Rapport fait à la Convention nationale dans sa séance du 7 messidor an III (25 juin 1795), par le Représentant du peuple GRÉGOIRE, sur l'établissement du Bureau des Longitudes.
Je viens, au nom de vos Comités de Marine, des Finances et d'Instruction publique, vous proposer l'établissement d'un Bureau des Longitudes.
L'exposé des raisons qui motivent cette demande, prouvera l'indispensable nécessité de ce moyen pour faire fleurir notre Marine.
Thémistocle disait : " Quiconque est maître
de la mer, l'est de la terre." Un de nos poètes exprimait la même
idée à sa manière en disant :
Le trident de Neptune est le sceptre du monde.
Les succès des Anglais à diverses époques, et spécialement dans la guerre de 1761, n'ont que trop prouvé que la supériorité de la marine décide souvent des résultats de la guerre.
Une des mesures les plus efficaces pour étouffer la tyrannie britannique, c'est de rivaliser dans l'emploi des moyens par lesquels cet État, qui ne devait jouer qu'un rôle secondaire dans l'ordre politique, est devenu une puissance colossale.
Or les Anglais, bien convaincus que sans Astronomie on n'avait ni commerce, ni marine, ont fait des dépenses incroyables pour pousser cette science vers le point de perfection.
Si j'avais à rappeler tous les bienfaits de l'Astronomie, je dirais que, sans elle, les hommes n'auraient jamais eu la véritable mesure du temps. L'ignorant sait-il que l'exactitude de son calendrier résulte des observations les plus profondes sur l'état du ciel ?
L'Astronomie a débrouillé le chaos des âges; sans elle, plusieurs écrivains anciens eussent été incompréhensibles. On sait combien elle a prêté de secours aux auteurs de l'Art de vérifier les dates, l'un des meilleurs ouvrages de notre siècle, et quel jour Pingré a jeté sur l'histoire par la chronologie des éclipses, fondée sur l'ordre invariable du mouvement des corps célestes.
A côté de la Halle-au-Bled, un monument existe encore; il atteste la superstition d'une femme qui croyait à l'Astrologie et qui ne croyait point à la vertu.
Les météores , les aurores boréales et les comètes ont conservé, presque jusqu'à nos jours, le privilège d'effrayer la terre.
Les efforts de Bayle et d'autres philosophes, pour guérir ces maladies de l'esprit humain, ne furent pas un petit service rendu à la société, si l'on considère combien il importe de la sortir de l'enfance, et combien les rêveries astrologiques ont influé sur le sort des nations.
Enfin, sans l'Astronomie, la Géographie serait encore au berceau; c'est en rapprochant les observations célestes, les expériences faites à divers degrés du méridien, qu'on a déterminé la figure de la Terre et révélé le vrai système du monde.
Mais le point de vue sous lequel il nous importe surtout de considérer l'Astronomie, c'est relativement à son influence sur la marine et le commerce, qui firent la gloire et la richesse de la Phénicie, de Rhodes et de Carthage. A son aide, des flottes marchandes cinglèrent d'Asiongaber à Ophyr. Hannon, dans une course de vingt-six jours, poussa jusque vers le Sénégal, et consigna son voyage dans le Périple, dont il nous reste l'abrégé.
Un astronome qui, le premier, distingua les climats par les différentes longueurs des jours et des nuits, et qui fut le plus hardi navigateur de l'antiquité, était né parmi nous.
Il y a vingt-deux siècles que Pythéas (de Marseille) passa le détroit de Gibraltar, et parvint jusqu'à l'Islande; dans un second voyage, il entra dans la Manche, passa le Sund et pénétra dans la Baltique.
Cependant, les plus célèbres marins de l'antiquité ne furent guère que d'excellents caboteurs, parce que l'audace des entreprises était subordonnée à la mesure peu étendue de leurs connaissances astronomiques : à peine osaient-ils perdre de vue les côtes. La mer Atlantique et l'océan Pacifique n'avaient pas vu de citadelles flottantes sur leurs eaux, jusqu'à l'époque où, par le moyen de la boussole et de nouvelles observations astronomiques, de nouveaux Pythéas s'aventurèrent au large, doublèrent le cap des Tempêtes, et ouvrirent au commerce de nouvelles routes.
Alors les productions naturelles et industrielles de tous les pays circulèrent dans le globe; alors s'accrut l'horizon de la pensée, un grand pas fut fait vers la civilisation générale. De nouvelles branches de la famille humaine apprirent à se connaître; elles purent étendre, les unes vers les autres, les bras de la fraternité, et dans les communications d'une amitié réciproque, puiser des jouissances nouvelles .
Mais la déclinaison de l'aiguille aimantée varie, comme tout le monde sait, suivant les lieux et les temps, et partant les cartes magnétiques seront toujours insuffisantes. Le compas de route ni le loch n'indiquent pas si la marche du vaisseau a été accélérée ou retardée, s'il a été détourné par la dérive ou par quelque courant. Avec ces instruments, le navigateur ne peut se passer de l'Astronomie; l'Astronomie pourrait absolument se passer d'eux. La découverte des satellites de Jupiter, en perfectionnant les cartes marines, a suffi pour produire une révolution dans l'esprit humain et dans les relations commerciales et diplomatiques.
La découverte la plus importante, qui avait d'abord été considérée comme une chimère, et qui a beaucoup exercé les mathématiciens des deux derniers siècles, est la détermination des longitudes en mer. Le problème est ceci : connaissant l'heure du vaisseau, savoir l'heure du premier méridien convenu, ou du lieu du départ; la différence des heures réduites en parties de l'équateur donne la longitude du navire, en la rapportant au méridien choisi pour terme de comparaison. On compte sur l'équateur quinze degrés pour une heure, et conséquemment quatre minutes pour un degré.
Ce problème a été l'objet des méditations et des recherches d'une Société célèbre, dont les travaux sont devenus la propriété de tous les peuples éclairés, de l'Académie des Sciences de Paris.
Presque toutes les nations qui fréquentent la mer, ont ouvert des concours relatifs aux longitudes, mais rien n'égale ce qu'a fait l'Angleterre à cet égard.
En 1714, à Londres, fut formé un comité auquel on appela les plus grands hommes de cette contrée, Newton était du nombre. C'est là, dit Fleurieu, qu'on fixa les limites de l'erreur; et d'après la délibération du comité, le parlement publia un bill solennel pour inviter les savants et les artistes de toutes les nations à s'occuper du problème des longitudes : un prix de vingt mille livres sterling fut proposé pour celui qui trouverait la longitude à un demi degré près.
D'autres sommes moins considérables furent assignées, tant pour les Tables solaires et lunaires, que pour des découvertes moins importantes.
L'Horlogerie, la Mécanique, la Géométrie, l'Astronomie se sont disputé la gloire de résoudre ce problème, toutes se sont assuré des droits à la gratitude des nations. Tandis que l'Astronomie perfectionnait ses méthodes pour mesurer les distances de la Lune au Soleil et aux étoiles, ce qui lui donne la différence des méridiens, l'Horlogerie exécutait les montres marines, dont l'idée n'était pas neuve, mais dont l'application l'était.
Le gouvernement anglais accorda des sommes exorbitantes, soit pour faire imprimer les nouvelles méthodes, soit pour récompenser Bird, Ramsden et surtout Harrison, dont les montres furent essayées avec succès dans divers voyages aux Barbades et à la Jamaïque.
En France, deux rivaux illustrent entrèrent en lice : l'un était Leroi, fils de Julien Leroi, frère de celui à qui Voltaire disait : "Votre père et Maurice de Saxe ont battu les Anglais ", l'autre était Ferdinand Berthoud, à qui nous devons savoir gré d'avoir adopté la France pour sa seconde patrie.
A diverses reprises, le gouvernement arma à grand frais des corvettes et des frégates, pour soumettre à l'examen, dans des voyages de long cours, les nouveaux moyens présentés pour déterminer les longitudes en mer. Ces expéditions rappellent avec intérêt les noms de Courtanveaux, Verdun, Borda, Fleurieu, Pingré, Rochon et Chappe; le neveu de ce dernier est auteur du télégraphe dont Amontons avait donné l'idée.
Il résulte de ces expériences que, malgré l'agitation du vaisseau, la variation des frottements, la différence de température et les autres causes accidentelles, ces montres marines, surtout celles de Ferdinand Berthoud, conservèrent une justesse que l'art n'avait pas encore atteinte.
Après une traversée de six semaines, la somme des écarts n'excédait pas deux minutes de temps, ou un demi degré en longitude. Ce demi degré équivaut à dix lieues, sous l'équateur; à huit lieues deux tiers, sous le parallèle de trente degrés; à sept, sous celui de quarante-cinq, et à cinq, sous celui de soixante. Nos collègues Faure et Tréhouard ont constaté (et ce fait est précieux à recueillir) que, dans une dernière sortie de trente sept jours, la montre de Berthoud a donné la longitude à trois lieues près.
Si ce n'est point encore le dernier terme de la perfection, c'est jusqu'à présent le dernier effort de la sagacité des savants et des artistes; et certes, ils sont les bienfaiteurs de la société. Ils ont épargné à l'humanité des regrets et des larmes, en diminuant de beaucoup les chances malheureuses des expéditions nautiques.
Au retour d'un voyage dans l'Amérique méridionale, en 1735, don Ulloa imprimait encore à Madrid, que la différence de deux et même trois degrés sur la longitude en mer, n'était pas réputée une erreur bien considérable (1); et, plus heureuses que les expéditions de La Peyrouse et de d'Entrecasteaux, les corvettes expédiées en 1789, sont rentrées récemment dans les ports de l'Espagne, devenue notre ennemie, c'est peut-être au génie français qu'elle doit cet avantage; car le génie, par ses bienfaits, est un cosmopolite; ses découvertes sont l'héritage du genre humain, et les travaux de ces hommes occupés à défricher les routes de la science, à prendre la nature sur le fait, suivant l'expression de Fontenelle, préparent en silence, et assurent le destin des nations.
L'envoi d'un aviso en temps de guerre, peut compromettre le succès d'une bataille et le salut d'une colonie, si l'ignorance du pilote fait manquer sa route et retarde son arrivée. C'est faute de lumières que plusieurs bâtiments allant atterrir à l'île Rodrigues pour gagner le vent, au lieu de se porter directement aux îles de France ou de la Réunion, ont été capturés par des croiseurs anglais (2). Par suite d'une ignorance semblable, n'a-t-on pas vu un vaisseau, destiné pour l'île de France aborder à la côte de Malabar ?
On se rappelle le trait de l'amiral Anson, dont l'incertitude sur la position de l'île Juan-Fernandez, en l'obligeant à tenir la mer plus longtemps, coûta la vie à soixante-dix ou quatre -vingts hommes de son équipage.
(1) Relacion historica del viage a la America meridionale, por Juan y Ulloa (tome I, page 119).
(2) En 1779, Trémignon, capitaine de vaisseau, fut expédié de Brest sur le Bizarre de 64 pour se rendre à l'île de France. L'équipage et l'état-major éprouvèrent une maladie si contagieuse, qu'à son arrivée à False Bay, les débris du convoi de M. Duchillaud furent obligés de lui envoyer du monde pour serrer ses voiles et s'amarrer.
Après une relâche assez longue, on lui forma un nouvel équipage aux dépens du convoi, avec lequel il partit pour se rendre à sa destination. Mais les hommes sains et robustes qu'on lui avait donnés, ayant été atteints de la maladie dont le germe était resté à bord du vaisseau, il se détermina à se séparer du convoi, et Malavois, élève de Lalande, qui allait en qualité d'ingénieur dans l'Inde, au moyen des observations de longitude, le fit atterrir droit sur l'île de France; au lieu d'aller prendre connaissance de Rodrigues, comme cela se pratique encore aujourd'hui, quoique cette île soit à cent lieues au vent de l'autre.
Le Bizarre gagna huit jours par ce moyen sur le convoi; combien d'hommes, dans cet intervalle de temps, eussent péri, quoique la maladie ne fût pas à son dernier période, elle les moissonnait par centaine chaque jour. (Note communiquée par FAURE (de la Creuse), représentant du peuple.)
La prospérité du commerce, la sûreté de nos vaisseaux vous intéressent; la vie des marins vous est chère, et vous ne voulez pas qu'elle soit abandonnée aux erreurs d'hommes qui, incapables de s'assurer du lieu du vaisseau à chaque instant du jour et de la nuit, de connaître la longitude et la latitude des points de relâche, le gisement des côtes, iraient se briser contre des écueils.
Vous avez quelques officiers, quelques pilotes très éclairés : il faut en accroître le nombre si l'on veut faire oublier les naufrages qui ont affligé la marine française.
Il faut leur donner des règles sûres et applicables dans toutes les circonstances. Il faut, en quelque sorte, vulgariser la science en leur communiquant des méthodes promptes et faciles, pour simplifier les calculs, et par là même dompter les fureurs de la mer, et tromper les caprices de cet élément.
Depuis 1767 les Anglais publient leur Nautical Almanac, dont l'idée est due aux Français; car lorsque Maskelyne, revenu de Sainte-Hélène, le proposa, il ne fit qu'adopter l'idée présentée, en 1755, par la Caille. Cet ouvrage, devenu le Manuel de leurs marins, paraît cinq et même six ans à l'avance, tandis que chez nous, à l'époque actuelle, la Connaissance des Temps n'est imprimée que pour l'année courante, et vous seriez dans l'impossibilité de donner cet ouvrage indispensable à des marins, si dans ce moment on entreprenait quelque voyage de long cours.
Mais aussi la confection du Nautical Almanac est confiée à un établissement pour lequel les Anglais n'ont rien épargné, à un Bureau des Longitudes, tel que celui dont vos Comités vous proposent la formation.
Ce Bureau fera, chaque année, un cours public d'Astronomie; il vérifiera tous les instruments nautiques destinés pour notre marine, il sera chargé de rédiger la Connaissance des Temps, de manière qu'on ait toujours plusieurs années à l'avance; il perfectionnera les Tables astronomiques et les méthodes des longitudes, les cartes magnétiques et surtout les cartes hydrographiques, dont un grand nombre sont encore très vicieuses, celles surtout de la Méditerranée, ce qui intéresse essentiellement votre commerce du Levant.
Telle est leur imperfection, que pour l'Anacharsis de Barthélémy, les cartes ont été faites d'après des plans levés à la boussole. La mer Caspienne, avec le pays adjacent, est encore si peu connue, que quelques géographes ont varié de cinq degrés sur sa position. Le citoyen Beauchamps, qui a laissé son Observatoire à Bagdad, et qui est nommé consul à Mascate, espère rectifier ces erreurs dans le cours d'un voyage, dont le commerce et l'Astronomie se promettent de grands avantages.
Le Bureau des Longitudes s'occupera également de la Météorologie, science peu avancée, et cependant les résultats de cette branche des connaissances humaines importent singulièrement à l'Agriculture. On sait avec quel succès ils ont été appliqués par Duhamel à la Botanique, par Malouin à la Médecine, par Deluc à mesurer la hauteur des montagnes.
L'Observatoire de Paris, le plus beau monument élevé à l'astronomie, est presque désorganisé. Plusieurs des membres sont en Belgique à mesurer des triangles, tandis que pour compléter l'arc de neuf degrés et demi, dont la mesure est commencée, Delambre va reprendre les opérations géodésiques depuis Orléans, en continuant vers les Pyrénées; et, des Pyrénées, Méchain s'avancera vers lui en continuant les travaux du même genre. Par l'établissement du Bureau des Longitudes, l'Observatoire se trouve réorganisé.
Dans divers départements, vous avez vu des Observatoires. A Lyon, Dijon, Montauban, Marseille, Toulouse, etc...; et de bons observateurs, tels que Jacques, Darquier, Duc-la-Chapelle, Le Roy et autres. Le Bureau proposera les Observatoires qui doivent être conservés.
Et certes, dans ce nombre, ne seront point oubliés les ports de Brest et de Toulon, qui sont les principaux arsenaux des forces maritimes de la République, où les besoins de la marine commandent impérieusement l'établissement d'Observatoires.
A Brest, le local et les instruments n'attendent qu'une légère dépense pour la bâtisse, et là vous avez pour astronome un homme dont le nom appelle la confiance, le citoyen Rochon.
Sans doute vous favoriserez également l'établissement d'un atelier pour la fabrication des lunettes à Brest, où l'on peut presque toujours se procurer par des prises anglaises le flint-glass nécessaire à leur confection. D'ailleurs les lunettes de Paris, quoique excellentes et fabriquées par des artistes très habiles, ne conviennent pas toujours à la marine , parce que ceux qui observent à terre n'ont pas à redouter l'inconvénient qui résulte des roulis et du tangage des vaisseaux, et que l'horizon sur mer présente un aspect différent de celui de terre.
Si l'on accorde à Ferdinand Berthoud un logement au Louvre, où cet artiste puisse déployer son atelier, il se propose de rendre de nouveaux services à la patrie, en formant gratuitement des élèves pour la construction des horloges marines; alors les moyens de perfectionner la science seront réunis et tandis qu'en ouvrant des canaux vous créerez la navigation intérieure, le Bureau des Longitudes, par ses travaux, ses observations et la correspondance avec les savants, tant nationaux qu'étrangers, rassemblera en un faisceau toutes les lumières propres à éclairer et à diriger la navigation extérieure.
Il est instant de réparer le gnomon de Tonnerre, ce qui peut se faire avec très peu de frais.
Vous réaliserez le projet d'un télescope à la manière d'Herschel, ayant 60 pieds de long, sur 6 pieds de diamètre.
La royauté avait souillé tout, la République purifiera tout. Depuis la fin du seizième siècle, toutes les nations ont emprunté à des Français l'usage de marquer le nord par une fleur de lys, tant sur les compas de route, que sur toutes les cartes hydrographiques et même sur les cartes géographiques qui embrassent trop peu d'espace pour qu'on puisse y tracer les méridiens et les parallèles. On ne connaît guère d'exception à cet usage que dans les nouvelles cartes du Kattégat, de la Baltique et du golfe de Finlande, par Nordenankars. Des emblèmes plus convenables à la liberté remplaceront les insignes du despotisme.
Le moment n'est pas éloigné, sans doute, où les nations, abjurant les puérilités de l'orgueil, adopteront pour méridien commun, celui que Ptolémée avait fixé à la plus occidentale des îles Canaries.
Le Bureau des Longitudes est, à Londres, composé au moins de dix-huit membres, dont six sont les lords de l'amirauté; celui de Paris sera moins nombreux : dix membres et quatre adjoints; vos Comités vous proposent des hommes que l'Europe nous envie, qui sont créanciers de la postérité, et dont le choix sera une réparation éclatante des outrages faits par les barbares, les contre-révolutionnaires que soldait l'étranger, aux sciences et à ceux qui les cultivent.
Quant aux dépenses, nous ne rappellerons pas celles qu'ont faites les autres peuples, et même les Chinois, pour l'érection d'un magnifique Observatoire; ce qu'ont fait deux tyrans de la France pour l'avancement de l'Astronomie. Sous Louis XIV, la méridienne et la perpendiculaire furent tracées. Sous Louis XV, des colonies de savants se partagèrent en quelque sorte le globe pour observer le passage de Vénus et pour mesurer des degrés terrestres; les uns à l'île Rodrigue, au cap de Bonne-Espérance, en Californie, les autres en Laponie, au Pérou.
Il faut défalquer sur les dépenses nouvelles qu'occasionnera cet établissement, celles qu'entraînait l'Observatoire, puisqu'il sera désormais dans son attribution.
D'ailleurs nous vous dirons qu'en fait d'économie dépenser à propos c'est épargner. On objectera peut-être que, dans les lois organiques relatives à la partie de la Constitution qui a pour objet l'instruction publique, cet article trouvera sa place; il l'y trouvera sans doute, et même notre projet est conçu de manière à être casé dans ce plan; mais le moment où, d'après les bases constitutionnelles, le Bureau des Longitudes pourrait être organisé, est encore lointain, tandis qu'il s'agit d'une chose urgente. Si vous pensez que l'ajournement soit nécessaire à la discussion, qu'au moins il soit prochain. N'ajournons pas indéfiniment les moyens de prospérité de la République; vous accroîtrez ces moyens propres à hâter le bonheur de la race humaine, et vous léguerez ce dépôt aux générations qui nous suivront et qui nous jugeront.
Nous finirons par ces paroles d'un savant, qui, après avoir siégé parmi les législateurs fut assassiné sous le régime de la tyrannie."En astronomie, il reste, a dit Bailly, un grand nombre de questions à décider; ce sera l'oeuvre du temps et la moisson de la postérité (1)."
(1) Histoire de l'Astronomie ancienne, Paris, Debure, 1775, 4¡, Discours préliminaire, p.III.