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L'ASTROLOGIE : UNE FAUSSE SCIENCE, UNE VRAIE SUPERSTITION



 

Introduction


L'astrologie est aussi vieille que l'astronomie, mais d'où vient cette idée que ce qui se passe dans le ciel est lié à ce qui se passe sur Terre ? En fait, comme on l'a vu dans les pages d'histoire, les êtres humains de la préhistoire se sont retrouvés sous une voûte céleste constellée de points brillants qui paraissaient tous se trouver à la même distance de l'observateur, nos yeux ne nous permettant pas de voir du relief (donc des distances) au-delà de quelques dizaines de mètres. La question de la signification (et de l'utilité) de tous ces « luminaires » s'est naturellement posée.

Depuis la préhistoire et du fait de la précarité de l'existence humaine, une préoccupation permanente a été d'essayer de prévoir l'avenir. Depuis un questionnement simple sur la périodicité des saisons, sur le retour du printemps, sur la récurrence des phénomènes astronomiques (phases de la lune, éclipses, ...)  jusqu'à la question : « que va-t-il m'arriver à moi dans l'avenir ? », l'observation des astres a été mise à contribution. Il est un fait que des liens de cause à effet ont été mis en évidence entre le mouvement des astres et la vie terrestre : l'arrivée du printemps et l'augmentation de la déclinaison du Soleil sont indiscutablement liés ! Pour ce qui est des caractères des individus et de leur avenir, c'est autre chose.

Rappelons-nous les superstitions de l'antiquité sur le vol des oiseaux : tel mouvement portait chance, tel autre malchance. L'astrologie procède du même principe mais en bien plus complexe, cette complexité donnant une illusion de rigueur pour ceux qui n'y ont pas accès.

Ainsi, astronomes et astrologues se confondent pendant plusieurs milliers d'années jusqu'à ce que notre connaissance des choses du ciel soit suffisante pour écarter tout lien entre les mouvements célestes et la vie humaine individuelle. C'est au XVIIème siècle, lors de la fondation de l'observatoire de Paris, qu'un décret royal interdit désormais aux astronomes de s'occuper d'astrologie. Pourquoi un décret si les choses étaient si évidentes ? Tout simplement parce que l'astrologie rapporte plus que l'astronomie et que certains astronomes finançaient leurs travaux grâce à des consultations d'astrologie !

Comment raisonnent les astrologues : les principes de l'astrologie


Le zodiaque et les signes


Le Soleil, la Lune ("les luminaires") et les planètes se déplacent dans le zodiaque, c'est-à-dire dans l'écliptique. Les inclinaisons des orbites sur ce plan sont faibles (0,8° à 3,4°, sauf Mercure 7° et Pluton 17°) et on se contente en général de les repérer par leurs longitudes écliptiques.

Le zodiaque (ou l'écliptique), parcouru par le Soleil en un an, est divisé en 12 "signes" égaux de 30° chacun. Pour quelles raisons historiques ? La division de l'année en 4 saisons est compréhensible (entre solstices et équinoxes) du moins à nos latitudes. En revanche, la division de chaque saison en 3 signes est arbitraire (3 lunaisons ?). Par exemple, il semble que les hommes des mégalithes (il y a 4000 ans) aient divisé les saisons en deux : beaucoup d'alignements donnent les levers (et couchers) aux équinoxes et aux solstices, mais on en connaît aussi donnant les dates intermédiaires.

L'histoire des noms des signes du zodiaque n'est pas très claire mais il semble évident que certains ont été nommés d'après la constellation correspondante à cette époque, par exemple les Gémeaux. En revanche, la Balance, qui ne contient aucune étoile remarquable (α et β sont de 3ème magnitude) tire son nom, selon Virgile, de l'égalité jour/nuit lorsque le Soleil y entre, à l'équinoxe d'automne.


Le "thème" ou "horoscope de naissance"


Il est défini par les positions des astres dans le ciel au moment de la naissance.

Une partie du thème ne tient compte que des positions des astres dans les signes et entre eux (ces derniers sont appelés "aspects") : elle ne dépend donc pas du lieu, mais seulement de la date. Ses variations sont lentes : le mouvement le plus rapide est celui de la Lune qui met 2,5 jours à traverser un signe.

Une autre partie fait intervenir l'horizon, via le système des "maisons" détaillé ci-dessous. Elle va donc dépendre du lieu. Elle varie beaucoup plus vite, le ciel se déplaçant d'un signe en 2 heures. La distribution des 8 planètes, du Soleil et de la Lune dans les 12 maisons peut donc changer jusqu'à 120 fois par jour.

Il en résulte que peu de gens ont des horoscopes identiques, contrairement à ce que prétend un argument souvent utilisé (à tort). Même dans une grande ville comme Paris, il ne naît que 200 enfants environ par jour !Le problème des jumeaux, à thème identique et destinées différentes, devrait en revanche poser problème aux astrologues ...


La domification ou la définition des 12 maisons.


On définit "l'ascendant" et son opposé le "descendant" par les intersections de l'horizon et de l'écliptique, et le "milieu du ciel" et son opposé le "fond du ciel" par les intersections du méridien et de l'écliptique. Pour la suite, les astrologues ne sont pas d'accord entre eux. Le système le plus utilisé est celui de Placidus de Titis (qui date du 17 ème siècle, mais repris de Ptolémée) : on découpe le ciel autour de l'axe horizontal Nord-Sud (et non de l'axe pôle Nord-pôle Sud) en 12 fuseaux que le Soleil parcourt en des temps égaux du lever au coucher (les "maisons diurnes") ou du coucher au lever (les "maisons nocturnes"). Les maisons diurnes et nocturnes ont donc des durées différentes. Il existe d'autres systèmes, par exemple celui de Maternus qui a 12 maisons égales.

C'est la domification qui va poser un problème aux hautes latitudes ...


Qu'est-ce qui ne va pas dans la démarche astrologique ?


Le problème des hautes latitudes


Au delà des cercles polaires Nord ou Sud :

à La partie du thème indépendante du lieu reste valable : au moment de la naissance, les astres ont une position bien définie sur le zodiaque.

àL'horizon et l'écliptique étant des grands cercles, ils se coupent en 2 points opposés : il y a donc toujours un ascendant (et un descendant), sauf pour un cas singulier : sur le cercle polaire, une fois par jour, lorsque le pôle de l'écliptique passe au zénith.

à  Il y a toujours un milieu du ciel, sauf au pôle où on ne peut pas définir le méridien.

à  Finalement, seule la définition des maisons ne marche plus au delà des cercles polaires, lorsque le Soleil n'a ni lever ni coucher, c'est-à-dire au voisinage des deux solstices.


La précession des équinoxes et le 13ème signe du zodiaque


L'argument très utilisé selon lequel l'astrologie ne vaut rien parce qu'elle ignore la précession (décalage d'un signe et demi par rapport aux constellations depuis l'antiquité) n'est pas valable parce que l'astrologie ne donne pas d'influence particulière aux étoiles elles-mêmes (du moins en général car n'oublions pas qu'il n'y a pas qu'une seule astrologie). Il est d'ailleurs mentionné et réfuté dans la plupart des livres d'astrologie.

Rappelons l'origine de ce problème : l'écliptique est fixe dans l'espace (sur les durées qui nous intéressent ici), mais l'axe de rotation de la Terre a un mouvement de précession de période 25800 ans environ. L'équateur - terrestre ou céleste - est entraîné dans cette précession, comme le sont ses intersections avec l'écliptique : les équinoxes. La précession des équinoxes provient donc du choix de l'origine des longitudes. Si on avait choisi, dans l'écliptique, une origine "fixe" dans l'espace (par rapport aux étoiles), les constellations seraient restées dans leur signe au cours du temps. En revanche, les influences du Soleil et de la Lune sur la Terre (saisons, marées) se seraient progressivement décalées par rapport aux signes et à leurs constellations associées. C'est le choix d'un calendrier suivant les saisons qui nous a fait adopter une origine mobile par rapport aux étoiles : on a mesuré ainsi les positions par rapport à l'intersection de l'écliptique et de l'équateur : le point vernal (noté "γ" en référence au symbole du Bélier).

La graduation de l'écliptique en 12 signes de 30° (zodiaque tropique ou saisonnier, par opposition au zodiaque des constellations)n'est donc rien d'autre qu'un repérage dans le ciel. Grâce à ce choix, malgré la précession, le beau temps, par exemple, revient (dans l'hémisphère Nord) lorsque le Soleil "entre dans le signe du Bélier"  (et non pas dans la constellation éponyme). C'est aussi à ce moment que l'on a des grandes marées. En revanche, les constellations se déplacent par rapport aux signes : on ne peut pas tout avoir !

Notons que cette utilisation purement géométrique du zodiaque tropique évacue d'autres problèmes parfois soulevés par les opposants à l'astrologie

à  La nature tridimensionnelle des constellations dont l'aspect résulte d'une projection sur le ciel d'étoiles situées à des distances quelconques de la Terre.

à Les longueurs très inégales des intersections des constellations zodiacales avec l'écliptique.

à L'omission du "13ème signe" (Ophiucus, entre le Sagittaire et le Scorpion) dans la bande du zodiaque.

Il ne faut pas oublier que le découpage actuel des constellations est très récent : il date d'une résolution de l'Union Astronomique Internationale de 1922.

Là où les astrologues sont pris en flagrant délit d'incohérence, c'est lorsque l'interprétation du thème conserve la symbolique des constellations qui ont servi à baptiser les signes : force du Lion, caractère double pour les Gémeaux, etc. (mais il faut reconnaître que c'est rare); et aussi lorsque le déplacement du point vernal dans les constellations est pris en considération : "ère du Verseau". Il faudrait choisir !


L' «influence » des astres


Si les étoiles elles-mêmes ne sont pas censées avoir une influence directe sur les êtres vivants, il n'en est pas de même pour les astres du système solaire. On va voir cependant que les personnes présentes lors d'un accouchement ont une influence gravitationnelle sur le nouveau-né bien plus grande que celle des astres ! On donne ci-dessous la comparaison de l'intensité de la force de gravitation (proportionnelle à Masse/Distance2) et de la force de marée (proportionnelle à Masse/Distance3) exercée par la Lune, le Soleil, les planètes (au plus près de la Terre), la Tour Eiffel ou une montagne (à ~1 km), et le médecin accoucheur (à 1 m) sur un être humain nouveau-né (notons cependant que les astrologues évitent en général d'invoquer une origine gravitationnelle aux soi-disant influences astrales) :

 
 
 
 Masse (kg)   Distance (m)   Force de gravitation (Lune=1)   Force de marée(Lune=1) 
Lune 7 x 10 22 4 x 10^8 1 1
Soleil 2 x 1030 1.5 x 10^11 200 0.5
Mercure 3 x 1023 9 x 10^10 1 x 10^-4 4 x 10^-7
Vénus 5 x 1024 5 x 10^10 5 x 10^-3 4 x 10^-5
Mars 6 x 1023 8 x 10^10 2 x 10^-4 1 x 10^-6
Jupiter 2 x 1027 6.5 x 10^11 1 x 10^-2 6 x 10^-6
Saturne 6 x 1026 1.5 x 10^12 6 x 10^-4 2 x 10^-7
Uranus 9 x 1025 3 x 10^12 2 x 10^-5 3 x 10^-9
Neptune 1 x 1026 4.5 x 10^12 1 x 10^-5 9 x 10^-10
Pluton 1 x 1022 6 x 10^12 6 x 10^-10 4 x 10^-14
Montagne ~1012 2000 0.5 100 000
Tour Eiffel ~2 x 108 500 2 x 10^-3 1 600
Médecin accoucheur n°1 ~ 100 (il est gros !) 1 2 x 10^-4 80 000
Médecin accoucheur n°2 ~ 50 (il est maigre !) 1 1 x 10^-4 40 000


L'astrologie est-elle une science ?


Si l'on considère les calculs astronomiques réalisés par les astrologues, la rigueur scientifique est souvent là : ils exigent les éphémérides les plus précises et sont -du moins dans certains cas- très attachés à ce que la détermination des horoscopes de naissance soit exacte. Mais cette partie de l'astrologie n'a rien à voir avec l'interprétation « divinatoire » qui sera faite des horoscopes réalisés. La qualité du calcul préliminaire est là pour masquer le côté fantaisiste et arbitraire de la suite. C'est cette suite qu'il conviendrait d'étayer par des considérations vraiment scientifiques.

Puisque l'influence des astres n'est pas mesurable ni même observable (voir les effets gravitationnels qui sont les seuls mis en évidence), l'astrologie ne prétend pas fournir (ni même chercher) une explication théorique à l'influence des astres sur l'homme. On ne dispose donc pour en tester la validité que de l'analyse statistique ... par laquelle l'obtention de résultats tranchés est beaucoup plus difficile, et qui peut presque toujours être remise en doute.

Là encore, il ne faut pas laisser les astrologues déplacer le problème : c'est à eux de prouver que l'astrologie marche et non aux astronomes - ou autres scientifiques - de prouver qu'elle ne marche pas. Or il y a déjà eu de très nombreuses expériences, toutes négatives, bien que les astrologues prétendent que certaines sont probantes. Sans faire ici un cours de statistique, il faut rappeler ici les conditions fondamentales devant être respectées pour garantir la validité scientifique de toute analyse de ce type :

à   (1) définir rigoureusement le protocole expérimental avant l'expérience et s'y tenir;

à   (2) vérifier le caractère significatif des résultats obtenus (tests de confiance, analyse des biais possibles, etc.);

à  (3) s'engager à publier tous les résultats obtenus, clairement et sous contrôle.

Dans tous les cas où ces règles ont été suivies, les statistiques ont montré l'inanité des prédictions et thèmes astrologiques proposés.


Qu'est-ce qu'un raisonnement scientifique ?


Pour comprendre pourquoi la démarche astrologique n'est pas scientifique, attachons-nous à comprendre ce qu'est un raisonnement scientifique.

Pour être scientifiquement valable, un phénomène ne doit pas obligatoirement être observé (mesuré) et expliqué, l'un des deux suffit. Beaucoup de phénomènes ont été parfaitement étudiés bien avant qu'on dispose d'une théorie (les marées, l'hérédité...). Mais dans tous les cas, il s'agissait de phénomènes énormes, dont l'existence était flagrante. Il est très curieux de constater qu'en astrologie, après 3000 ans et un monceau de littérature sur le sujet, les plus optimistes en sont encore à essayer de mettre en évidence l'existence même du phénomène. Cela semble être une caractéristique des fausses sciences : radiesthésie, télépathie, sourciers, etc. Au mieux, il s'agirait toujours de phénomènes marginaux. Pour nous (scientifiques), c'est bien sûr évident. Mais ça devrait inquiéter les astrologues...

Le problème de l'impact de ce type de débat sur le public -l'analyse scientifique du phénomène « astrologie »- est que l'argumentation développée est convaincante dans notre système de pensée (scientifique), compte tenu de notre corpus de connaissances. Elle n'est pas utilisable vers d'autres. Au mieux elle ne sera pas convaincante, au pire elle nous fera taxer de dogmatisme (terrorisme de la pensée unique).

Au cours de la réflexion "l'astrologie est-elle une science ?", on bute inévitablement sur d'autres questions, plus fondamentales, ou relatives à notre interlocuteur : le public.

à Qu'est-ce que la démarche scientifique ?

à Qu'est-ce que le raisonnement, la preuve scientifique ?

à Comment pense l'homme de la rue ?

à Comment faire passer le message scientifique ?

Quelques tentatives de réponses...

La démarche scientifique est une méthode d'analyse de la réalité (mesurable), qui essaie de "l'expliquer" en termes d'un petit nombre de lois mathématiques. On peut mettre au crédit de la science un relatif non-dogmatisme : les théories sont en sursis et doivent être réfutables pour être scientifiques ("falsifiabilité" au sens de K. Popper); une exception peut parfois suffire à remettre totalement en question une théorie scientifique (l'expérience de Michelson et l'existence de l'éther, par exemple). L'exception infirme la règle (et ne la confirme pas !). De plus, les scientifiques appliquent (tant bien que mal) une démarche collective cohérente menant à l'accumulation et au progrès des connaissances, contre-vérifiées et critiquées jusqu'au consensus : c'est la "cité des savants" de Bachelard. Dans ses domaines d'application, la science a un pouvoir prédictif certain et des applications pratiques évidentes. Elle fixe néanmoins des limitations à son champ de validité et ne remplace pas une perception "intuitive", "globale" du monde, qui se traduit par la mystique, la foi, etc. Ces dernières ont une problématique différente de celle de la science et ne recherchent pas l'assimilation avec elle.

Les astrologues, en revanche, ont beaucoup à gagner d'un vernis scientifique, mais l'astrologie stagne depuis des siècles dans le qualitatif et l'arbitraire. Il suffit de considérer par exemple l'absence de consensus (et même de besoin de consensus) entre les différentes "écoles" : prise en compte ou non de la précession, nombre d'objets célestes à considérer, etc. Pire, l'interprétation d'un même thème par plusieurs astrologues est généralement différente. Ces divergences elles-mêmes trahissent de manière irréfutable le caractère arbitraire de l'astrologie, ce qui l'apparente plus à la superstition qu'à la science.

Le raisonnement et la preuve scientifique procèdent et résultent d'une démarche spécifique (analytique, inductive/déductive) et d'un corpus de connaissances de base associé à un système performant d'interrogation et de comparaison. Ils permettent à celui qui a reçu une formation scientifique de soumettre les nouvelles informations à cette grille d'analyse particulière, et de les intégrer ou les critiquer. Remarquons que cette démarche ne requiert pas un amalgame de connaissances encyclopédiques (faits et dates), souvent invoquées comme gages de crédibilité par les astrologues.

La difficulté éprouvée par le scientifique à convaincre l"homme de la rue" tient à la démarche intellectuelle souvent très différente de ce dernier : même quand elle est rationnelle, cette démarche est en général méthodologiquement incorrecte. Par exemple, il peut être convaincu par les arguments des astrologues illustrant leur propos par un seul cas particulier qui marche, et ce d'autant mieux qu'il veut croire à l'astrologie (rappelons-nous la citation attribuée à Voltaire "Un astrologue ne saurait avoir le privilège de se tromper toujours".).

Enfin, l'homme de la rue n'est pas "demandeur" de science ; il a besoin d'images, de rêve, peut-être d'espoir. Il est même plutôt "producteur" de schémas mentaux sur la science, forts éloignés de la réalité moderne et plus proches de l'image d'épinal du savant du siècle dernier, poursuivant isolément ses recherches au sommet de sa tour d'ivoire (notons que cette image périmée est assez répandue chez les scientifiques eux-mêmes). Ce décalage rend le dialogue et la transmission du savoir difficiles.

Dans ces conditions, comment faire passer le message scientifique ? Tout le problème de l'éducation du public et de la vulgarisation scientifique est posé (voir ci-après).

Mais après tout, pourquoi vouloir convaincre le public ? Pourquoi vulgariser la science ? Pourquoi combattre l'astrologie, démontrer son inanité, plutôt que de simplement laisser croire ceux qui le désirent ? La réponse nécessite un coup d'oeil sur la place de l'astrologie dans notre société.



Astrologie et société


Les raisons socio-psychologiques du succès de l'astrologie, que nous ne pouvons qu'effleurer ici, correspondent entre autres aux besoins :

  • d'un lien entre l'homme et le cosmos,
  • d'irrationnel (en fait, de merveilleux),
  • d'une réponse à l'apparente "absurdité" du monde (jadis fournie par la religion, actuellement en faillite comme en témoigne le renouveau des spiritualités diverses),
  • de prédictions, quelles qu'elles soient, pouvant servir d'aide et de guide à travers les problèmes quotidiens.

Or,si le rôle social de l'astrologie est à la limite acceptable lorsqu'elle se présente comme une grille d'interprétation symbolique (ludique?) - même dénuée de fondement - de la réalité, voire comme une aide psychologique pour résoudre par un "hasard déguisé" ou un "arbitraire déguisé" les situations de choix subjectifs où l'analyse rationnelle ne suffit pas, il y a d'autres dérives très néfastes:

- son exploitation économique directe (consultations et autres escroqueries de victimes crédules, condamnables dans l'ancien Code Pénal) est plus que critiquable, de même que l'attitude de l'Etat - complice - qui se contente aujourd'hui de taxer les pratiquants de l'astrologie (et des autres sciences occultes), donc en fait leurs clients, au niveau de plusieurs centaines (~6) de millions d'euros par an ! Plus grave, la "Française des Jeux" - organisme sous le contrôle de l'état - a récemment franchi le pas en proposant une loterie à thème astrologique, n'hésitant pas à encourager l'obscurantisme pour remplir ses caisses.

- l'astrologie est dangereuse dès lors qu'elle est utilisée pour gérer les affaires publiques: elle avait une influence importante sur le président américain Ronald Reagan, et avant lui sur la femme du président Roosevelt; on a appris récemment que François Mitterrand y faisait appel; à un moindre niveau, des élus locaux avouent s'y référer (par exemple, A. Santini, maire d'Issy-les-Moulineaux, lors d'un débat télévisé en direct sur TF1 en mai 1996). Dans le domaine privé, la situation n'est pas meilleure: le signe astrologique intervient dans le calcul des tarifs de certaines compagnies d'assurances en Grande-Bretagne, etc.

- enfin, le recours à l'astrologie est hautement inquiétant quand il est utilisé pour le recrutement. Cela donne alors lieu à une sélection aussi injuste et condamnable que la discrimination sexuelle ou raciale !

Si on critique le rôle social de l'astrologie (de l'astrologue), il est bon de considérer en regard celui de l'astronomie (de l'astronome). Cette dernière ne peut - et ne prétend d'ailleurs pas - fournir de réponse à l'apparente "absurdité" du monde; elle laisse leur place aux religions et à la spiritualité. Elle ne prétend pas non plus servir de guide à travers les problèmes quotidiens.  En revanche, elle peut aiguiser l'esprit critique et la capacité d'analyse, utiles sur le long terme pour développer la responsabilité individuelle. Par exemple, l'astronomie permet de révéler des contradictions entre les mythes associés aux planètes et la réalité : la planète Vénus, jadis symbole des amoureux et qui est « belle » vue de la Terre (et que l'astrologie prétend utiliser pour fournir une aide à la décision vis-à-vis du mariage), est en fait un enfer : température et pression écrasantes, atmosphère d'acide sulfurique. Mais au-delà de cette révélation, on peut y trouver une mise en garde à la modification de notre Terre et de son atmosphère, et un encouragement à la prise de conscience que notre planète est un milieu fragile et unique, qu'il faut respecter et protéger, plutôt que le considérer comme d'un objet de prédation.

Enfin (surtout?), l'astronomie peut proposer des réponses bien plus riches que celles de l'astrologie au besoin d'un lien homme-cosmos, et elle possède un indéniable potentiel à susciter l'émerveillement. Par exemple :

- les atomes qui nous composent (les éléments plus lourds que l'hélium) ont été fabriqués par fusion nucléaire au coeur des premières générations d'étoiles massives de notre galaxie, il y a des milliards d'années (voilà un lien profond et bien réel entre l'homme et le cosmos!).

- le paradoxe d'Olbers (le simple constat que la nuit est noire) mène à la durée de vie finie des étoiles ("les étoiles ne sont pas assez vieilles" fut la réponse pressentie par Edgar Poe !), des galaxies et de l'Univers lui-même, et à son expansion. Les récentes poses très longues du télescope spatial Hubble ou du "New Technology Telescope" de l'Observatoire Européen Austral illustrent merveilleusement cette "quête des confins de l'Univers".

On pourrait multiplier les exemples, mais le problème est que la vulgarisation astronomique actuelle, à de rares exceptions près, se limite à la présentation (l'explication) des phénomènes et des théories. Or il paraît possible de prendre en compte les besoins du public sans trahir la rigueur de la démarche de vulgarisation. De premières tentatives en ce sens existent: les premiers ouvrages de H. Reeves [1981, 1984, 1986], les "Conversations sur l'invisible" d'Audouze et al. [1988], "Les oreilles dans les étoiles" de Boujenah et al. [1995], et quelques autres... Vulgariser plus et mieux ? La matière ne manque pas, surtout en astronomie (c'est plus difficile en physique des particules, par exemple).



Conclusion


L'astrologie propose une prédiction d'un avenir personnel et son interprétation d'un vieux rêve : celui du lien de l'homme avec le cosmos. Malheureusement, cette interprétation est infondée et "frelatée", et de plus sujette à de multiples formes d'exploitation critiquables. L'astronome (malheureusement associé parfois à l'astrologue), le scientifique ou l'enseignant, souvent interpellé se doit de la combattre.

Mais surtout l'astronome est capable de proposer une bien meilleure réponse à ce vieux rêve des hommes. Il s'agit de porter l'information scientifique auprès du public, de façon rigoureuse mais aussi intelligible et attrayante (en évitant toutefois la dérive d'une démarche de communication publicitaire et auto dithyrambique, comme la pratique la NASA par exemple).

Si l'apparition de nombreux ouvrages de vulgarisation de qualité traduit un réel effort d'information et d'éducation, un important travail de forme (accessibilité et attrait du discours) nous semble encore nécessaire de la part des astronomes et des scientifiques en général.

Le but de ces efforts devrait être d'intégrer le citoyen à la "communauté des savants". C'est un enjeu vital pour tout le monde : les savants à court terme (crédits, utilité, reconnaissance...), et les citoyens à plus long terme; la science n'est a priori ni bonne ni mauvaise, mais les citoyens ne pourront influer sur l'utilisation qui en est faite que s'ils sont suffisamment informés.

 

  Pour en savoir plus : lire le "Que sais-je ? n°2481" « L'astrologie » de Daniel Kunth et Philippe Zarka




Crédit : ce texte est extrait d'un texte plus complet de Philippe Zarka et François Biraud que l'on trouvera sur le site Internet de l'observatoire de Paris (http://www.lesia.obspm.fr/perso/philippe-zarka/GlobsPZpro/reflexions.html).