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Comprendre > Concepts fondamentaux > Observations VI

LES DETECTEURS


Recueillir le rayonnement électromagnétique en provenance des objets célestes nécessite de disposer d'un système optique complet composé du collecteur de lumière (le télescope) et d'un détecteur de rayonnement disposé au foyer du télescope. Nous n'envisagerons ici que le rayonnement électromagnétique optique, c'est-à-dire le rayonnement qui peut être capté par des instruments optiques comme le télescope et qui garantit une bonne précision de localisation. Les détecteurs seront souvent spécialisés dans une gamme spécifique de longueurs d'onde. On consultera les pages sur la spectroscopie pour avoir un aperçu du spectre électromagnétique en général et du spectre optique en particulier. 

L'oeil 


Le premier récepteur utilisé fut, pour des raisons évidentes, l'oeil. Notons son principal défaut, il n'est pas impersonnel ce qui signifie que chaque observateur interprète inconsciemment ce qu'il observe. 

L'oeil est un système optique complet qui intègre une optique (la cornée et le cristallin de longueur focale de 25 millimètres environ et d'ouverture 8 millimètres au maximum diaphragmé en fonction de la luminosité par la pupille) et un récepteur (la rétine). La rétine est formée d'une surface sensible formée d'une mosaïque de récepteurs reconstituant une image à deux dimensions. Dans l'axe optique, ces récepteurs sont des cônes reliés individuellement au cerveau. Leur sensibilité maximale correspond à la bande spectrale jaune-vert à 0,55 micromètre (qui correspond aussi au maximum de flux du Soleil). Hors de l'axe optique, les récepteurs photosensibles sont les bâtonnets plus sensible dans le bleu à 0,45 micromètre. Les bâtonnets sont plus sensibles que les cônes, ce qui explique que, pour distinguer une source faible, il faut regarder "à côté". Les bâtonnets sont, par contre, reliés par groupe au cerveau, ce qui diminue le piqué de l'image. Cônes et bâtonnets transforment l'énergie lumineuse en impulsions électriques brèves dont la fréquence croît avec l'éclairement. ce mécanisme fait intervenir la vitamine A. 

Le rendement quantique de l'oeil est bon : l'oeil réagit à l'arrivée de quatre à huit photons. Malheureusement, il n'intègre l'arrivée des photons que pendant un tiers de seconde environ. Donc, à moins de 20 photons par seconde, l'oeil ne voit rien. 

La plaque photographique 


Avec l'invention de la photographie, l'astronomie dispose d'un récepteur qui ne dépend pas de l'observateur et qui permet de conserver l'observation. La plaque photographique, contrairement à l'oeil, permet de faire des poses, c'est-à-dire, accumuler de l'énergie dans les grains d'argent pendant un temps très long, ce qui donne accès à l'observation d'objets beaucoup plus faibles. Il n'est pas rare d'avoir des poses de plusieurs heures. Ceci est impossible pour l'oeil qui travaille de façon instantanée. Cet avantage est particulièrement décisif en spectrographie où, à cause de la dispersion de la lumière en un grand nombre de longueurs d'onde, on a, en chaque point de la plaque, beaucoup moins de lumière. Enfin on peut revenir au résultat d'une observation aussi souvent qu'on le désire. 

Une plaque photographique est une plaque de verre sur laquelle a été étalée une couche de quelques dizaines de micromètres d'un mélange de gélatine et de bromure d'argent. Un photon est capable de provoquer dans cette substance (l'émulsion), une transformation telle qu'elle devienne réductible, c'est-à-dire que si on la traite avec une substance réductrice (le révélateur), elle libère l'argent métallique sous forme de grains noirs. Ainsi, la plaque devient opaque là où elle a été éclairée. On dissout l'excès de bromure d'argent grâce au révélateur. On obtient une image négative. 

Mais la plaque a aussi ses inconvénients. Tout d'abord, la densité des images n'est pas proportionnelle à l'éclairement. La "courbe caractéristique" d'une émulsion montre que la correspondance entre la densité et la luminosité de la source n'est pas linéaire, ce qui est très gênant pour mesurer l'éclat relatif de deux astres. 

Crédit : J.E. Arlot/IMCCE
Courbe caractéristique d'une plaque photographique : seule la zone linéaire est utilisable en astronomie


De plus, la plaque photographique ne fournit pas directement des grandeurs numériques. Il y a donc, dans la chaîne de traitement, une étape nécessaire pour obtenir le tableau de nombres auquel toute observation doit aboutir. Cette étape était réalisée à l'aide d'un appareil appelé microphotomètre. Il était constitué d'une source ponctuelle lumineuse que l'on déplaçait au dessus de la plaque et d'un récepteur placé en dessous de la plaque, en face de la source, qui mesurait la variation de la lumière transmise à chaque instant par la plaque. Ce récepteur transformait les variations de lumière qu'il voyait en courant électrique et ce courant était enregistré sous la forme d'une courbe. Une dernière étape était la conversion de cette courbe en nombres. Différentes techniques ont été successivement utilisées, la plus ancienne et aussi la plus rudimentaire étant le double-décimètre. 

Autres défauts de la plaque photographique : son incapacité à enregistrer loin dans l'infrarouge et son faible rendement quantique (il faut 1000 photons pour produire un grain d'argent). 



L'effet photoélectrique 


L'effet photoélectrique est le suivant : quand un photon de fréquence n rencontre un métal, il en éjecte un électron d'énergie hn. Si on établit une différence de potentiel entre ce métal (la cathode) et une autre plaque métallique, l'anode, un flux de photons donnera naissance à un courant d'électrons, donc à un courant électrique dans un circuit extérieur reliant l'anode à la cathode. Pour augmenter la sensibilité, on utilise la propriété de certaines couches métalliques de libérer plusieurs électrons quand un seul électron vient les frapper. On peut ainsi recueillir un courant de 1000 000 électrons pour un seul électron émis par la cathode : on a là un photomètre photoélectrique à photomultiplicateur. 

Crédit : J.E. Arlot/IMCCE
L'effet photoélectrique
Les photons sont transformés en électrons par la cathode; le nombre d'électrons est amplifié par les dynodes et transformé en courant électrique par l'anode.


A priori, un détecteur à effet photoélectrique ne fournit pas une image mais un flux lumineux. Il permet de mesurer la magnitude des astres (leur brillance) et aussi de mesurer la variation de magnitude d'un astre au cours du temps, variation qui peut être due à un phénomène physique en cours sur l'astre (étoiles variables) ou à un phénomène d'éclipse ou d'occultation (étoiles doubles ou corps du système solaire, comme les satellites de Jupiter par exemple). Ainsi, à côté des récepteurs bi-dimensionnels destinés à faire des images, on trouve des récepteurs qui servent à enregistrer un paramètre qui varie au cours du temps. Ce sont les photomètres. Dans cette catégorie, on trouve aussi les bolomètres qui sont des sortes de thermomètres de luxe. Ce sont des récepteurs d'une extrême sensibilité qui permettent d'observer dans des longueurs d'onde pour lesquelles l'effet photoélectrique classique ne fonctionne plus. On comprendra mieux ceci quand on saura que les bolomètres sont sensibles à l'élévation de la température provoquée par la lumière qu'ils reçoivent des étoiles. 

Mais afin d'utiliser l'effet photoélectrique pour obtenir une image, des récepteurs ont été mis au point, utilisant des lentilles électrostatiques pour la focalisation des flux d'électrons. 

La caméra électronique

 

Dans la caméra électronique, l'image électronique va être focalisée sur une plaque photographique sensible aux électrons. L'intérêt d'un tel système est sa sensibilité bien meilleure qu'en photographie classique et aussi la proportionnalité entre le flux d'électrons (donc de lumière) reçu et la densité obtenue sur la plaque. Son inconvénient est l'obligation de travailler sous vide du fait du flux d'électron et en fait une instrumentation très difficile à manipuler. 

Le tube Vidicon

 

Le tube Vidicon correspond à la caméra de télévision classique à tube. Comme dans la caméra électronique, l'image va être focalisée grâce à des lentilles électrostatiques. Dans le cas de la caméra Vidicon, l'image va être focalisée sur une cible qui va se chargée du fait du flux d'électrons. Elle va être déchargée en permanence par un système de lecture donnant naissance à un courant électrique : le signal vidéo. La cible est lue ligne par ligne, des impulsions venant signaler le changement de ligne et le changement d'image. La télévision classique fonctionne au standard CCIR donnant naissance à 25 images par seconde. Les astronomes vont, eux, poser plus longtemps pour obtenir les images d'astres très faibles. Ce système associé à l'effet photomultiplicateur des intensificateurs d'images, a donné de bons résultats avant d'être supplanté par les cibles CCD. 

Le CCD 


Tous ces défauts ont trouvé une solution dans un récepteur moderne connu sous le nom de CCD (ce qui signifie, en anglais, Coupled Charge Device et que l'on peut traduire par "dispositif à transfert de charge"). De quoi s'agit-il ? Un CCD est, comme la plaque photographique, un récepteur bidimensionnel, destiné à l'imagerie. Les grains d'argent sont remplacés par une mosaïque de minuscules récepteurs à semi-conducteur appelés pixels. Chaque pixel enregistre chaque grain de lumière qui arrive sur lui sous forme de charge électrique. Comme avec la plaque photographique, il est donc possible de faire des poses. Les pixels sont disposés comme les cases d'un échiquier en rangs et en colonnes. Le nombre total de cases peut être très grand : les CCD d'un million de pixels (1024 x 1024) sont aujourd'hui courants. Ces pixels ont une très grande sensibilité et peuvent également supporter, sans dommage, des éclairements importants. La grande force des CCD est leur souplesse d'utilisation. En effet, est inclus dans le CCD, sous forme de circuits intégrés, toute l'électronique qui permet de "lire" le nombre de charges de chaque pixel. Cette lecture est faite ligne par ligne et les valeurs correspondant à chaque pixel sont enregistrées sur un disque d'ordinateur. L'exploitation des données d'observation est ainsi immédiatement possible. Pour toutes ces raisons, les CCD ont, aujourd'hui, pratiquement remplacé tous les autres récepteurs. A noter que pour supporter des temps de pose longs, le récepteur doit être refroidi (à -100° environ) pour éliminer tout bruit généré par le mouvement brownien des atomes dans le récepteur.