Comprendre > Histoire > Passage de Vénus
La prévision des passages de Mercure et de Vénus devant le Soleil nécessite une bonne connaissance des mouvements orbitaux des planètes intérieures. Elle fut possible à partir du début du XVIIème siècle grâce aux travaux de Johannes Kepler (1571-1630) et à la publication en 1627 des Tables Rudolphines nommées ainsi par Kepler en hommage à son ancien protecteur, l'empereur d'Allemagne Rodolphe II de Habsbourg (1572-1612). Kepler prédit le passage de Mercure du 7 novembre 1631 et le passage de Vénus du 7 décembre 1631 qu'il ne put pas observer. Il trouva également une période approximative de récurrence de 120 ans pour l'observation des passages de Vénus. Le passage de Mercure du 7 novembre 1631 fut observé à Paris par l'astronome Pierre Gassendi (1592-1655) : "Le rusé Mercure voulait passer sans être aperçu, il était entré plutôt qu'on ne s'y attendait, mais il n'a pu s'échapper sans être découvert, je l'ai trouvé et je l'ai vu ; ce qui n'était arrivé à personne avant moi, le 7 novembre 1631, le matin". Ce passage fut également observé par trois autres personnes Remus Quietanus à Rouffach (Haut Rhin), le père Cysatus à Innsbrush (Tyrol) et un jésuite anonyme à Ingolstadt (Bavière). Le passage de Vénus ne fut pas observé car suite à une erreur dans les Tables Rudolphines, le passage devait se produire en Europe dans la nuit du 6 au 7 décembre 1631. En réalité la fin du passage fut visible depuis l'Europe centrale.
Le pasteur anglais Jeremiah Horroks (1619-1641) prédit le passage suivant de Vénus pour le dimanche 4 décembre 1639 à 3h p.m. (24 novembre 1639 du calendrier julien); prédiction en contradiction avec la période de 120 ans trouvée par Kepler. Il observa ce passage depuis son village de Hoole (près de Preston) en projetant l'image du Soleil sur un papier gradué et réalisa ainsi la première mesure d'un passage de Vénus devant le Soleil. En réalité, il ne put observer le début du phénomène, ayant interrompu son observation pour vaquer à ses obligations religieuses. À l'aide de cette observation, Horrock calcula la position du noeud de l'orbite de Vénus, il estima que le diamètre apparent de Vénus ne devait pas être supérieur à la minute d'arc et que la valeur de la parallaxe solaire ne devait excéder 14", ce qui correspond à une distance Soleil-Terre d'environ 14700 rayons terrestres. Son Venus in sole visa, dans lequel il décrit son observation sera publié par Hevelius en 1662. D'autres parties de son travail sur Vénus seront éditées par John Wallis en 1672.
La dernière loi de Kepler permet de connaître la taille du système solaire à un facteur d'échelle près. La connaissance d'une seule distance entre planètes ou entre une planète et le Soleil suffit pour calculer toutes les autres. La parallaxe solaire est l'angle sous lequel on voit le rayon de la Terre depuis le Soleil, la connaissance de la parallaxe est donc équivalente à la connaissance de la distance Terre-Soleil. Les mesures et calculs effectués depuis l'Antiquité sous-estimaient grandement la valeur réelle de cette distance. Le tableau suivant donne les différentes valeurs connues :
Auteurs | Valeur de la distance Terre-Soleil | Valeur de la parallaxe |
---|---|---|
Anaximande | ~54 rayons terrestre | ~1.06° |
Eudoxe | 9 fois la distance Terre-Lune | - |
Aristarque de Samos | 18 à 20 fois la distance Terre-Lune
soit environ 360 rayons terrestre |
9.549' |
Hipparque | 2490 rayons terrestres | 1.381' |
Posidonius | 13090 rayons terrestres | 15.757" |
Ptolémée | 1210 rayons terrestres | 2.841' |
Copernic | 1500 rayons terrestres | 2.292' |
Kepler | - | inférieure à 1' |
J. D. Cassini | - | 9.5" |
Flamsteed | - | 10" |
Picard | - | 20" |
Les trois dernières valeurs ont été calculées à l'aide des mesures de la parallaxe de Mars lors de son opposition.
En 1677, sur l'île de Sainte-Hélène, Edmond Halley (1656-1742) observa le passage de Mercure qui eut lieu le 7 novembre. Il imagina alors une méthode pour déterminer la parallaxe solaire, donc la distance Soleil-Terre, en comparant les temps de passage de Vénus mesurés depuis plusieurs lieux situés à des latitudes différentes. La différence des temps de passages observés donne accès à la parallaxe de Vénus, puis à la parallaxe du Soleil. Il exclut les passages de Mercure, car la parallaxe de Mercure est plus faible et ses passages sont plus difficiles à observer. Les passages suivants de Vénus devant se produire en 1761 et 1769, Halley laissa à ses successeurs le soin de réaliser les observations. Ses prédictions et recommandations furent publiées dans les Philosophical transactions of the Royal Society en 1691, 1694 et 1716. La méthode de Halley consistait à mesurer le temps écoulé entre le premier et le dernier contacts intérieurs de l'astre avec le disque solaire en au moins deux lieux ayant le plus grand écart possible en latitude. Pour cela on devait se rendre sur les lieux d'observations souvent très éloignés et l'on devait effectuer en ces lieux des observations préliminaires de manière à déterminer avec précision leurs coordonnées géographiques, la latitude pour en déduire la parallaxe de la planète et la longitude de manière à synchroniser les observations. Par cette méthode Halley espérait déterminer la parallaxe solaire à 1/500 près si l'observation des contacts était faite à deux secondes de temps près. L'astronome français Joseph-Nicolas Delisle (1688-1768) proposa, dès 1722, une autre méthode portant sur l'observation d'une phase unique du passage (premier ou dernier contact intérieur), cette méthode permettait d'augmenter la liste des lieux d'observations possibles en y ajoutant tous les lieux où une seule phase est visible. Mais elle demandait une très bonne connaissance des longitudes des lieux d'observations, chose difficile à obtenir en ce milieu du XVIIIe siècle.
L'idée de Halley d'exclure les passages de Mercure pour déterminer la parallaxe solaire ne fit pas l'unanimité parmi les astronomes de l'époque, ainsi William Whiston édita la liste de tous les passages de Mercure et de Vénus sur une période de deux siècles et estima que l'on avait de meilleures chances d'obtenir la parallaxe solaire à l'aide des passages de Mercure qu'à l'aide des passages de Vénus, chose qu'il justifia en faisant remarquer que l'on connaissait mieux l'orbite de Mercure et que le passage de Mercure en 1753 serait plus central que le passage de Vénus en 1761.
Le tableau suivant nous donne la liste et les caractéristiques des passages de Mercure ayant eu lieu entre l'an 1720 et l'an 1761.
--------------------------------------------------------------------------------- Date Instant type distance durée S46 n° S171 n° S217 n° (UT) --------------------------------------------------------------------------------- 09/11/1723 16h58h35s NC 05'46.46" 05h08m15s 45 13 55* 8 24* 22 11/11/1736 10h29h44s NC 13'58.91" 02h47m40s 43 18 64* 2 25* 22 02/05/1740 23h01h57s NC 14'41.82" 03h04m57s 50 1 54 9 26* 22 05/11/1743 10h29h46s NC 08'58.26" 04h36m24s 49 5 40 18 27* 22 06/05/1753 06h12h50s NC 02'11.49" 07h56m24s 48 6 61 4 28* 22 07/11/1756 04h10h32s NC 00'38.45" 05h30m42s 47 10 48* 12 29* 22 --------------------------------------------------------------------------------
Delisle observa le passage de 1723, mais ne put en déduire une valeur de la parallaxe solaire. En 1724 il se rendit à Londres où il rencontra Halley, il revint en France avec les tables astronomiques des mouvements du Soleil, de la Lune et des planètes, ces tables, construites par Halley, ne seront publiées, après corrections, qu'en 1749 (7 ans après la mort de Halley). En 1725, Delisle partit en Russie pour une période de quatre ans, il y resta en réalité 22 ans et ne rentra en France qu'en 1747.
Le passage de Mercure de 1743 fut également observé, mais ne donna pas de résultats satisfaisants, ainsi comme le signale Nicolas Louis de La Caille peu de temps avant de partir pour l'Afrique du Sud : "Or en 1743, le Ciel étant fort serein, ... des Astronomes des plus habiles qui observèrent avec d'excellents Télescopes le contact intérieur de Mercure & du Soleil, diffèrent beaucoup entre eux ; & la différence alla à plus de 40 secondes de tems". On est bien loin des deux secondes de précision escomptées par Halley.
Le passage de Mercure de 1753, pour lequel Mercure passa à moins de deux minutes du centre du Soleil, fut une répétition grandeur nature du futur passage de Vénus. Ce passage relativement long, presque 8 heures, devait permettre une mesure plus précise. À l'automne 1752 Delisle envisagea des observations depuis le Québec, l'île de Saint Domingue et Cayenne à l'ouest et aux Indes orientales à Pondichéry, Chandernagor, Macao et Pékin à l'est. Les prédictions et la mappemonde représentant la projection géographique du passage furent largement diffusées auprès des astronomes de tous pays. Malgré l'observation du passage par des observateurs confirmés les résultats furent de nouveau décevants et Le Gentil conclut, fin 1753, qu'en raison de la vitesse de la planète, il était impossible de mesurer l'instant des contacts avec une précision inférieure à 2 secondes de temps. Néanmoins l'observation du passage permit de confirmer les écarts importants qui existaient entre les meilleurs tables planétaires de l'époque. Ainsi le calcul du passage avec les tables de De la Hire donnait un dernier contact 8 heures plus tôt que le calcul fait avec les tables de Halley! Le calcul fait avec les tables de Delisle donnait ce même contact 17 minutes plus tard.
Sur le dessin suivant, nous avons repris un dessin publié par Delisle donnant les différents trajets possibles de Mercure en fonction des théories utilisées, nous avons ajouté, en vert, le tracé du passage du Mercure calculé à l'aide des théories actuelles.
Ces écarts incitèrent Le Gentil à améliorer les tables de Vénus avant le passage de 1761.
Pour ce premier passage, l'ensemble de la communauté astronomique se mobilisa. Aux difficultés liées aux voyages, vint s'ajouter la guerre de sept ans, conflit quasi-mondial qui embrasa non seulement l'Europe mais aussi les mers et les colonies.
La mobilisation des astronomes pour l'observation de ce passage fut faite par l'astronome français Joseph-Nicolas Delisle (1688-1768) qui envoya à plus d'une centaine de correspondants de par le monde sa mappemonde du passage de 1761.
L'Académie Royale des sciences organisa à cette occasion trois campagnes d'observation. Deux de ces voyages eurent lieu dans des pays alliés de la France, celui de César-François Cassini de Thury (1714-1784) à Vienne qui observa le passage en compagnie de l'archiduc Joseph et celui de l'Abbé Jean-Baptiste Chappe d'Auteroche (1728-1769) à Tobolsk en Sibérie sur invitation de l'impératrice Elisabeth I. Le troisième fut celui d'Alexandre Guy Pingré qui se rendit dans l'île Rodrigues (au nord de Madagascar), desservie par la compagnie des Indes. Un quatrième astronome, Guillaume Joseph Hyacinthe Jean-Baptiste Le Gentil de La Galaisière (1725-1792), prit la mer dans le but d'observer le passage de Vénus aux Indes à Pondichéry ; malheureusement son voyage fut interrompu, la ville de Pondichéry étant tombée aux mains des anglais, son navire fit demi-tour et rallia l'île de France (île Maurice) où Le Gentil décida de rester en attendant le passage suivant. Enfin l'astronome Joseph-Jérôme Lefrançois de Lalande (1732-1807) se rendit au Luxembourg.
Les astronomes anglais organisèrent également deux campagnes lointaines pour l'observation du phénomène. Nevil Maskelyne (1732-1811) se rendit à Sainte-Hélène où il ne put observer le passage à cause du mauvais temps et un second groupe formé de Charles Mason (1728-1786), de James Bradley et de Jeremiah Dixon (1733-1779) devait observer le passage depuis Bencoolen (Sumatra). En réalité, ils observèrent le passage de Vénus près du Cap, ayant eux aussi fait demi-tour, Bencoolen étant tombé aux mains des français! John Winthrop, professeur à Harvard se rendit à St-John (Terre-Neuve) où "entouré de milliards d'insectes décidés à saboter sa besogne" il réussit à observer le dernier contact du passage.
D'autres pays participèrent à cette campagne, ainsi l'allemand Maximilien Hell l'observa depuis Vienne, le suédois Peer Wargentin l'observa à Stockholm, le danois Peter Wargentin à Copenhague, l'italien Eustacio Zanotti à Bologne, le portugais De Almeida à Porto, les hollandais Johan Lulofs à Leiden, Jan de Munck à Middelburg, Dirk Klinkenberg à la Hague et enfin Johan Maurits Mohr à Batavia (Jakarta). Le nombre total d'observateurs professionnels du passage fut de 120, répartis sur 62 sites (S. Newcomb, 1959). Il convient de remarquer qu'une partie des lieux d'observations (Bencoolen, Pondichéry, Batavia) avait déjà été sélectionnée par Halley dès 1716.
Les résultats furent assez décevants, les valeurs trouvées pour la parallaxe solaire varièrent de 8.5" à 10.5" en fonction des auteurs qui firent les réductions des observations. Cette grande marge d'erreur est due à deux causes principales, une mauvaise connaissance des longitudes des lieux d'observation et le phénomène dit de la goutte noire qui faussa la détermination des instants du premier et du dernier contact intérieur.
Durant les premières observations des passages de Mercure devant le Soleil, on vit un point brillant au centre du disque noir de la planète. Ce point brillant fut interprété par certains comme un volcan en éruption et comme une illusion d'optique par d'autres. Il s'agit en réalité d'une figure de diffraction dont la théorie peut être complètement effectuée et le phénomène reproduit en laboratoire. Ce phénomène apparaissait lorsque l'on réduisait l'ouverture des instruments avec un diaphragme et le phénomène disparaissait lorsqu'on observait à pleine ouverture. Le phénomène dit de la goutte noire, qui perturbait les observations des contacts intérieurs des passages de Vénus était également observable dans le cas des passages de Mercure. Ce phénomène est également dû à la diffraction et peut être reproduit et photographié en laboratoire: "Lorsque la planète entre sur le disque du soleil, la diffraction arrondit les deux pointes brillantes qui se referment derrière lui, et qui sont en réalité bien effilées. Lorsqu'elles sont sur le point de se rejoindre, Mercure semble attaché au bord solaire par une sorte de pédoncule, comme une goutte qui va se détacher d'un orifice étroit... Pour bien l'observer, il est nécessaire d'employer un grossissement nettement supérieur au grossissement résolvant, calculé pour l'ouverture libre de la lunette. Si cette ouverture est de 10 centimètres, par exemple, un grossissement d'au moins 150 fois est nécessaire. Comme le prétendu volcan de Mercure, la goutte noire peut être aisément reproduite au laboratoire et photographiée." (A. Couderc et A. Danjon, 1979)
L'expérience acquise lors de l'observation du passage de 1761 va servir à améliorer les méthodes d'observations pour le passage de 1769, passage plus favorable car plus central. Lalande organisa les observations des astronomes français. L'étude des lieux propices à l'observations fut faite par Pingré. Le Gentil resté à Madagascar, se rendit d'abord à Manille, puis à Pondichéry où un nuage fatal le priva de l'observation: "C'est là, le sort qui attend souvent les Astronomes. J'avois fait près de dix mille lieues; il sembloit que je n'avois parcouru un si grand espace de mers, en m'exilant de ma patrie que pour être spectateur d'un nuage fatal, qui vint se présenter devant le Soleil au moment précis de mon observation, pour m'enlever le fruit de mes peines & de mes fatigues". Chappe accompagné de l'ingénieur géographe Pauly, du dessinateur Noël et de l'horloger Dubois ainsi que de deux astronomes espagnols Vicente de Doz et Salvador de Medina se rendit en basse Californie sur la côte ouest du Mexique, près du Cap Lucas dans une mission espagnole portant aujourd'hui le nom de San José del Cabo. L'observation du passage par Chappe et ses collaborateurs fut un succès, ils restèrent sur place pour observer l'éclipse de Lune du 18 juin 1769 afin de déterminer avec précision la longitude de leur lieu d'observation et succombèrent à une épidémie de typhus qui décima les trois quarts de la population. Seul Pauly survécut à l'épidémie. La troisième expédition française fut une expédition maritime dont le but n'était pas uniquement l'observation du passage de Vénus mais de tester les horloges marines inventées par Berthoud. Pingré et le Comte de Fleurieu, commandant de l'expédition observèrent le passage de Vénus depuis le Cap François à Saint-Domingue.
En Angleterre l'observation du passage de 1769 fut activement préparée. Dès 1763, James Ferguson décrivit le futur passage dans les Philosophical Transactions et deux ans plus tard, Thomas Hornsby publia un mémoire important sur l'opportunité d'observer le prochain passage "In this uncertainty, the astronomers of the present age are peculiarly fortunate in being able so soon to have recourse to another transit of Venus in 1769, when, on account of that planet's north latitude, a difference in the total duration may conveniently be observed, greater than could possibly be obtained, or was even expected by Dr. Halley from the last transit". En novembre 1767, un comité spécial fut créé pour préparer l'observation du passage de 1769. Ce comité décida d'envoyer trois équipes d'observateurs. Une première équipe d'observateurs, formée de Dymond et Wales, se rendit à Fort Churchill dans la Baie d'Hudson. Une seconde équipe, formée par le père Maximilen Hell, assisté par l'astronome danois C. Horrebow et par un jeune botaniste Borgrewing, devait se rendre à Vardö, une petite île au nord de la péninsule scandinave et une dernière équipe devait se rendre dans les îles des mers du sud comme l'avait suggéré Thomas Hornsby. Cette dernière expédition, servit également à explorer les mers du Sud et fut confiée à un jeune lieutenant inconnu, James Cook, l'observation du passage de Vénus devant être faite à Tahiti, îles découvertes deux ans plus tôt par Samuel Wallis. L'observation à Tahiti fut faite par Charles Green et James Cook. A ces trois équipes il convient d'ajouter Bayley et Dixon. Bayley observa le passage au Cap Nord et J. Dixon l'observa sur l'île norvégienne d'Hammerfest. À ces observations, il convient aussi d'ajouter celles réalisées (environ 90) dans les colonies britanniques américaines sous l'impulsion de J. Winthrop, auteur de la seule observation américaine en 1761.
L'Académie impériale de Russie sous l'impulsion de la tzarine Catherine II invita également de nombreux astronomes étrangers à venir observer le passage de Vénus. Ce fut le cas du jésuite allemand C. Mayer, des astronomes suisses Mallet et Pictet et du suédois J. Lexell. L. Euler fit également le voyage. La Russie envoya ces observateurs sur de nombreux sites répartis sur son vaste territoire (Yakutsk, Orks et Orenbourg dans le sud de l'Oural, la péninsule de Kola et St Petersbourg).
De la troisième place pour le nombre d'observations effectuées lors du premier passage de Vénus, les anglais vont passer à la première place avec 69 observations sur des sites distincts, ils sont suivis par la France avec 34 observations seulement, ce qui marque le futur déclin de l'hégémonie scientifique de la France en Europe. Finalement le passage de 1769 se solda par 151 observations professionnelles, réparties sur 77 sites. Malgré les moyens d'observations mis en oeuvre, 27 lunettes achromatiques (il n'y en avait que trois pour l'observation du passage de 1761), les observations ne permirent pas de donner une valeur définitive à la parallaxe solaire. De plus il faut signaler que cette campagne d'observation avait fait de nombreuses de victimes dans l'équipe de l'expédition de Chappe au Mexique, mais également lors du voyage de Cook.
Le tableau suivant fournit les différentes valeurs attribuées à la parallaxe solaire à la suite de ces observations.
Auteur(s) | Valeurs |
---|---|
William Smith | 8,6045" (1770) |
Thomas Hornsby | 8,78" (1770) |
Pingré et Lalande | 9,2" et 8,88" (1770) |
Pingré | 8,80 (1772) |
Lalande | entre 8,55" et 8,63" (1771) |
Planmann | 8,43 (1772) |
Hell | 8,70" (1773/1774) |
Lexell | 8.68" (1771) et 8,63" (1772) |
On peut conclure que la parallaxe est comprise entre 8,43" et 8,80", ce qui représente une nette amélioration par rapport aux valeurs obtenues après le premier passage qui donnaient une parallaxe comprise entre 8,28 et 10,60".
La réduction des observations des passages de 1761 et 1769 fut reprise par la suite par J.F. Encke en 1824 et par S. Newcomb en 1890.
En un siècle, les progrès techniques furent importants, notamment avec l'apport de l'enregistrement photographique. L'observation du passage de 1874 fut possible des terres australes, de la Chine (Pékin), du Japon (Nagasaki) et du nord est asiatique.
Les anglais sous la direction de l'astronome royal Sir George Airy organisèrent cinq expéditions réparties sur huit stations d'observations : une en égypte à Alexandrie, une à l'île Rodrigues (devenue anglaise), une en Nouvelle Zélande à Christchurch, deux aux îles Kerguelen à Port Christmas au site de la Baie de l'Observatoire et à Port Palliser et trois aux îles Sandwich (actuellement archipel d'Hawaii) à Honolulu, à Owhyhee et à Atoui. À ces expéditions il convient d'ajouter l'expédition privée de Lord Lindsay à l'île Maurice.
En Russie le phénomène fut visible et observé depuis 24 stations réparties sur une grande partie du territoire allant de la mer du Japon jusqu'à la mer Noire.
Les français, organisèrent six expéditions : trois dans l'hémisphère boréal, comportant une expédition en Chine à Pékin dirigée par Fleuriais, une expédition au Japon confiée aux astronomes J. Janssen et F. Tisserand, une expédition en Indochine à Saïgon dirigée par Héraud et trois dans l'hémisphère austral, comportant une expédition à l'île Campbell confiée à Bouquet de la Grye, une expédition à l'île Saint-Paul confiée au commandant Mouchez et enfin une en Nouvelle Calédonie à Nouméa confiée à André. A cette occasion, Janssen avait inventé une sorte de "révolver photographique" avec lequel il a pris 48 clichés du passage de Vénus sur une plaque daguerréotype circulaire.
Il convient de signaler trois autres expéditions deux allemandes, une à l'île Maurice et l'autre au Kerguelen (l'Anse Betsy) et une expédition américaine au Kerguelen.
Le passage de 1882 sera également l'occasion de nombreuses expéditions. Le passage fut visible depuis l'Amérique du Sud.
Les français organisèrent dix missions : une mission à l'île d'Haïti (Callandreau), une au Mexique (Bouquet de la Grye), une à la Martinique (Tisserand, Bigourdan, Puiseux), une en Floride (Colonel Perrier), une à Santa-Cruz de Patagonie (Capitaine de Frégate Fleuriais), une au Chili (Lieutenant de vaisseau de Bernardières), une à Chubut (Hatt), une au Rio-Negro (Perrotin, le directeur de l'observatoire de Nice), une au Cap Horn (Lieutenant de vaisseau Courcelle-Seneuil) et enfin une à Bragado (Lieutenant de vaisseau Perrin).
Le Naval Observatory envoya huit expéditions à travers le monde pour observer le passage.
Ces expéditions, de nouveau, ne se limitèrent pas à l'étude du passage de Vénus. Ainsi aux îles Sandwich, en 1882, les allemands s'installèrent à Royal Bay dans le cadre de la première année géophysique internationale. Une station similaire fut installée par des français dans la baie Orange près du Cap Horn. Le même jour, ces deux stations enregistrèrent des oscillations étranges de la marée. Ils surent plus tard que c'était une onde de choc provoquée par l'explosion du volcan Krakatoa en Indonésie!
Le tableau suivant donne un récapitulatif des différentes déterminations de la parallaxe du Soleil depuis le milieu du XVIIIe siècle.
Méthode / auteur | Parallaxe |
---|---|
Passage de 1761 et 1769 | 8,43" et 8,80" |
Passage de 1761 et 1769, Encke 1824 | 8,5776" |
Passage de 1761 et 1769, 1835 | 8,571 +/- 0,037" |
Parallaxe de Mars, Hall, 1862 | 8,841" |
Parallaxe de l'astéroïde Flora, Galle, 1875 | 8,873" |
Parallaxe de Mars, Gill, 1881 | 8,78" |
Passage de 1874 et 1882, Newcomb, 1890 | 8,79" |
Parallaxe de l'astéroïde Eros, Hinks, 1900 | 8,806" |
Parallaxe de l'astéroïde Eros, 1941 | 8,790" |
Mesure Radar, NASA, 1990 | 8,79415" |
Par la suite, les observations du passage de vénus furent délaissées, d'autres méthodes, telles que l'observation astrométrique directe de Mars, permettaient d'obtenir cette parallaxe solaire. Le passage de l'astéroïde Eros dans les parages de la Terre permit une mesure très précise en 1941. L'observation radar a, depuis, remplacé les mesures anciennes.
Crédit: P. Rocher, IMCCE/observatoire de Paris