Comprendre > Concepts fondamentaux > Phénomènes VIII
Les satellites galiléens sont des astres bien connus de tous les observateurs. Ils ont toujours eu la faveur des chercheurs (c'est un système solaire en miniature qui rassemble des mondes divers et dont le mouvement fait appel à toutes les ressources de la mécanique céleste) et plus encore depuis qu'ils sont un but pour les sondes spatiales; ils ont aussi la faveur des astronomes amateurs pour qui, ces objets rapides constituent un objet d'observation de choix. Ils sont brillants, aisément observables dans un petit télescope et présentent des phénomènes nombreux et spectaculaires. Outre les éclipses, occultations, passages et ombres, ces satellites offrent un spectacle plus rare mais plus intéressant, celui d'occultations et d'éclipses mutuelles.
C'est la facilité d'observation de ces corps qui en a fait les premiers corps observés au télescope par Galilée en 1610. La première éclipse par Jupiter (émersion d'Europe) fut observée par Galilée le 12 janvier 1610, mais il n'en comprit la signification qu'en 1612. Il fallut attendre 1643 pour une observation de l'ombre d'un des satellites sur Jupiter (par Fontana) et 1693 pour une observation de phénomènes mutuels (par Arnoldt : occultation de Europe-J2 par Ganymède-J3). Les observations d'éclipses de satellites par Jupiter se sont fortement développées par la suite car elles étaient la seule manière d'améliorer les tables du mouvement des satellites. Consultez la page consacrée aux satellites galiléens pour plus de détails à leur sujet..
Les phénomènes dits "classiques" impliquant la planète Jupiter
Les éclipses ont lieu quand les satellites passent dans l'ombre de Jupiter
Les occultations ont lieu quand les satellites passent derrière Jupiter pour un observateur terrestre
Vue de dessus des phénomènes : les passages d'ombre ont lieu quand l'ombre d'un satellite passe sur la surface de Jupiter.
Les passages ou transits ont lieu quand les satellites passent devant Jupiter pour un observateur terrestre.
Les satellites galiléens présentent des phénomènes particuliers dus aux positions que prennent le Soleil, Jupiter et la Terre : les éclipses (lorsqu'un satellite passe dans l'ombre de Jupiter); les occultations (lorsqu'un satellite passe derrière Jupiter par rapport à la Terre); les passages (lorsqu'un satellite passe devant Jupiter par rapport à la Terre) et les passages d'ombre (lorsque l'ombre d'un satellite passe sur le disque de Jupiter). Les phénomènes les plus célèbres sont les éclipses car ils sont les plus faciles à observer : il s'agit de l'extinction ou de l'apparition d'un satellite isolé. Les autres phénomènes nécessitent l'observation simultanée de Jupiter ce qui dégrade beaucoup le rapport signal sur bruit. Tous ces phénomènes ont été observés visuellement pendant des dizaines d'années et le grand nombre d'éclipses observées a constitué la base des premières éphémérides. Dès la fin du XIXème siècle, les techniques d'observation des éclipses se sont améliorées et les premières courbes photométriques ont permis d'améliorer la précision de la datation de ces phénomènes. Ensuite, les enregistreurs photoélectriques sont apparus mais, malgré le progrès qu'ils apportaient, ils ont été très peu utilisés : ils sont arrivés lorsque cessa l'intérêt des astronomes pour ce type de travaux et n'ont pas encore été repris pour des raisons de précision que nous verrons plus loin. Une amélioration de la réduction est cependant envisageable et une reprise des observations serait alors possible.
Ci-dessous, un compte rendu d'observation d'éclipse par Delambre en 1800 et à droite une courbe photométrique de début d'éclipse.
Ci-contre à droite un manuscrit de Delambre rapportant l'observation d'un début d'éclipse de Io à Prague le 7 janvier 1800
Ci-contre à gauche une observation photométrique d'un début d'éclipse (entrée dans l'ombre) d'Europe le 6 avril 1971
Ces phénomènes sont dus aux positions relatives que prennent le Soleil, la Terre et deux satellites. La figure ci-dessous explique bien comment les phénomènes mutuels se produisent. Les satellites galiléens ont leurs orbites quasiment coplanaires. Ainsi, quand la Terre passe dans ce plan (i.e. quand la déclinaison jovicentrique de la Terre s'annule), les satellites s'occultent l'un l'autre. De même, quand le Soleil passe dans ce plan, (i.e. quand la déclinaison jovicentrique du Soleil s'annule), les satellites peuvent passer dans l'ombre les uns des autres : il y a éclipse mutuelle. Ces phénomènes, contrairement aux phénomènes "classiques" qui ont lieu en permanence, ne se produisent que tous les six ans. L'absence d'atmosphère sur les satellites galiléens fournit un signal peu bruité et permet une observation précise, et, outre l'instant du phénomène, une durée et une amplitude peuvent être mesurées si l'on dispose du matériel adéquat.
Les phénomènes sont possibles tant que ces déclinaisons restent proches de zéro. Bien entendu, il faut que Jupiter et le Soleil soient en opposition - c'est-à-dire que, vus de la Terre, Jupiter soit observable de nuit - pour que les phénomènes soient observables. Enfin, selon la déclinaison géocentrique de Jupiter, les observations sont plus favorables pour les observatoires de l'hémisphère Nord (déclinaison positive) ou Sud (déclinaison négative).
La prédiction des phénomènes mutuels est complexe. Si l'on est capable de définir les périodes propices (la Terre et le Soleil se trouvent dans le plan orbital des quatre satellites galiléens), chaque phénomène, sa date et son instant précis, est plus difficile à prévoir. En effet, les quatre satellites sont presque dans le même plan et il faut être capable de calculer les positions relatives très précises des satellites pour savoir s'il y a ou non occultation de deux satellites ou éclipse.
Si les satellites n'avaient pas un mouvement si perturbé, le calcul de prédiction serait simple : à chaque conjonction, un phénomène aurait lieu. Ce n'est pas le cas, et il faut prendre en compte tous les termes de la théorie : seule l'utilisation de calculateurs électroniques a permis que ces calculs puissent être effectués avec précision. Toutefois, certains écarts pourront apparaître entre prédiction et observation. Leur analyse permettra l'amélioration de la théorie.
On détermine qu'il y a phénomène lorsque la distance apparente entre deux satellites est inférieure à la somme des rayons apparents (vue de la Terre pour les occultations et vue du Soleil pour les éclipses). Les phénomènes peuvent être partiels, totaux ou annulaires (comme pour la Lune). Dans le cas des éclipses, il peut y avoir aussi éclipse par la pénombre seule, mais ce type de phénomène n'est pas toujours détectable.
La rareté et la grande précision de l'observation des phénomènes mutuels expliquent le lancement de campagnes d'observations lors des périodes favorables. La visibilité d'un phénomène dépendant du lieu d'observation, il est nécessaire qu'un effort international soit fait afin de couvrir toutes les longitudes terrestres. Voyons ce qui a été fait par le passé.
Avant 1973, les calculs de prédiction restaient imprécis et il était alors difficile de réduire et d'utiliser ces observations du fait de l'usage alors restreint des calculateurs électroniques. On ne dispose donc que de quelques observations clairsemées, souvent effectuées par hasard par des observateurs de phénomènes classiques. Au XIXème siècle, la photométrie photoélectrique n'existait pas et seules quelques observations visuelles ont été faites, dont certaines de simples conjonctions que l'on ne différenciait pas des occultations rasantes.
En 1973, la période était favorable et de nombreux jeux de prédictions ont été publiés. Une centaine d'observations ont été faites de par le monde.
En 1979, la période n'était pas favorable car la majorité des phénomènes se produisaient lors de la conjonction Jupiter-Soleil. Afin d'éviter une longue période sans observation de phénomènes mutuels, un effort particulier a été fait et nous avons rassemblé une vingtaine de courbes de lumière observées.
En 1985, 1991 et 1997, la période était favorable et nous avons lancé des campagnes d'observations internationales qui ont rassemblé des observateurs de tous pays répartis tout autour de la Terre afin de disposer en permanence d'un observateur pour lequel Jupiter était visible et pouvant ainsi observer les phénomènes qui avaient lieu.
Les observations effectuées ont été des observations photométriques, c'est-à-dire des observations de la variation de flux de lumière envoyé par les satellites (c'est un peu comme lors d'une éclipse de Soleil : quand la Lune recouvre le Soleil, cela signifie que les positions apparents de la Lune et du Soleil sont les mêmes). Il est indispensable que toutes les observations réalisées soient rapportées à la même échelle de temps : le Temps Universel.
Ci-dessus, une succession de dessins effectués au cours d'une occultation mutuelle en 1973 à Meudon avec le télescpe de 1m (occultation d'Europe par Io le 28 juin 1973).
Ci-dessous, une image obtenue en optique nadaptative à gauche pendant une occultation mutuelle en 1997 à l'Observatoire de Haute-Provence avec le télescope de 1m 52 (occultation d'Europe par Ganymède en 1997). A droite, la même image après traitement numérique.
Ci-dessus, une courbe photométrique montrant la variation de lumière pendant l'occultation de Europe par Ganymède le 10 juin 1985 à l'ESO (photométre photoélectrique, télescope de 50cm).
Ces séries d'observation présentent non seulement un intérêt pour l'étude dynamique du système jovien puisque l'on détermine précisément la position relative des satellites à un instant donné, mais aussi pour l'étude des sols des satellites puisque la variation d'intensité de la lumière au cours d'un phénomène dépend de la nature des sols passant de l'ombre à la lumière.
L'un des résultats les plus spectaculaires est l'observation de l'activité des volcans de Io, invisible depuis la Terre, mais qui émettent un flux infrarouge important. Lors de l'occultation d'un volcan par un autre satellite, le flux disparaît montrant ainsi la position du volcan et son activité au moment de l'observation.
Pour voir la surface de Io et ses volcans, cliquez ici.
Ci-contre à gauche, la configuration des satellites : Europe, plus petit, passe devant Io en arrivant en haut à droite. Le volcan Loki est occulté rapidement.
Le modèle de variation de flux : le volcan Loki, occulté en premier, fait chuter le flux infra rouge reçu du satellite.
La variation de flux observée : la courbe est bruitée mais on constate bien la chute de flux due au volcan Loki : on mesure ainsi avec précision sa position et son activité.
Crédit : IMCCE
Il est à noter que les satellites de Saturne présentent les mêmes phénomènes que les satellites de Jupiter. Ces phénomènes sont cependant plus rares et beaucoup plus difficile à observer : les satellites sont bien moins brillants et l'anneau de Saturne est éblouissant si la Terre n'est pas dans son plan (ce qui n'arrive que tous les 30 ans). Ci-dessous une image de Saturne vue de la Terre lors de son passage dans le plan des anneaux en 1995. On distingue l'ombre de Titan ainsi que l'ombre de l'anneau (en sombre) sur le globe de Saturne.
accès aux prédictions des phénomènes des satellites de Jupiter pour les années en cours
Crédit : J.E. Arlot, IMCCE/observatoire de Paris/CNRS