Comprendre > Approfondir > Astéroides et comètes IV
1996-1997 Les grandes comètes C/1996 B2 (Hyakutake) et C/1995 O1 (Hale-Bopp). Leurs observations conduit à d'importants résultats. Entre autres, la découverte d'une vingtaine de nouvelles molécules cométaires et la première détection d'un émission de rayons X par des comètes.
Ce n'est pas notre propos de détailler ici les lois qui régissent les mouvements des planètes et des comètes (voir les pages sur la mécanique céleste). Rappelons cependant que l'excentricité caractérise la forme d'une orbite. Une excentricité nulle correspond à une orbite circulaire, une excentricité de 1, à une parabole. Entre 0 et 1, on a une orbite elliptique. Pour une excentricité supérieure à 1, on a une hyperbole.
Alors que les planètes et (pour leur majorité) les astéroïdes ont des orbites quasi circulaires (excentricité proche de 0), les comètes sont caractérisées par des orbites de fortes excentricités : ellipses allongées, paraboles, voire hyperboles. Planètes et astéroïdes ont leurs orbites pratiquement confinées dans un même plan, le plan de l'écliptique. Ce n'est pas le cas des comètes dont une grande partie ont leurs orbites inclinées à peu près au hasard par rapport au plan de l'écliptique.
L'édition 1996 du Catalogue des Orbites Cométaires recense 883 comètes. 185 ont des orbites elliptiques dont la période orbitale (le temps qu'elles mettent pour faire un tour autour du Soleil) est inférieure à 200 ans : elles sont appelées comètes à courte période et pour la plupart d'entre-elles, ont été observées à plusieurs de leurs retours. Pour les 698 autres, 347 ont des orbites paraboliques, ce qui signifie en fait qu'elles ont une orbite allongée, mais que la précision des observations n'est pas suffisante pour leur attribuer une excentricité différente de 1. 213 ont des orbites elliptiques avec des périodes orbitales supérieures à 200 ans : ce sont les comètes à longue période. Et 138 sont hyperboliques, ce qui veut dire qu'elles vont quitter notre Système solaire.
Les comètes à orbite hyperbolique ont des excentricités qui ne sont que faiblement supérieures à 1 (la comète la plus hyperbolique connue, la comète C/1980 E1 Bowell, avait une excentricité de 1,057). Dans tous les cas où des calculs précis ont été possibles, il s'est avéré que ces comètes étaient à l'origine des comètes elliptiques dont l'orbite a été modifiée par des perturbations. Ces perturbations peuvent être soit gravitationnelles (dues à l'influence des planètes géantes Jupiter ou Saturne), soit non-gravitationnelles (suite à l'effet fusée dû à l'éjection de gaz par leur noyau). Aucune de ces comètes ne semble donc avoir une origine extérieure à notre Système solaire. (Il n'est nullement exclu que de telles comètes extra-solaires puissent nous parvenir. Nous savons que notre Système solaire a éjecté un grand nombre de ses comètes. Réciproquement, nous pouvons être visités par les comètes d'autres systèmes solaires ; mais la probabilité semble faible.)
consultez ici la liste des comètes numérotées à courte période
consultez ici une liste d'une sélection de comètes célèbres à longue période
ou non périodiquesconsultez ici une liste alphabétique de comètes
consultez ici la liste des comètes s'approchant de la Terre
On pourra consulter également la page consacrée à la nomenclature des comètes.
Depuis plus de deux siècles, nous savons que les comètes sont, comme les planètes, des objets soumis au champ de gravitation solaire. Elles se déplacent sur des orbites très excentriques, qui les emmènent, dans certains cas, à de très grandes distances héliocentriques, au-delà de l'orbite des planètes géantes les plus lointaines. Notre connaissance de la nature physique des comètes est plus récente. C'est vers 1950 que l'américain Fred Whipple a émis l'hypothèse qu'il s'agissait de petits corps d'un diamètre de l'ordre de quelques kilomètres, constitués essentiellement de glace d'eau et de roches. Les observations récentes ont confirmé cette hypothèse.
Loin du Soleil, les comètes ne sont constituées que de leur noyau, ce qui les rend encore inaccessibles à l'observation, compte-tenu de la petite taille et du faible éclat de celui-ci. Lorsque la comète se rapproche du Soleil, la température de la surface du noyau s'élève et les glaces se subliment, entraînant l'éjection de gaz et de poussières. Ces poussières, diffusant la lumière solaire, émettent un rayonnement observable depuis la Terre. On voit apparaître une "chevelure", encore désignée par son nom latin "coma", qui s'étend au fur et à mesure que la comète se rapproche du Soleil. Si la comète est suffisamment "active" - c'est-à-dire si l'éjection de gaz et de poussières est suffisante - , on voit se dessiner deux queues, l'une large et incurvée, l'autre étroite et rectiligne. La première est due à des poussières qui diffusent la lumière solaire; la seconde est due à des gaz ionisés dont la fluorescence est excitée par le rayonnement solaire.
Tableau : Caractéristiques de quelques comètes typiques.
------------------------------------------------------------------------------ Comète taille du noyau production de gaz production de (diamètre équiv.) -------------------- poussiere km molécules/s kg/s kg/s ------------------------------------------------------------------------------ 46P/Wirtanen 1 1. x 1028 300 100 21P/Giacobini-Zinner 6 5. x 1028 1 500 400 1P/Halley 10 1. x 1030 30 000 20 000 C/1995 O1 (Hale-Bopp) 60 1. x 1031 300 000 600 000 ------------------------------------------------------------------------------
Ce tableau donne les caractéristiques de deux petites comètes à courte période, de la comète de Halley et de la comète géante Hale-Bopp : taille du noyau, taux de production de gaz et de poussière à environ 1 unité astronomique du Soleil.
L'activité de la comète est liée à deux facteurs : sa composition, avec en particulier sa teneur en éléments volatils ; sa distance au Soleil, la comète étant d'autant plus active qu'elle passe près du Soleil. Les possibilités d'observation des phénomènes liés à l'activité d'une comète dépendent encore d'un troisième facteur : sa distance à la Terre au moment de l'observation.
Nous avons mentionné que l'eau est, parmi les éléments volatils, le constituant majoritaire. Connaissant l'énergie nécessaire pour provoquer la sublimation de l'eau, ainsi que le rayonnement émis par le Soleil, il est possible de calculer à quelle distance distance héliocentrique la sublimation de l'eau est susceptible de se produire. Les calculs montrent que le dégazage est attendu à une température d'environ 200 K (soit -73 degrés Celcius), ce qui correspond à une distance héliocentrique de 2,5 unités astronomiques. Or, de nombreuses comètes se sont montrées actives à de plus grandes distances héliocentriques. Ceci implique la présence dans le noyau d'autres composés plus volatils; c'est le cas en particulier du monoxyde de carbone (CO) et du dioxyde de carbone (CO2). dont la présence a été mise en évidence sur la comète de Halley. Bien d'autres molécules ont été identifiées depuis (voir le paragraphe 5, Les Molécules des Comètes ).
Les constituants volatils sublimés sous l'action du rayonnement solaire, entraînant avec eux la poussière du noyau, forment la coma qui entoure le noyau. Mais les "molécules-mères" ainsi formées ont elles-mêmes une durée de vie relativement courte : sous l'action du rayonnement ultraviolet solaire, elles se dissocient en radicaux, en atomes et en ions. Les poussières vont former une traînée appelée "queue de poussières" tandis que les ions s'alignent dans la direction opposée au Soleil, le long de la "queue ionisée"; celle-ci peut s'étendre sur plusieurs millions de kilomètres.
C'est donc la diffusion du flux solaire visible par les particules cométaires qui est essentiellement responsable de l'aspect des comètes que nous connaissons; le noyau, quant à lui, est masqué par la forte luminosité de l'enveloppe de gaz et de poussières qu'il éjecte.
Les noyaux cométaires sont trop petits pour pouvoir être résolus par l'observation à distance : ils apparaissent comme un point sur les images. La seule exception à ce jour est le noyau de la comète de Halley qui a pu être imagé par les sondes spatiales VEGA et Giotto et celui de la comète Borrely observé par la sonde Deep Space 1 (voir ci-dessous). Lorsqu'une comète est active, le noyau est noyé dans la brillance intense du nuage de poussière qui l'entoure. Il est donc souvent nécessaire d'étudier les noyaux cométaires lorsqu'ils sont inactifs, donc très éloignés et malheureusement alors peu brillants.
Les tailles des noyaux cométaires, évaluées par photométrie ou par écho radar, s'étalent de 1 km de diamètre à 40 km pour les comètes géantes comme Hale-Bopp. Dans les rares cas où elle est connue, leur forme est irrégulière, allongée (ce qui est également le cas des petits astéroïdes).
Les noyaux cométaires sont très noirs : ils ne réfléchissent que 4% de la lumière qu'ils recoivents. Ce sont les objets les plus sombres du Système solaire. Ceci est peut-être dû à une couche de molécules organiques solides (comme du goudron) qui recouvrent les poussières cométaires.
Il est très difficile d'évaluer la masse des noyaux cométaires. Des évaluations précises seront ne possibles que lorsque des sondes spatiales auront pu être mises en orbite autour de noyaux cométaires. En attendant, des évaluations très indirectes ont été faites en se basant sur les perturbations des orbites cométaires induites par les jets de gaz issus du noyau (qui se comportent comme des fusées et exercent des forces non-gravitationnelles). Les densités correspondantes tombent dans une grande fourchette d'incertitude : de 0,25 à 1,2 g/cm3. Le matériel cométaire doit donc être très poreux, voire floconneux. Ce résultat trahit sans doute le mécanisme de formation des noyaux cométaires, par agglomération de petits grains.
Très peu denses, sans grande cohésion interne, les noyaux cométaires sont très fragiles. Ceci est attesté par la facilité avec laquelle ils peuvent se fractionner ou même éclater complètement (voir le paragraphe 7, la mort des Comètes).
Les noyaux cométaires tournent sur eux-mêmes. La période de rotation a pu être mesurée dans certains cas : soit en étudiant la courbe de lumière du noyau (la brillance du noyau varie périodiquement s'il est irrégulier) ; soit en étudiant les images des jets de poussière qui s'échappent d'un noyau en rotation à la manière d'un tourniquet. Les périodes de rotation observées vont de quelques heures à quelques jours. Parfois on observe un état de rotation est complexe : une combinaison de rotation et de précession, voire un mouvement chaotique.
Pour connaître la composition chimique des comètes, c'est-à-dire la nature des glaces et des roches qui composent le noyau, l'idéal serait d'envoyer une sonde automatique se poser à sa surface pour en effectuer l'analyse. C'est l'objectif de la mission spatiale ROSETTA qui doit atteindre la comète Wirtanen vers 2012. En attendant, nous sommes contraints d'observer à distance les produits relâchés par la sublimation des glaces cométaires.
Cette tâche est difficile. Les molécules volatiles directement issues du noyau (nommées molécules mères) sont difficilement observables, car leurs signatures spectrales (bandes de rotation et de vibration-rotation) apparaissent dans les domaines infrarouge et millimétrique, moins facilement observables que les ondes visibles. En revanche, les radicaux, atomes et ions produits par la photodissociation des molécules-mères (que l'on nomme molécules filles), présentent des signatures spectrales très intenses, liées à leurs transitions électroniques, dans le domaine visible; ces produits secondaires sont observés depuis les débuts de la spectroscopie il y a plus d'un siècle, et ont été identifiés depuis de nombreuses décennies (O, C, C2, C3, CH, CN, CS, CO+,CO2+, H2O+...).
Les produits secondaires observés sont nombreux, et les réactions de dissociation et d'ionisation sont multiples; dans la plupart des cas, l'observation des produits secondaires ne permet pas de déterminer sans ambiguïté la composition des molécules-mères dont ils sont issus. C'est pourquoi il est préférable d'observer directement les molécules-mères, dans les domaines infrarouge et millimétrique, la méthode ultime consistant bien évidemment à effectuer une observation in situ depuis une sonde spatiale. Voir le paragraphe 8, l'exploration spatiale des Comètes.
Mais les techniques spectroscopiques ont récemment fait des progrès spectaculaires dans des domaines exotiques de longueurs d'onde : en ultraviolet avec le satellite IUE (International Ultraviolet Explorer) et le télescope spatial Hubble; en infrarouge, soit du sol avec des télescopes et des détecteurs performants, soit de l'espace avec l'Observatoire spatial infrarouge (ISO); en radio avec des radiotélescopes et des radiointerféromètres qui couvrent maintenant les domaines millimétriques et submillimétriques (comme ceux de l'Institut de radioastronomie millimétrique IRAM). L'application de ces techniques modernes aux comètes exceptionnellement brillantes Hyakutake et Hale-Bopp ont permis de récolter une moisson de nouvelles molécules cométaires.
Les molécules cométaires que l'on observe provenant des glaces du noyau. ----------------------------------------------------------- molécule abondance technique relative d'observation ----------------------------------------------------------- eau H2O 100 IR, radio monoxyde de carbone CO 23 radio, IR, UV dioxyde de carbone CO2 6 IR méthane CH4 0.6 IR acétylène C2H2 0.1 IR éthane C2H6 0.3 IR méthanol CH3OH 2.4 radio, IR formaldéhyde H2CO 1.1 radio acide formique HCOOH 0.09 radio éthanal CH3CHO 0.02 radio formiate de méthyle HCOOCH3 0.08 radio ammoniac NH3 0.7 radio, IR cyanure d'hydrogène HCN 0.25 radio, IR isocyanure d'hydrogène HNC 0.04 radio cyanure de méthyle CH3CN 0.02 radio cyanoacétylène HC3N 0.02 radio acide isocyanique HNCO 0.1 radio formamide NH2CHO 0.015 radio sulfure d'hydrogène H2S 1.5 radio monoxyde de soufre SO 0.3 radio dioxyde de soufre SO2 0.2 radio oxysulfure de carbone OCS 0.4 radio, IR disulfure de carbone CS2 0.2 UV, radio thioformaldéhyde H2CS 0.02 radio disoufre S2 0.005 UV -----------------------------------------------------------
Les glaces cométaires sont donc essentiellement constituées d'eau, de monoxyde et de dioxyde de carbone, d'hydrocarbures comme le méthane, de molécules à base de C, H, O comme l'alcool méthylique et le formaldéhyde. Un certain nombre de molécules azotées et soufrées sont identifiées, mais avec des abondances bien moindre. Notre inventaire des molécules cométaires est certainement encore bien loin d'être complet, mais les molécules sont de plus en plus difficiles à mettre en évidence au fur et à mesure que leur complexité augmente et que leur abondance diminue.
Il est important de noter que les molécules les plus abondantes des glaces cométaires - l'eau, le monoxyde et le dioxyde de carbone, le méthanol, le formaldéhyde, l'ammoniac, le méthane - se trouvent également dans les glaces interstellaires.
Bien sûr, la composition des comètes nous renseigne sur leur origine (voir le paragraphe 6 sur l'origine des comètes).
C'est la spectroscopie infrarouge et (dans le cas de l'exploration spatiale de la comète de Halley) l'analyse directe par spectroscopie de masse qui nous ont permis de connaître la composition des grains et des poussières cométaires. Une grande fraction ce ces grains sont des silicates réfractaires (comme l'olivine), semblables à ceux qui constituent en grande partie l'écorce terrestre. Certains de ces silicates sont cristallins, d'autres sont amorphes (c'est à dire sous forme vitreuse).
Des silicates semblables sont observés dans les météorites et les poussières interstellaires, dont l'origine est surement liées aux comètes Mais on les retrouve également dans la poussière intestellaire et dans les disques de poussière entourant certaines étoiles.
Les sondes spatiales nous ont révélé qu'une fraction importante des grains cométaires étaient riches en atomes d'hydrogène, carbone, oxygène et azote (les grains "CHON"). Ces grains sont probablement recouverts d'un manteau de molécules organiques. Ces molécules, sans doute de masse moléculaire élevée, s'évaporent difficilement, ou bien se décomposent en molécules plus légères qui contribuent à l'atmosphère cométaire lorsque les grains sont chauffés par le Soleil.
Des grains glacés sont également entraînés. Près du Soleil, ils s'évaporent très vite, contribuant également à la formation de l'atmosphère gazeuse.
Le Système solaire se serait formé à la suite de la contraction d'un nuage interstellaire qui a formé un disque. Les comètes seraient alors des planétoïdes résultant de l'accrétion de poussières et de la condensation de gaz dans ce disque. Si ce scénario est communément retenu, de nombreuses variantes ont été proposées et bien des détails de son déroulement sont encore très incertains.
La présence de molécules très volatiles dans les noyaux cométaires, la similarité de leur composition avec la matière interstellaire suggèrent fortement que ces corps ont retenu sous une forme quasi intacte la matière présente dans la Nébuleuse solaire primitive. D'où l'intérêt de l'étude des comètes pour comprendre l'histoire de notre Système solaire.
Cependant, les comètes ont pu retenir des compositions différentes, et subir des histoires diverses, suivant leur lieu de formation dans le Système solaire.
Les comètes formées à l'intérieur de l'orbite de Neptune n'avaient pas des orbites stables. Perturbées par l'attraction gravitationnelle des planètes géantes, elles ont été soit éjectées à l'extérieur du Système solaire, dans l'espace interstellaire, soit rejetées sur des orbites plus éloignées. Elles ont alors formé le Nuage de Oort, du nom de l'astronome néerlandais Jan Oort (1900-1992) qui a formulé cette hypothèse vers 1950.
Le nuage de Oort serait sphérique et s'étendrait jusqu'à près de 100000 unités astronomiques du Soleil. Il pourrait contenir environ mille milliards de comètes. Des perturbations occasionnelles (par des étoiles proches du Soleil) peuvent à nouveau changer les orbites de ces comètes et les réinjecter vers le Soleil. Ce sont alors des comètes dynamiquement nouvelles. Elles sont caractérisées par une gamme étendue de périodes orbitales, et des orbites inclinées au hasard sur l'écliptique (le plan dans lequel tournent toutes les planètes). Les comètes P/Halley et Hale-Bopp sont de telles comètes. Le Nuage de Oort est donc un réservoir de comètes.
Les comètes formées au delà de l'orbite de Neptune sont restées sur des orbites relativement stables. Elles ont formé la Ceinture de Kuiper, ou Ceinture d'Edgeworth-Kuiper - des noms des astronomes irlandais Kenneth Edgeworth (1880-1972) et américain Gerard Kuiper (1905-1973).
Les orbites de telles comètes peuvent cependant évoluer : elles deviennent alors des comètes à courte période, gardant leur faible inclinaison sur le plan de l'écliptique. Les comètes dites de la famille de Jupiter, de faible inclinaison et de période inférieure à 20 ans, auraient ainsi évolué à partir de la Ceinture de Kuiper, qui constituerait ainsi notre deuxième réservoir de comètes.
Certains astéroïdes ont été découverts entre Jupiter et Neptune, sur des orbites à forte excentricité : ce sont les Centaures. Ils pourraient être des objets en migration provenant de la Ceinture de Kuiper. L'un d'entre-eux, (2060) Chiron, présente même une activité cométaire (il a été renommé comme la comète 95P/Chiron).
Longtemps simple hypothèse, la Ceinture de Kuiper est devenue une réalité en 1992 avec la découverte de l'objet trans-Neptunien 1992 QB1. Depuis, plusieurs centaines d'objets trans-Neptuniens ont été découverts. La planète Pluton ne serait que le plus gros représentant de cette classe d'objets.
Tous les corps du Système Solaire sont bombardés sans cesse par des astéroïdes des comètes et autres petits corps. La présence de cratères d'impact sur la Lune et d'autres planètes ou satellites en est la preuve. On estime que ce bombardement était bien plus intense autrefois. D'où l'hypothèse que les chutes de comètes sur Terre auraient pu contribuer à la composition actuelle de son atmosphère et de ses océans. En particulier, la glace des comètes aurait pu apporter l'eau des océans.
Un test puissant permettant de comprendre l'origine de l'eau cométaire et de la comparer à l'eau terrestre est la mesure de la proportion de deutérium dans l'eau. Le deutérium (D) est un isotope de l'hydogène : son atome contient un neutron en plus du proton unique de l'hydrogène normal. Hydrogène et deutérium ont les mêmes propriétés chimiques, mais des propriétés physiques différentes dues à leur différence de masse. Le deutérium ne représente que 1/30000 de l'hydrogène du milieu interstellaire ou de la Nébuleuse primitive pré-solaire.
Il a été possible d'observer HDO et de mesurer ainsi le rapport deutérium/hydrogène dans l'eau de quelques comètes. On trouve ainsi un enrichissement en deutérium d'un facteur 10 par rapport au milieu cosmique (où D/H = 1/30000) et à la Nébuleuse primitive qui a donné naissance au Système solaire. Cependant, la concentration en deutérium est deux fois plus élevée dans l'eau cométaire que dans l'eau terrestre. Ce qui suggère une autre origine pour l'eau terrestre. Peut-être à partir de météorites carbonées, qui auraient le bon rapport D/H.
Mais cette conclusion n'est peut-être pas définitive. Elle est basée sur l'étude du deutérium dans seulement trois comètes, toutes à longue période, provenant du nuage de Oort. On ignore encore tout de ce rapport pour les comètes à courte période, qui ont probablement été plus nombreuses à percuter la Terre, et qui ont suivi une histoire différente.
Les comètes ont-elles apporté la vie sur la Terre ? Parmi les molécules cométaires identifiées se trouvent des molécules prébiotiques comme HCN, HC3N, H2CO ou H2S. Des molécules organiques encore plus complexes sont probablement aussi présentes. L'apport de telles molécules sur la Terre primitive, à un moment où les collisions cométaires étaient fréquentes, a pu jouer un rôle majeur dans le développement de la vie sur la Terre. Une grande partie de ces molécules est probablement détruite lors de l'impact à grande vitesse des comètes sur la Terre. On sait, cependant, que les comètes explosent dans la haute atmosphère lors de cet impact. Des petits fragments se produisent, qui peuvent être ensuite efficacement freinés et atteindre la surface terrestre en conservant une partie de leur contenu moléculaire organique.
L'apport de matière organique extraterrestre est par ailleurs attesté par l'analyse des météorites. Certaines d'entre elles, les chondrites carbonées, contiennent, outre un matériau organique insoluble de nature mal définie (goudron), certaines molécules organiques parfaitement identifiables, dont des composés complexes incluant même des acides aminés (glycine, alanine, acide glutamique...). Ces molécules complexes ne sont présentes qu'en quantités infimes, et il faut toutes les ressources sophistiquées de la microanalyse chimique moderne pour les identifier. On voit ainsi ce que l'on peut espérer des retours sur Terre d'échantillons cométaires.
Tout ceci rappelle l'ancienne hypothèse de la panspermie selon laquelle la vie aurait pu être transportée sur Terre par des spores provenant de mondes extérieurs. Mais il y a une différence fondamentale : comètes et météorites ne nous auraient apporté que les briques à partir desquelles la vie aura pu se construire, et non pas la vie elle-même.
Une fois formées, les comètes évoluent et finissent parfois par disparaître comme on va le voir dans le paragraphe suivant.
Les comètes ne sont pas des astres immuables. Elles évoluent et peuvent disparaître de bien des manières.
Une comète peut perdre une couche de glace de plusieurs dizaines de centimètres à chacun de ses retours près du Soleil. Après de multiples retours, elle peut avoir complètement épuisé ses éléments volatiles et cesser toute activité : la comète est épuisée. Il est probable qu'un certain nombre de petits corps classifiés comme astéroïdes soient en fait des noyaux d'anciennes comètes, maintenant épuisées.
Les gros grains de poussière (les galets sont difficiles à entraîner par le gaz qui s'échappe des noyaux cométaires. Ils peuvent s'accumuler et former une croûte. Cette croûte isole et protège la glace sous-jacente du chauffage du Soleil. Si elle recouvre toute la surface, la comète devient est étouffée et devient inactive. Un chauffage plus intense (par rapprochement du Soleil ou changement d'orientation) peut cependant souffler et faire disparaître la croûte, et ainsi réveiller l'activité de la comète.
Une croûte peut se former ou disparaître au cours d'un seul passage près du Soleil. On a ainsi vu des objets, classifiés comme astéroïdes, se réveiller et révéler une activité cométaire.
Il semble que les surfaces de la plupart des noyaux cométaires sont partagés entre zones actives où la glace est exposée et zones inactives recouverts d'une croûte protectrice. Cette distinction est bien visible sur les images de la comète de Halley obtenues lors de son exploration spatiale.
La sublimation de la glace entraîne les petits grains de poussières, mais les plus gros restent à la surface et s'accumulent pour former une croûte protectrice.
Les noyaux cométaires sont très fragiles et un rien semble pouvoir les briser. Ainsi, on a souvent observé l'éclatement de comètes qui passent près d'une grosse planète (comme Jupiter) ou près du Soleil (comme les sungrazers, ces très petites comètes qui rasent le Soleil et ne nous sont souvent révélées que par des observations coronographiques ou à l'occasion d'une éclipse de Soleil). Leur noyau est alors soumis à des tensions internes suite aux effets de marées qu'il subit. Elles peuvent aussi tomber sur le Soleil et disparaître ainsi.
D'autres comètes éclatent sans raison apparente, parfois loin du Soleil. Il semble que la production de gaz due à leur activité suffise à les fragiliser et à les briser.
Souvent, les fragments ainsi produits s'épuisent rapidement, ou se fragmentent à nouveau. La comète disparaît alors complètement.
Le noyau de la comète C/1999 S4 (LINEAR) a éclaté en de multiples fragments lors de son passage au périhélie en juillet 2000, chacun se comportant comme une mini-comète et s'entourant de sa propre queue. La comète a complètement disparu les semaines suivantes.
Les collisions entre petits corps et planètes, rarissimes à l'échelle humaine, ne le sont pas du tout à l'échelle de temps du Système solaire et jouent un rôle important dans l'évolution dans l'évolution des comètes, des astéroïdes et des planètes.
L'un de ces événements a pu être observé
récemment : la chute de la comète
Shoemaker-Levy 9 sur Jupiter en juillet 1994.
La sonde SOHO a aussi observé
des chutes sur le Soleil.
Les comètes qui passent au voisinage d'une grosse planète (particulièrement de Jupiter) voient leur orbite perturbée par l'influence gravitationnelle de cette planète. D'elliptique, l'orbite peut devenir hyperbolique. La comète quitte alors le Système solaire.
De nombreuses comètes ont ainsi été perdues juste après leur formation. Mais ce phénomène joue toujours, et une certaine proportion de comètes sont observées sur des orbites hyperboliques
Comme tout ce qui relève des techniques spatiales, l'exploration spatiale des comètes est soumise à des aléas certains (qui ne sont pas tous d'ordre technique).
La navigation interplanétaire est une affaire complexe et coûteuse en énergie. Il est relativement aisé de survoler une comète, avec une vitesse relative souvent importante. La partie intéressante de l'exploration est alors limitée à un court instant. Mais c'est une toute autre affaire de naviguer de conserve avec une comète ou de se mettre en orbite autour de son noyau. Ce n'est actuellement envisageable que pour des comètes à courte période, dont l'orbite est de faible excentricité et se trouve dans le plan de l'écliptique (les comètes dites de la famille de Jupiter).
Comme les sondes planétaires, les sondes cométaires utilisent souvent le technique du rebondissement gravitationnel qui consiste à frôler une planète (la Terre, Mars ou Venus) pour modifier l'orbite de la sonde et la rediriger sur la trajectoire adéquate. Ceci évite d'utiliser un moteur fusée de bord et permet de réaliser un gain de masse important. Une autre technique, en cours de test, est l'emploi d'un moteur à propulsion ionique, comme avec la sonde Deep Space 1.
Le moteur à propulsion ionique est une fusée qui fonctionne avec du gaz (embarqué sur la sonde) qui est ionisé, puis accéléré à très grande vitesse par un champ électrique (dont l'énergie est fournie par les panneaux solaires de la sonde). La poussée est faible, mais ce moteur peut fonctionner pendant des mois, et la masse embarquée est minime.
Les missions cométaires actuelles les plus sophistiquées comportent l'envoi d'un atterrisseur sur le noyau (Rosetta), ou la capture au vol de particules de poussières dans la queue et leur retour sur Terre pour analyse (Stardust). Le stade suivant sera de prélever des échantillons du noyau lui même et de les rapporter sur Terre. C'est un véritable défi si l'on veut conserver intactes les glaces cométaires.
La sonde ICE (International Comet Explorer) était initialement destinée (sous le nom de ISEE 3) à l'exploration du vent solaire et de son interaction avec le vent solaire. Elle a enduite été redirigée vers la comète 21P/Giacobini-Zinner dont elle a exploré la queue de plasma en septembre 1985.
Les sondes soviétiques VEGA 1 et VEGA 2, avec une instrumentation partiellement européenne, ont survolé la comète de Halley respectivement à 8900 et 8000 km de distance, les 6 et 9 mars 1986
La sonde Giotto, de l'Agence spatiale européenne, est passée à 600 km du noyau de la comète de Halley le 14 mars 1986.
Partiellement endommagée lors de son survol de la comète de Halley elle a été redirigée vers la petite comète 26P/Grigg-Skjellerup qu'elle a survolée en juillet 1992.
Les sondes VEGA et Giotto ont survolé la comète de Halley avec une vitesse relative proche de 70 km/s. Le temps utile d'observation a donc été très court. Elles ont cependant pu obtenir des images du noyau, déterminant ses dimensions, ses zones actives et inactives. Elles ont analysé le gaz et la poussière, soit à distance avec des spectromètres ultraviolet, visible et infrarouge, soit directement à l'aide de spectromètres de masse. Elles ont déterminé la distribution de masse des particules de poussière. Elle ont étudié le plasma et le champ magnétique dans l'environnement de la comète, et l'interaction avec le vent solaire.
Les petites sondes japonaise Sakigake et Suisei ont également exploré la comète de Halley en mars 1986, mais à plus grande distance.
La sonde Deep Space 1 a été lancée par la NASA en octobre 1998. Son but principal est de tester des technologies nouvelles comme le moteur à propulsion ionique. Elle a déjà survolé l'astéroïde (9969) Braille en juillet 1999, ainsi que la comète 19P/Borrelly en septembre 2001 (voir ci-dessus).
Lancée en février 1999, Stardust est une mission de la NASA qui doit survoler la comète 81P/Wild 2 en mars 2004. Elle traversera son atmosphère à environ 150 km du noyau avec une vitesse relative de 6 km/s, en collectant des particules de poussière qu'elle devrait ensuite rapporter sur Terre.
La mission Rosetta, de l'Agence spatiale européenne, doit être lancée en janvier 2003 vers la comète 22P/Wirtanen, qu'elle atteindra en 2011 après avoir survolé deux astéroïdes au cours de son voyage. Elle doit se mettre en orbite autour du noyau et accompagner la comète jusqu'à son périhélie en juillet 2013. Elle cartographiera en détail le noyau. Elle observera l'environnement cométaire dans toutes les gammes du spectre électromagnétique (radio, infrarouge, visible, UV). Elle surveillera l'évolution de l'activité cométaire au fur et à mesure de l'approche du Soleil. Elle analysera les grains de poussière qu'elle interceptera et le gaz environnant. Un atterrisseur (ROLAND, pour Rosetta Lander) tentera de se poser sur le noyau de la comète pour y effectuer des mesures physiques et chimiques à la surface et à une profondeur de quelques dizaines de centimètres.
La mission Deep Impact, de la NASA, lancée en janvier 2005 vers la comète Hartley 2 qu'elle a survolé en novembre 2010. Un boulet de 500 kg s'est détaché de la sonde pour percuter le noyau et y creuser un cratère. La sonde a observé à distance la création du cratère et la matière fraîche du noyau qui sera mise à nu. C'est une expérience active sur un noyau cométaire.
La mission CRAF (Comet Rendezvous and Asteroid Flyby, qui préfigurait certains des aspects de Rosetta, a été abandonnée par la NASA en 1992.
La mission ST4/Champollion, qui devait explorer la comète 9P/Tempel 1 avec un atterrisseur similaire à celui de Rosetta, a été annulée par la NASA en 1999.
Mise à jour : décembre 2019.
Bibliographie : "Les Comètes", J. Crovisier & T. Encrenaz, 1995, Belin - CNRS éditions.
Un lien sur un site dédié aux comètes à l'université Paris XII : http : //www.lisa.univ-paris12.fr/GPCOS/Hc/H212.html
Crédit : J. Crovisier, T. Encrenaz/observatoire de Paris