les étoiles, les galaxies et les quasars). Les systèmes de référence célestes dynamiques, tout d'abord construits dans la mécanique newtonienne, le sont aujourd'hui dans la mécanique relativiste qui lie l'argument temps aux variables spatiales. Pour les besoins des éphémérides actuelles, les définitions que nous avons données pour l'argument temps des éphémérides sont suffisantes. Pour rattacher les positions des corps célestes à un observateur situé sur la Terre, on a besoin de définir également un système de référence terrestre.
Les systèmes de référence terrestres nécessitent la connaissance d'un modèle de Terre, de sa forme et de ses déformations au cours du temps. La détermination d'une position topocentrique nécessite de disposer d'un tel système pour connaître la position du lieu en question par rapport aux positions que l'on a dans le système céleste. Les éphémérides étant en général géocentriques, les positions des corps célestes doivent être définis d'abord dans un système de référence céleste.
Un système de référence est un concept théorique et la construction d'éphémérides nécessite la connaissance d'un repère de référence qui est la matérialisation concrète d'un système de référence. Un repère de référence céleste sera donc associé à des théories dynamiques, à des constantes et à des catalogues d'étoiles.
Un repère de référence se définit par un plan de référence et par une direction privilégiée. Pour les éphémérides publiées actuellement, le plan de référence est l'équateur de la Terre (repère équatorial) ou l'écliptique, plan de l'orbite de la Terre autour du Soleil (repère écliptique). La direction de référence est celle de l'équinoxe, noeud ascendant de l'écliptique sur l'équateur, intersection des deux plans. Ces plans et cette direction sont liés à la Terre et nous allons définir différents repères de référence selon les théories et les constantes utilisées pour les construire, puis, pour chaque repère ainsi construit, nous allons fixer les plans et la direction de référence pour obtenir un repère parfaitement défini.
Ces repères sont définis par les positions et les mouvements propres des étoiles. Citons les catalogues FK4 et FK5 qui utilisent 1535 étoiles. De nouveaux repères utilisant les étoiles du catalogue Hipparcos et des radiosources très lointaines sont en cours d'élaboration pour matérialiser le système international de référence.
Les modèles dynamiques des corps du système solaire ajustés sur les observations radar ou laser sont indépendantes des étoiles des catalogues et définissent un plan et une direction de référence. Associés à une théorie de la précession - nutation, ils définissent un repère. Citons le repère lié aux intégrations numériques DE200/LE200 et plus récemment DE405/LE405 du Jet Propulsion Laboratory et celui lié aux théories INPOP de la Lune et des planètes de l'IMCCE.
Une fois défini un repère de référence, il faut choisir les coordonnées à utiliser pour fournir des positions dans les éphémérides.
A un repère de référence donné, on associe une théorie de la précession - nutation et on définit :
- les positions dans le repère moyen (les plans fondamentaux sont ici des plans moyens, c'est-à-dire affectés de la seule précession). Une date doit être donnée pour fixer le repère mais cette date est conventionnelle (par exemple 1950 pour le repère FK4 et 2000 pour le FK5);
- les positions dans le repère vrai (les plans fondamentaux sont affectés de la précession et de la nutation). La date du repère est celle à laquelle on donne les positions : le repère n'est pas fixe. C'est le seul repère accessible directement par un observateur terrestre.
Dans le repère ainsi défini, les coordonnées peuvent être :
- géométriques : ce sont les positions occupées réellement par le corps considéré à l'instant donné, sans tenir compte de la vitesse de la lumière;
- apparentes : ce sont les positions vues par un observateur placé au centre du repère. Elles sont rapportées à un repère vrai de la date. On tient compte de la vitesse de la lumière et de l'aberration annuelle.
- astrométriques ou astrographiques : ce sont des coordonnées directement comparables aux catalogues d'étoiles. Elles se déduisent des coordonnées apparentes par la transformation de précession - nutation pour se ramener à un repère fixe (de la date du catalogue d'étoiles) et par la suppression de l'aberration annuelle. Le temps de lumière est toujours pris en compte.
Les coordonnées sont en général données
sous forme sphériques, c'est-à-dire sous forme d'ascension
droite et de déclinaison dans le repère équatorial
ou sous forme de longitude et de latitude dans le repère écliptique.
Elles peuvent être données sous forme d'angle horaire à
la place de l'ascension droite pour un instant donné dans un repère
local. Enfin, toujours dans un repère local, on peut donner l'azimut
et la hauteur d'un astre à un instant donné. On consultera
la page sphère céleste et repères
en astronomie pour plus de détails sur ces coordonnées.
Les coordonnées géométriques sont fournies sous
forme cartésiennes X, Y, Z dans un repère équatorial,
l'axe X étant dirigé vers le point vernal et l'axe Z vers
le pôle Nord.
Enfin des coordonnées tangentielles ou différentielles
peuvent être données pour des corps proches relativement l'un
à l'autre sur un plan tangent à la sphère céleste.
Ci-contre, l'ascension droite et la déclinaison de la Lune dans la Connaissance des Temps pour l'année 1808. Les valeurs sont données de 12h en 12h pour l'ascension droite et de 6h en 6h pour la déclinaison. La précision reste faible du fait de la rapidité du mouvement de la Lune.
Ci-contre un extrait de la Connaissance des Temps pour 1978 : l'ascension droite et la déclinaison de la Lune sont données de 3h en 3h avec la variation pour une minute. Le nombre de données à publier et les calculs d'interpolation à réaliser pour une précision correcte sont importants.
Ci-contre, un extrait de la Connaissance des Temps pour l'année 2000 : l'ascension droite et la déclinaison sont fournies sous forme de coefficients : il faut programmer un petit formulaire simple pour calculer les valeurs pour tout instant de l'intervalle de validité. Les données à publier sont peu importantes et la précision des valeurs obtenues est la meilleure.
Selon la quantité à représenter dans les éphémérides, on est amené à choisir un plan fondamental et des coordonnées. Pour les éphémérides destinées à l'observateur terrestre, le plan fondamental sera l'équateur terrestre et on fournira l'ascension droite (angle compté habituellement en heures vers l'est à partir de l'équinoxe de 0 à 24 heures, le long de l'équateur terrestre) et la déclinaison (angle compté habituellement en degrés vers le nord au-dessus du plan équatorial). On donne aussi le rayon vecteur, distance du centre du repère à l'astre considéré : il ne dépend pas du repère, sauf en ce qui concerne la prise en compte du temps de lumière.
Les éphémérides de la Lune, du Soleil et des planètes principales donnent des coordonnées apparentes pour le pointage des télescopes. Pour Pluton, les astéroïdes et les comètes, on donne les coordonnées astrométriques directement comparables aux catalogues d'étoiles. Dans le cas des satellites naturels proches des planètes, on donne des coordonnées tangentielles relatives à la planète dans un plan tangent à la sphère céleste, directement comparables aux clichés photographiques ou aux images provenant des caméras CCD.
Citons aussi les coordonnées topocentriques, centrées sur un observateur situé sur la surface terrestre : ces coordonnées ne peuvent être que calculées à la demande et on passe en général des coordonnées apparentes aux coordonnées topocentriques par une petite correction si nécessaire.
Certaines positions sont données dans des coordonnées non pas sphériques mais rectangulaires, l'axe X étant dirigé vers l'équinoxe du repère et l'axe Z vers le pôle nord céleste de ce repère. Des éphémérides données ainsi sont plutôt destinées à la navigation spatiale.
Les mouvements propres des étoiles ne sont pas suffisamment rapides pour justifier la publication d'une éphéméride journalière. Les catalogues d'étoiles fournissent une valeur du mouvement propre qui permet d'obtenir, par un calcul simple, la position de l'étoile à la date voulue. Cependant, l'Astronomisches Rechen Institute d'Heidelberg, Allemagne, publie chaque année depuis 1960, suite à un accord international, les positions apparentes des 1535 étoiles des catalogues FK4 et FK5 dans l'"Apparent Places of Fundamental Stars". Seule l'éphéméride de l'étoile polaire est donnée de jour en en jour avec précision dans de nombreux annuaires car elle permet la mise en station des télescopes.
Pour observer de la Terre à un instant donné des points situés à la surface d'un astre du système solaire, il faut définir les paramètres qui caractérisent la rotation de l'astre autour de son axe, donner leurs valeurs numériques et définir les systèmes de coordonnées par rapport auxquels ces points seront repérés sur cet astre (repère planétographique). On calcule ensuite les données qui permettent de connaître quels sont les points de l'astre qui sont visibles de la Terre à l'instant considéré. Il est également utile de connaître des quantités liées à l'éclairement du disque apparent. L'Union Astronomique Internationale publie régulièrement les paramètres qui permettent de définir la rotation des corps ainsi qu'un système de coordonnées pour situer le relief ou les structures de surface de ces corps.Le pôle nord est, par définition, celui des deux pôles de l'axe de rotation qui se trouve au nord du plan invariant du système solaire (plan proche de l'écliptique). Les longitudes sont comptées à partir du méridien origine mais dans le sens opposé à la rotation. Il résulte de ceci que, pour un observateur lointain, la longitude planétographique du centre du disque apparent augmente toujours avec le temps, quel que soit le sens de rotation de l'astre. Afin de respecter une tradition historique et de pouvoir continuer à utiliser des cartes anciennes, on admet en général des exceptions à cette règle quand il s'agit de la Terre, du Soleil et de la Lune dont les rotations sont directes.
On se reportera aux pages sur les phénomènes
astronomiques pour voir comment on les calcule. Les phénomènes
astronomiques sont évidemment présentés dans les éphémérides.
certains peuvent nécessiter une représentation spécifique
soit du fait de leur périodicité (cas des phénomènes
des satellites de Jupiter), soit du fait du caratère local du phénomène
(cas des éclipses de Soleil) qui oblige à recourir à
une représentation sous forme de coefficients des formules donnant
les conditions locales. Les principaux phénomènes donnés sont :
- les levers et couchers des astres
- les éclipses de Soleil et de Lune
- les passages de Mercure et Vénus devant le Soleil
- les phénomènes des satellites de Jupiter et de Saturne
La précision des éphémérides est la résultante de trois types de précisions différentes :
- la précision interne de la théorie dynamique utilisée pour modéliser le mouvement et qui dépend de l'importance des termes des séries négligées et qui peut être évaluée à l'aide d'une comparaison à une intégration numérique (la précision interne est en général la meilleure) ;
- la précision externe de la théorie utilisée qui dépend de la précision des observations utilisées pour l'ajustement des constantes d'intégration de cette théorie et aussi de la répartition des observations au cours du temps (c'est la précision externe qui limite la précision globale des éphémérides);
- la précision de la représentation que l'on choisit en ajustant le nombre de coefficients et la longueur des intervalles de validité (cette précision est la seule que l'on puisse choisir, elle ne doit pas dégrader la précision globale).
Aujourd'hui, la précision avec laquelle on peut positionner une planète ou un satellite de planète est la suivante :
Soleil/Terre | 0,3 " | 220 km |
Mercure | 0,9 " | 440 km |
Vénus | 0,3 " | 70 km |
Lune | 0,008 " | 15 m |
Mars | 0,4 " | 60 km |
Jupiter | 0,5 " | 1500 km |
satellites galiléens de Jupiter | 0,1 " | 300 km |
Saturne | 0,9 " | 5400 km |
Titan | 0,2 " | 1200 km |
Uranus | 0,5 " | 6550 km |
Neptune | 1,0 " | 20 000 km |
Pluton | 1,0 " | 20 000 km |
A noter que pour les besoins de l'exploration spatiale, on est amené à construire des éphémérides de dernière minute plus précises mais se dégradant très rapidement dans le temps.
Ci-contre, une page de la Connaissance des Temps pour 1808. On remarque
:
- que les intervalles varient selon les corps
- que les heures de lever et coucher sont données pour Paris
- que la planète Uranus récemment découverte,
s'appelle encore Herschel du nom de son découvreur
- que Neptune et Pluton ne sont pas encore connues.
Ci-contre une page de l'annuaire du Bureau des longitudes pour l'année
2000. On remarque :
- que les heures de lever et de coucher sont toujours données
pour Paris car il est difficile de les donner pour différents lieux,
une correction permettant d'avoir le résultat pour toute ville en
France
- que les heures sont comptées de 0 à 24 heures et non
de 0 à 12h du matin et du soir.
Ci-contre une page des éphémérides nautiques pour
l'année 1999. On remarque :
- que les marins naviguent rarement à Paris et que l'on donne
les levers et couchers de Soleil pour des latitudes allant de 56° Sud
à 70° Nord ce qui permet une lecture directe appréciable
sur un bateau;
- que pour la Lune, il faut donner plus d'informations du fait de la
parallaxe.
Bien que la micro-informatique soit omniprésente pour les calculs astronomiques, les éphémérides imprimées sont encore abondamment diffusées auprès des astronomes professionnels ou amateurs. Pour quelle raison ? Tout d'abord, l'observateur a souvent besoin d'une confirmation ou d'une simple position approchée. Il est alors simple d'ouvrir un livre et de lire directement une valeur tabulée. On y trouve :
- les heures de lever et de coucher du Soleil et de la Lune (et aussi des planètes principales);
- les positions des corps du système solaire et des étoiles brillantes pour un observateur terrestre;
- les éphémérides pour les observations physiques de ces corps.
Ces éphémérides sont en général de faible précision et des valeurs tabulées sont suffisantes.
Il faut également citer des éphémérides plus spécialisées dans lesquelles les positions des corps célestes sont données dans un but utilitaire : les éphémérides nautiques françaises et le Nautical Almanac anglo-américain sont publiées pour permettre aux marins de faire le point en mer et sont là pour suppléer une panne du système GPS. L'éphéméride imprimée garde ici toute son utilité. Mais toutes les éphémérides imprimées ne fournissent pas toujours des données tabulées. Elles peuvent donner des représentations graphiques (pour les satellites de Jupiter) ou des coefficients pour polynômes, dans le cas des éphémérides de haute précision, qui nécessitent alors l'emploi d'une calculatrice de poche ou d'un micro ordinateur. C'est le cas de la Connaissance des temps depuis 1979 qui est alors utilisée pour la programmation manuelle des télescopes ou plus simplement pour les tests et les contrôles de programmation plus complexe.
On trouvera ci-dessous la liste des principales éphémérides imprimées publiées actuellement :
-par l'Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides/Bureau des longitudes : Connaissance des Temps, Annuaire du Bureau des longitudes, Ephémérides nautiques;
-par le H.M. Nautical Almanac Office de l'ex-Royal Greenwich Observatory (Grande-Bretagne) aujourd'hui au Rutherford Appleton Laboratory et l'USNO (USA) : Astronomical Ephemerides, Nautical Almanac;
-par l'Institut d'astronomie appliquée de Saint-Pétersbourg (Russie) : Ephémérides des petites planètes;
-par l'Astronomisches Rechen Institute d'Heidelberg (Allemagne) : Apparent Places of Fundamental Stars.
Notons que de nombreux pays publient des éphémérides et des almanachs qui reprennent pour la plupart les données publiées par les ouvrages ci-dessus.
Le support papier est traditionnel pour les éphémérides qui existent depuis des siècles. De nos jours, l'utilisation des éphémérides sur support papier est limitée à une aide ponctuelle pour le pointage d'un télescope. La recherche d'un corps dans le ciel ou le guidage d'un télescope sur un objet mobile du système solaire se fait maintenant de façon automatique en utilisant des éphémérides électroniques. Pour cela le plus simple est de disposer des éphémérides papier sur un support électronique (disquettes, CD-ROM) associé à un programme de lecture et de calcul d'une position à un instant donné. Il est évident que le calcul d'une position à l'aide des théories dynamiques de base n'est pas possible en temps réel du fait de la complexité des calculs et du volume de données à manipuler. La lecture des valeurs tabulées suivie de leur interpolation (peu pratiques) ou mieux la lecture de coefficients suivie d'un calcul rapide et précis des positions associées est aujourd'hui d'usage courant. Quant au calcul de positions n'ayant pas lieu en temps réel, il est aussi possible d'effectuer des calculs interactifs en ligne avec un serveur spécialisé : les serveurs Web sur Internet permettent maintenant ces calculs, les éphémérides de haute précision sont ainsi disponibles pour tous. Les éphémérides de haute précision utilisées par les astronomes professionnels et par les agences spatiales sont bien sûr fournies sur support électronique. On trouvera dans la page "liens" des adresses des serveurs professionnels les plus intéressants accessibles par Internet :
- serveur du Jet Propulsion Laboratory (Pasadena, Californie, USA) : http : //ssd.jpl.nasa.gov/
- serveur de l'Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides/Bureau des longitudes (Paris, France) : http : //www.imcce.fr/services/ephemerides/
- serveur de l'U.S. Naval Observatory (Washington, D.C., USA) : http : //aa.usno.navy.mil/
- serveur du H.M. Nautical Almanac Office de l'ex-Royal Greenwich Observatory (Grande-Bretagne) aujourd'hui au Rutherford Appleton Laboratory (Oxford, Grande-Bretagne) : http : //www.ast.cam.ac.uk/
- serveur du Minor Planet Center (Cambridge, Massachussets, USA) : (éphémérides d'astéroïdes et de comètes exclusivement) http : //cfa-www.harvard.edu/iau/MPEph/MPEph.html
Introduction aux éphémérides astronomiques, Bureau des longitudes, Editions de Physique, avenue du Hoggar, ZA de Courtaboeuf, BP 112, F-91944 Les Ulis Cedex, France
Explanatory Supplement to the Astronomical Ephemeris, U.S. Naval Observatory/Royal Greenwich Observatory
Crédit : IMCCE