Observatoires > Observatoire de Nançay II
En 1946, la France récemment libérée avait un
retard de plusieurs années en électronique, retard dû
à la défaite de 1940 et à l'occupation qui s'en
suivit.
Il s'y est pourtant constitué deux équipes de radioastronomie : l'une,
animée par M. Laffineur, à l'Institut d'Astrophysique
de Paris, l'autre au Laboratoire de Physique de l'Ecole Normale Supérieure.
Le Directeur de ce Laboratoire, le Professeur Y. Rocard, avait été
membre d'un réseau de résistance ; transporté
de France en Angleterre dans un petit avion anglais, il devint Chef
du Service de Recherche des Forces Navales Françaises Libres.
A ce titre, il eut connaissance de la détection fortuite, par
les radars anglais, de l'émission radio du Soleil. Il proposa
à J. F. Denisse et à J.-L. Steinberg de se lancer dans
la radioastronomie. Il leur fournit les moyens nécessaires, en
particulier des radars allemands du type Würzburg avec leurs miroirs
de 7,5 m de diamètre ; il mit aussi à leur disposition
une partie du terrain d'un Centre de Recherche de la Marine situé
à Marcoussis.
Bientôt rejoints par E.J. Blum, A. Boischot, E. Le Roux, les deux
physiciens entreprirent d'obtenir leur premières observations ;
on construisit des antennes à Marcoussis pour l'observation du
Soleil et l'on équipa l'un des Würzburg pour observer le
rayonnement galactique. Avec des antennes rachetées aux surplus
de l'armée américaine, on observa une éclipse de
Soleil sur ondes centimétriques et métriques en Afrique
en 1951 .
Au cours d'une grande réunion internationale tenue en Australie
en 1952, les délégués français purent voir
les grandes antennes construites par les Australiens. Il devint évident
que l'avenir des instruments français était très
limité et qu'il devenait possible et urgent de concevoir et de
construire des instruments beaucoup plus grands, dotés d'un meilleur
pouvoir séparateur.
Ceci impliquait la création d'un Observatoire spécialisé.
Sous l'impulsion de J.-L. Steinberg et avec l'appui sans limite du Professeur
Y. Rocard, il fut décidé de construire une grande station
française pour y abriter deux instruments principaux : un
grand réseau pour les observations solaires sur ondes métriques
et un interféromètre à base variable pour des études
galactiques.
Des fonds considérables (25 millions de francs 1952) furent alloués
par le Ministère de l'Education Nationale à l'Ecole Normale
Supérieure et la recherche d'un terrain adéquat commença.
On le voulait grand pour abriter deux bases perpendiculaires de 1 500
mètres de long, assez plat pour limiter le volume des terrassements,
éloigné des zones industrielles et de leurs parasites mais
assez proche de Paris pour que les communications soient faciles.
C'est ainsi qu'un terrain de 150 hectares fut acheté à Nançay,
dans le département du Cher, en 1953.
C'est pendant la construction de la Station que l'ensemble du Groupe de
l'Ecole Normale Supérieure (ENS) fut accueilli à l'Observatoire
de Paris, par une décision de son Directeur, A. Danjon et forma
l'équipe de radioastronomie animée par J.F. Denisse.
Si le terrain de la Station reste la propriété de l'ENS,
c'est aujourd'hui l'Observatoire de Paris qui en assure la gestion et
le développement en association avec le Centre National de la Recherche
Scientifique (CNRS).
L'équipe de radioastronomie s'étoffait rapidement, au moins
en chercheurs. Ce sont eux qui, en 2 ans, ont construit de leurs mains
le premier réseau métrique pour l'observation du Soleil
qui comportait dans sa première version 16 miroirs de 5 m de diamètre
(construits dans l'industrie) disposés sur une base Est-Ouest terrassée
par un détachement du Génie de Libourne.
Sur la plate-forme Est-Ouest puis sur une autre orientée Nord-Sud,
une entreprise de Salbris construisit une voie ferrée de 6 mètres
d'écartement étudiée spécialement (et gratuitement)
par les Ingénieurs de la SNCF.
Des kilomètres de câbles divers furent enterrés dans
des fossés creusés avec des pioches et des pelles. Dès
1955, on commençait les observations.
La Station a aussi été équipée d'instruments
de dimensions modestes capables de mesurer le flux global reçu
du Soleil sur ondes centimétriques et métriques ; de tels
instruments sont indispensables pour suivre l'activité solaire
et identifier les phénomènes transitoires qui s'y produisent.
Mais on a surtout construit des interféromètres de divers
types.
L'interféromètre centimétrique comprenait deux miroirs
de 2 m qui suivaient le Soleil. Un autre toujours en fonctionnement, est
formé de 16 miroirs de 1,1 m qui peut résoudre 1/7 du diamètre
solaire. L'interféromètre à deux miroirs de 7.5 m
montés sur la voie ferrée en croix a permis des études
galactiques à haute résolution sur 21 cm de longueur d'onde ; la longueur de sa base pouvait être variée et orientée
à volonté, ce qui permettait d'obtenir l'équivalent
d'un miroir unique de 1 500 m de diamètre. On a construit le grand
réseau interférométrique en croix pour l'étude
du Soleil et la localisation des radiosources qui fonctionne sur ondes
métriques. Cet instrument a beaucoup évolué depuis
1955 date où il comportait 32 miroirs fixes de 5 m de diamètre
sur une base Est-Ouest, puis un peu plus tard huit de 10 m sur une base
Nord-Sud.
Au début des années 60, il fut décidé de construire
à Nançay, le Radiotélescope Décimétrique
qui représentait un investissement scientifique, technique et donc
financier sans commune mesure avec ceux impliqués par les autres
instruments de la Station. Une première tranche (photo ci-dessous)
représentant le 1/5ème du télescope actuel fut construite
afin de tester la faisabilité, puis la totalité de la construction
fut décidée et le Président de la République,
Charles de Gaulle, inaugura le Radiotélescope Décimétrique
en 1965. Depuis cette époque, d'autres instruments ont été
implantés sur le site (le Réseau Décamétrique).
Certaines institutions ont investi sur le site de NANCAY en développant
des moyens complémentaires dans le cadre de projets en coopération : en
particulier, le Centre National d'Etudes des Télécommunications
(CNET) a conçu et réalisé un instrument de sondage
de l'lonosphère terrestre qui utilisait le Radiotélescope
Décimétrique comme antenne réceptrice. Ce sondeur
a fourni pendant vingt ans des données particulièrement
originales sur la dynamique et la composition de l'lonosphère.
D'autres institutions ont utilisé les instruments de la Station
pour leurs propres recherches. Ainsi, l'Institut Géographique National
(I.G.N.) a inclu le site de Nançay dans son réseau de référence,
en déterminant la position du Radiotélescope Décimétrique
par interférométrie à très longue base.
D'autre part, la Station a été le lieu de formation de la
plupart des radioastronomes français dont certains ont été
explorer des domaines de longueurs d'ondes nouveaux : les ondes
kilométriques depuis les engins spatiaux au Département
de Recherches Spatiales de l'Observatoire de Paris et les ondes millimétriques
à l'Observatoire de Bordeaux puis à l'Institut de Radioastronomie
Millimétrique (IRAM) enfin au Département de Radioastronomie
Millimétrique de l'Observatoire de Paris et au Laboratoire de Physique
de l'ENS où la Radioastronomie est revenue.
Pendant les premières années, la Station employait un couple
de techniciens qui géraient les moyens d'hébergement et
la cantine. Aujourd'hui une cinquantaine d'Ingénieurs, Techniciens
et Administratifs y travaillent en permanence. Ce sont ces personnels
qui, en collaboration étroite avec les chercheurs, assurent le
fonctionnement de tous les services, la maintenance des équipements,
la conception et la réalisation totale ou partielle des instruments
ainsi que la gestion des observations.