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Histoire de l'observatoire de Lyon
Tache solaire, observée le 7 septembre 1859.
I - LES ORIGINES
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490 : Les horloges de Gondebaud.
Le roi burgonde (aussi nommé Gombaud III), qui réside à Lyon, obtient de Théodoric, roi des ostrogoths à Rome, deux "machines marquant l’ordre des temps, sur les mouvements du ciel et des astres". Il s’agit d’un cadran solaire et d’une clepsydre (horloge à eau). Elles sont réalisées sous la direction de Boèce (480-524), philosophe favori de Théodoric (qui finira par le faire exécuter, quand même...). Ce sont, dit-on, les premières horloges installées en Gaule.
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La longue éclipse médiévale.
La disparition de l’Empire Romain laisse la place libre à l’influence morale de l’Église ; la Science doit se plier aux raisons théologiques, le symbolisme l’emporte sur les faits. La Terre redevient plate, est réinstallée au centre de l’Univers : toutes les découvertes des grecs des VI-IVe siècles avant J.-C. sont refoulées, mais non perdues ; l’empire musulman a recueilli, et fait fructifier, l’héritage grec. Dans l’Occident chrétien, ce n’est que vers l’an 1000 que des frémissements annoncent le retour du raisonnement scientifique, et vers le XIVe siècle que commence réellement à se faire la séparation des domaines de la découverte et de la révélation. C’est aussi l’époque de la naissance des universités, largement théologiques au départ, mais qui ne vont pas tarder à s’émanciper. L’intérêt pour l’astronomie était sans doute toujours présent , en particulier chez les religieux qui dans leurs bibliothèques avaient accès aux restes du savoir grec. En témoigne la présence d’une allégorie de l’Astronomie sur les vestiges d’un mur d’enceinte du cloître d’Ainay, édifié en 1095.
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1306 : La Confrérie de la Trinité.
Il s’agit d’une association de laïcs qui se forme cette année-là, et achète une grange, des vignes et des pâturages près du port du Rhône, au bout de la rue Neuve. De telles confréries sont fréquentes à cette époque ; ce sont des sortes de sociétés de secours mutuel. Celle-ci présente une importance toute particulière pour l’Astronomie à Lyon, comme on le verra plus tard.
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1383 : Les horloges de la Cathédrale Saint-Jean.
Dès cette époque, la cathédrale comporte deux horloges, une à l’extérieur, l’autre à l’intérieur : la "petite horloge", qui est l’horloge astronomique. On en trouve des traces écrites dès 1379, et le premier document daté la citant sans amibiguité est de 1393 : le chanoine Pierre la Palud demande à être enterré entre l’horloge et la chapelle Saint-Jean. On ignore en fait l’origine et la date de construction de cette horloge astronomique qui semble être une des plus anciennes d’Europe, et donc du monde (celle de Salisbury date de 1380 ; celle de Strasbourg est citée encore un peu plus tôt -1352- dans des textes, mais cette horloge originelle a été remplacée en 1574 ; l’appareil actuel ne conservant rien de ce dernier mécanisme, alors que celui de l’horloge de la cathédrale Saint-Jean contient encore des pièces extrêmement anciennes)..
II - LES MEDECINS-ASTROLOGUES DE LA RENAISSANCE
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Médecine et Astrologie.
Au XVe siècle, on n’imaginait pas un médecin soignant un malade sans prendre en compte les données astrologiques du moment, et le thème astral de son patient. Aussi les connaissances astrologiques faisaient-elles partie des acquis de toute formation médicale ; un médecin était ainsi, nécessairement, un astrologue. Mais c’était un astrologue qui, en principe, s’interdisait de faire des "jugements" (que nous appelons aujourd’hui prédictions). Certains se laissaient toutefois entraîner, et, séduits par la perspective de gains faciles, tenaient plus ou moins ouvertement boutique "d’astrologie judiciaire". Ils s’exposaient alors aux foudres de l’Église, qui ne tolérait pas que l’on chasse ainsi sur son domaine réservé !
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1419 : Première foire de Lyon.
C'est le Dauphin, futur Charles VII, qui accorde ce privilège.
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1447-1459 : Louis de Langle, astrologue
Espagnol établi à Lyon, il a plusieurs fois le roi Charles
VII comme client. Il était ouvertement astrologue judiciaire, et
ses jugements portaient sur les domaines les plus variés, comme
celui-ci : "...l'année 1448 connaitra une grande abondance de vin,
telle qu'on n'en aura pas connu de semblable depuis longtemps, mais la
qualité sera si mauvaise qu'on ne trouvera personne pour en acheter..."
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1473 : Barthélemy Buyer imprime le premier livre lyonnais.
C'est en tout cas le premier qui soit daté : le Compendium Lotarii.
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1488-1499 : Simon de Pharès, savant et astrologue.
À la mort de son protecteur le duc de Bourbon, il s’établit à Lyon, où il trouve qu’il fait bon vivre. Il achète une maison rue Saint Georges, et s’y installe ce qui était à l’époque une somptueuse bibliothèque : "J’y accoutrai une étude en laquelle je mis deux cent volumes de livres, les plus singuliers que je puisse trouver et avoir, et la décorai en manière que l’on venait la voir par plaisir." À cette époque, Astrologie et Astronomie ne se distinguaient pas clairement, et Simon est bien un savant de son temps. Cette bibliothèque, à une époque où le savoir est suspect, lui vaudra bien des ennuis... Un jour de Toussaint 1490, le roi Charles VIII vient le voir, l’apprécie, revient plusieurs jours écouter ses "jugements". Le roi parti, l’Archevéché de Lyon le condamne pour son activité d’astrologue. Il est emprisonné, jugé, condamné, sa bibliothèque est confisquée. Il fait appel, fait intervenir le roi lui-même. La magistrature s’en soucie comme d’une guigne, et, après réexamen de ses livres, confirme la condamnation... L’affaire ne se terminera quand même pas trop mal pour lui, car il semble qu’il ait pu récupérer une bonne partie de sa précieuse bibliothèque. Il s’est même permis de publier des lettres incendiaires contre ses juges, où il leur souhaite tout bonnement d’être écorchés vifs !
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1510 : Le premier Collège de la Trinité.
Cette année-là, les Confrères de la Trinité ouvrent des classes pour leurs enfants, dans la grange qu’ils possèdent au bord du Rhône ; c’est un événement considérable : pour la première fois à Lyon s’ouvre un établissement laïc d’enseignement. Il passera sous la tutelle de la ville en 1527, et le Consulat (l’administration locale de l’époque) le défendra tant qu’il pourra contre l’Église ; celle-ci tolère difficilement qu’une partie de l’éducation lui échappe, et n’aura de cesse qu’elle récupère cette brebis égarée ! Ce sera chose faite en 1565 : les idées nouvelles circulent, certes, mais il est encore trop tôt pour espérer échapper à l’éducation religieuse ; les échevins doivent s’incliner, et laisser le collège aux Jésuites. Et puis, on sera alors en pleine contre-réforme, il faudra promouvoir la Vraie Foi...
Le Collège de la Trinité vers 1550 :
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5 Avril 1528 : Passage d'un bolide au-dessus de Lyon.
C’est l’occasion de descriptions merveilleusement imagées, comme celle que l’on peut lire sous la plume de G. Paradin (Histoire de Lyon, 1573, réédité par Horvath en 1973). Bien entendu, on attribue à ce météore la paternité de toutes les calamités du moment.
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1532 - 1535 : Rabelais exerce la médecine à l'Hôtel-Dieu
de Lyon.
Il vient d’être nommé médecin de "l’Hôtel-Dieu de Notre Dame de Pitié du Pont du Rhône", où il va faire preuve d’un réel souci de l’amélioration des conditions de vie des malades. Il y passera 28 mois, malheureusement largement ébréchés par un voyage en Italie avec le Cardinal Du Bellay et diverses absences non motivées qui entraîneront son renvoi ! Comme tout médecin de l’époque, il est astrologue, et produit même trois almanachs, où il se refuse vigoureusement à toute prédiction ; ou alors, c’est sur un mode humoristique irrésistible : "Cette année, les aveugles ne verront que bien peu, les sourds oïront assez mal ; les muets ne parleront guère ; les riches se porteront un peu mieux que les pauvres, et les saints mieux que les malades. Vieillesse sera incurable cette année à cause des années passées..."
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31 Juillet 1539 : Les ouvriers imprimeurs se mettent en grève.
Lyon est une ville d'imprimeries très réputées,
où l'activité est sans cesse croissante. Les ouvriers, surexploités
par les artisants qui ne veulent pas refuser de commandes, se mettent en
grève. C'est la première d'une très longue série...
Il faut savoir que l'horaire normal d'un ouvrier fondeur de caractères,
par exemple, est tout simplement 5h-20h. Les heures supplémentaires
sont donc assez mal vécues!
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1561 - 1590 : François Giuntini, astrologue de Marie de Médicis.
Florentin établi à Lyon, il fait ouvertement profession
d'astrologue judiciaire, et y réussit suffisamment bien pour s'attirer
les faveurs de Marie de Médicis. On sent l'approche du XVIIe sième
siècle, où l'engouement des puissants pour l'astrologie atteindra
des proportions incroyables.
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30 Avril 1562 : Le Baron des Adrets s'empare de Lyon.
Les troupes protestantes du terrible baron investissent le Groupe Cathédrale, abattent les statues, et saccagent l’horloge astronomique. Heureusement, un "miracle" se produit : un huguenot est monté sur le faîte du pignon, pour abattre la statue de Dieu le Père : il perd l’équilibre, et s’écrase sur le parvis ! Dieu est sauvé...
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1563 : L'année commence au 1er Janvier.
C'est un décret de cette année, mais c'est vers 1567
que cette réforme sera effectivement appliquée. De l'ancien
Nouvel An nous resteront les faux cadeaux du 1er Avril...
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1598 : Hugues Levet répare l'horloge astronomique.
Il se fait aider par Nicolas Lippius, de Bâle; ce dernier, selon
certaines sources, n'aurait d'ailleurs fait que "racoustrer le coq", selon
d'autres, il serait le mathématicien qui aurait fait les calculs
astronomiques proprement dits, pour lesquels Levet ne se sentait pas compétent.
Quoi qu'il en soit, c'est le nom de Lippius qui est resté à
la postérité comme celui du créateur de l'horloge,
ce qui semble très excessif! Le mécanisme était en
panne depuis 1572.
III - LE RETOUR DE LA RAISON :
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1604 : Apparition de l'enseignement de l'Astronomie à Lyon.
Cette année-là, les Jésuites du Collège
de la Trinité mettent explicitement au programme des cours d'Astronomie;
c'est une première pour un établissement d'enseignement lyonnais.
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1618 - 1694 : Gabriel Mouton, prêtre et astronome.
Ce religieux, protégé de Camille de Neufville de Villeroy (Archevêque et gouverneur de Lyon après avoir été curé d’Ainay à cinq ans...), est d’abord vicaire puis perpétuel et prébendier de Saint-Paul à Lyon. Mathématicien et astronome de grand talent, il fait de très nombreuses observations de latitude, de diamètres du Soleil et de la Lune. Il est le premier physicien à proposer un étalon universel de longueur basé sur la dimension du globe terrestre : la "virgula geometrica", définie comme la six cent millième partie d’un degré de latitude, soit environ 18,5 de nos centimètres. Il propose de plus l’instauration d’un système décimal de multiples et sous-multiples ; par exemple son "milliare" valait dix mille virgulas, soit exactement un mille marin actuel.
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12 Octobre 1621 : Un météore extraordinaire au-dessus
de Lyon.
Ce phénomène est observé dans tout le royaume,
en fait. On lira avec intérêt et amusement la description
fabuleuse de l'époque dans le tome 5 des "Vieilles chroniques de
Lyon" d'A. Champdor.
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1658 : Louis XIV loge à Bellecour.
Venu à Lyon dans le cadre de la négociation en vue des
épousailles avec Marguerite de Savoie, le Roi s'en soucie comme
d'une guigne, et fleurette sous les tilleuls de la place avec Marie Mancini,
nièce de Mazarin!
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1660 : Le nouveau Collège de la Trinité.
On termine cette année-là la reconstruction du Collège. Il prend l’aspect que nous connaissons aujourd’hui au Lycée Ampère, à l’exception de la salle de l’Observatoire, plus tardive. Les plans en ont été dressés par l’architecte de l’ordre des Jésuites, le Père Martellange. Les bâtiments dessinés par Martellange, toujours extrêmement sobres, se rencontrent partout en France. Un des meilleurs exemples est le Prytanée de La Flèche.
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1660 : Guillaume Nourrisson répare l'horloge astronomique.
Encore une restauration, mais celle-ci est très importante.
Nourrisson transforme complètement l'aspect de l'horloge, en ajoutant
toute la machinerie extérieure (les automates) que l'on connaît
aujourd'hui, et le cadran ovale des minutes avec son aiguille extensible.
L'horloge astronomique :
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XVIIe - XVIIIe : Les Jésuites observent le ciel.
L’activité est très importante ; les observations, jusqu’à la création de l’Observatoire du Collège, se font souvent Place des Terreaux. Cette place était plus connue à Lyon comme celle des tortures et des exécutions dont était friande la société de l’époque... Les Jésuites observent seuls, ou, occasionnellement, avec les astronomes parisiens "descendus en province" pour les nombreuses campagnes liées à la mesure de la France à cette époque : les Cassini, La Hire. Les observateurs successifs, jusqu’à la Révolution, seront les pères Hoste, Duclos, Saint-Bonnet, Tallandier, Fulchiron, Fabri, Meynier, Dumas, Béraud, puis les Oratoriens Lefèbvre, Gerzat, et le laïc Crozet. En 1705, par exemple, l’Observatoire occupe quatre religieux sous la direction du P. Tallandier.
IV - LA SCIENCE TRIOMPHANTE :
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1701 : L'Observatoire du Collège de la Trinité.
Il est l’œuvre du Père de Saint-Bonnet, qui y laisse sa vie : la corde d’une grue se détache, le frappe, le jette à bas de l’échafaudage où il était monté pour guider les ouvriers. Il meurt quelques jours après. Le Père Tallandier le remplace et achève la construction. Cette tour carrée est immédiatement jugée assez laide par les lyonnais, et on considère plutôt qu’elle défigure le Collège, déjà pas très élégant... À partir de cette date, grâce à cette nouvelle installation, les observations vont encore s’intensifier.
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1701 : Les globes de la Guillottière.
À cette époque, le Père Grégoire, Henri Marchand dans le civil, est au couvent du tiers-ordre de Picpus, à la jonction de la Grande Rue de la Guillottière et de la route de Vienne. Il construit deux globes colossaux, de près de deux mètres de diamètre, représentant l’un la Terre, l’autre le Ciel. Après bien des péripéties (dont le bombardement de 1793 qui laissera des traces sur l’un d’eux) ces deux globes seront transférés à la bibliothèque de la Ville. Un seul est aujourd’hui connu : le globe terrestre, exposé à l’entrée de la salle régionale à la bibliothèque de la Part-Dieu ; ce globe est célèbre parce qu’on y a représenté les sources du Nil, à peu près où il faut, bien longtemps avant leur découverte. Le P. Grégoire était un géographe réputé ; il a travaillé par exemple avec Séraucourt pour l’établissement du grand plan de Lyon publié en 1675. En remerciement, Séraucourt fera figurer le couvent de Picpus sur une extension du plan !
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1711 : L'année des catastrophes.
Les XVIe et XVIIe siècles sont tristement connus pour l’exceptionnelle rigueur de leurs hivers. Celui de 1709 est terrible, et suivi d’une affreuse famine. le Rhône gèle régulièrement pendant la mauvaise saison. Une année, il reste même pris trois mois pleins, avec 1m70 de glace ! Les deux fleuves gelés servent d’ailleurs de voies de communications, et sont couverts de charrettes. Qui dit glaces dit débâcle, ponts emportés, inondations... Celle de 1711 est particulièrement sévère : le Rhône et la Saône mêlent leurs eaux sur la place Bellecour ! Aux catastrophes naturelles s’ajoutent -déjà- les accidents de la circulation : le 11 Octobre, les lyonnais reviennent en masse de la Fête des Insultes, à Saint-Denis de Bron. Au cours de cette journée, fort prisée, on pouvait sans risque dire n’importe quoi à n’importe qui ! Cette soupape de sécurité sociale allait bientôt s’avérer très insuffisante, mais en attendant, elle divertissait puissants et misérables. Le flot des passants se presse sur le Pont du Rhône (aujourd’hui pont de la Guillottière) ; arrive en sens inverse le carrosse de Mme de Servient, qui se rend dans sa propriété de la Part-Dieu, d’autres véhicules s’ajoutent à l’embouteillage ; pour couronner le tout, un sergent de ville décide de tirer profit de cela et ferme les portes pour pouvoir exiger un péage ! Bilan : 238 personnes mourront écrasées dans la cohue, plus toutes celles qui sont tombées dans le Rhône et que l’on n’a jamais retrouvées ; quand au sergent Belair, il sera rompu vif...
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1732 - 1807 : Lalande.
Né à Bourg-en-Bresse, Jérôme Le Français n’est sans doute pas un modèle de modestie : n’écrira-t-il pas plus tard : "Cette année, qui est celle de ma naissance, est remarquable pour l’astronomie..." En 1751, il décide d’ailleurs de s’appeler de La Lande, ce qui fait quand même moins peuple. Prudemment, en 1793, il revient à un patronyme moins voyant : Lalande, tout simplement... Sa vocation naît en 1748 : élève du Collège de la Trinité, il y observe une éclipse de Soleil avec le Père Béraud. Observateur infatigable, ardent défenseur de l’Astronomie et des Observatoires, travailleur acharné, Lalande fera beaucoup pour l’Astronomie, sur laquelle il exercera une profonde influence. Sa disparition sera une véritable catastrophe pour toute l’observation astronomique en France, qui s’étiolera jusqu’au renouveau de la fin du XIXe siècle. C’était une forte personnalité ; on raconte qu’il avalait des araignées vivantes pour montrer à ceux qu’elles effrayaient qu’ils avaient tort !
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1735 : Les grandes expéditions pour la mesure de la Terre.
Depuis la mise au point par Picard de la méthode de triangulation
géodésique inventée par Snellius, on sait mesurer
la Terre. En 1735, deux expéditions partent l'une à l'Equateur,
l'autre au Cercle Polaire, pour tenter de résoudre le problème
de l'aplatissement du globe terrestre : ressemble-t-il à une citrouille
ou à une noix de coco ? Ce sera une citrouille, pour le grand triomphe
de Newton qui l'avait prédit.
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1762 : L'expulsion des Jésuites.
Ce sont les Oratoriens qui reprennent le Collège de la Trinité.
Ils étaient très impopulaires à Lyon : la rumeur publique
les accusait par exemple de disséquer des enfants! Les Jésuites,
eux, ont le soutien de la population; leur expulsion du Collège
se heurte d'ailleurs à une résistance populaire assez ferme.
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1765 - 1769 : La méridienne de la Place des Cordeliers.
La Ville de Lyon était depuis fort longtemps propriétaire de ce qui est aujourd’hui la place des Cordeliers, ancien cimetière du couvent dont on n’avait conservé que la grande croix de pierre. En 1765, celle-ci menace de tomber, et on la remplace par une colonne de 21 m due à l’architecte Bugnier ; une fontaine est installée dans le socle. En 1768, le sculpteur Jayet la couronne d’une statue de la muse Uranie (muse de l’Astronomie) dont on raconte qu’elle avait été, en fait, oubliée au fronton de l’Opéra ! Enfin, en 1769, pour honorer cette neuvième muse, mais aussi pour donner l’heure aux lyonnais, on décide d’installer un cadran solaire (une "méridienne") aux pieds d’Uranie. C’est l’architecte Terrier qui est chargé de l’opération. Il raconte lui-même qu’il a bien du mal à régler ce cadran : "pendant plus de trois mois, il m’a fallu monter fréquemment nuit et jour sur la colonne pour y faire des observations et vérifier mes opérations". Malgré cela, la méridienne des Cordeliers accusera toujours un retard d’une à deux minutes !
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1770 : P. Charmy répare l'horloge astronomiquede Saint-Jean.
On lui attribue le suisse qui tourne dans la galerie supérieure...
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1783 : Un bâteau à vapeur à Lyon.
Le 15 Juillet, Jouffroy d'Albans remonte la Saône pendant un
quart d'heure à bord de son Pyroscaphe : la navigation à
vapeur vient de naître...
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1784 : La Montgolfière aux Brotteaux.
Après quelques essais infructueux qui ont fait languir les astronomes
à leur lunettes (ils étaient chargés de calculer la
hauteur atteinte par l'aéronef), le ballon s'élève
enfin le 19 Janvier. Le spectacle était recherché : les Oratoriens
du Collège de la Trinité, par exemple, vendaient des places
qui permettaient d'assister au départ depuis les baies de la bibliothèque!
La presse s'émerveille de la présence d'UNE aéronaute
: Madame Tible, lyonnaise, épouse d'un fabricant d'automates.
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1789 : L'orage gronde.
Pendant que la bourgeoisie, le clergé et la noblesse occupent
ainsi le temps, et philosophent de concert sur l'accélération
du progrès, la misère ouvrière est effroyable à
Lyon. Les émeutes se succèdent, réprimées dans
le sang. Donnons un seul exemple de la justice de l'époque : le
6 Mars 1772, le Lieutenant Criminel de la Sénéchaussé
de Lyon condamne à la peine capitale Antoinette Toutan; elle avait
volé vingt-huit serviettes à l'Auberge du Palais-Royal...
V - LA REVOLUTION :
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1790 : Dissolution de la Confrérie de la Trinité.
Toutes les associations para-religieuses, comme les confréries,
sont dissoutes, et en particulier la très ancienne Confrérie
de la Trinité. Elle n'avait d'ailleurs plus d'activité, si
ce n'est l'organisation épisodique d'un bal...
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1793 : Destruction de l'Observatoire lors du siège de Lyon.
Les Oratoriens du Collège, comme on s’en doute, n’ont pas de raison de soutenir la cause révolutionnaire. Lorsque l’armée des Conventionnels vient faire le siège de Lyon, ils apportent leur soutien actif aux forces lyonnaises "rebelles". Du haut de la tour de l’Observatoire, ils observent les mouvements des assiégeants, pour le plus grand profit du gouverneur de la place. Un canon est même installé sur la plateforme, ce qui amène un bombardement en règle du Collège de la Trinité. Selon d’autres sources, sans doute plus proches des religieux, un drapeau blanc, hissé sur la tour en signe de reddition, aurait été interprété comme un symbole royaliste. Quoi qu’il en soit, le résultat est le même : l’Observatoire est détruit, le plafond crevé, les croisées volatilisées, le matériel détérioré. Après la prise de la ville, le Père Lefèbvre est chassé de son établissement, d’où il a bien des difficultés à évacuer les instruments qu’il a payés de ses deniers. Ceux qu’il n’emporte pas sont évacués sur Paris où ils sont plus ou moins distribués "à des citoyens méritants". La très importante bibliothèque, elle aussi, est pillée et va enrichir divers fonds parisiens. Les débris du Cabinet de Physique du Collège, que l’on disait très riche, sont rassemblés à la Maison Saint-Pierre (ex-Palais du même nom).
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1793 : Par la volonté de la Convention Nationale, Lyon n'est
plus!
On ne donne pas dans la nuance : Lyon doit être presque entièrement
détruite, son nom effacé des cartes. L'ensemble des quelques
maisons de patriotes méritants que l'on laissera debout doit s'appeler
Ville-Affranchie!
Plus tard changé en Commune-Affranchie, le nom de la ville (finalement
restée debout) redeviendra Lyon un an plus tard. Le Collège
de la Trinité, qui s'appelait à l'époque Collège
Louis-le-Grand, devient le Collège de l'Egalité. Il abritera,
quelques années plus tard, l'Ecole Centrale (les Ecoles Centrales
départementales créées à cette époque
étaient les précurseurs de ce qui deviendra plus tard les
lycées) et le Prytanée, dévolu à l'éducation
des enfants pauvres.
On fait la chasse aux emblèmes royaux sur les monuments; pour
son malheur, le dôme de l'horloge astronomique de Saint-Jean est
décoré de fleurs de lys et de couronnes comtales. On détruit
cette décoration, et le dôme par la même occasion :
les très antiques rouages de fer vont rester jusqu'en 1992 exposés
à la poussière.
VI - LE XIXe SIECLE, JUSQU'A LA CREATION DE L'OBSERVATOIRE A SAINT-GENIS-LAVAL :
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1808 : Naissance du Lycée Ampère.
C'est le nouveau nom que prend le vénérable Collège...
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1817 : Rétablissement de l'Observatoire.
L’insistance de François Clerc, professeur au Lycée et Directeur de l’Observatoire, finit par porter ses fruits : la municipalité commence (très progressivement !) à faire quelques réparations dans les ruines de ce dernier ; on commence cette année-là par refaire le toit... Clerc est un esprit de grande envergure. Voici par exemple ce qu’il dit, avec beaucoup de clairvoyance, de l’anneau de Saturne : "Supposons plusieurs corps ou planètes, toutes très près les unes des autres, et se mouvant dans le même plan : ne nous présenteraient-elles pas la forme d’un anneau ?" Ce grand savant est très apprécié des élèves du Lycée, comme le rappelle Quinet : "Le professeur de philosophie, abbé disert du XVIIIe siècle, aimable et élégant, ne devait pas s’écarter du manuel latin dit Philosophie de Lyon, où sont réfutées toutes les idées des penseurs modernes. Cet enseignement désuet durait deux ans. Beaucoup d’élèves abandonnaient au bout de la première année pour suivre les cours professés par deux vrais savants, Chachuat et Clerc, ce dernier successeur et ami d’Ampère, aussi distingué par sa méthode que par sa science." Clerc et Ampère se sont longuement fréquentés à Bourg-en-Bresse, où ils étaient tous deux professeurs. Dans la correspondance d’Ampère, on apprend que ce dernier ne publiait rien sans avoir fait tout vérifier par Clerc, qu’il désignait comme "le Phénix de Bourg-en-Bresse" !
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1832 : Le premier observatoire de Fourvière.
Il est élevé par Gouchenand, dans la tour carrée construite en 1831 par l’architecte Pollet ; il est équipé d’un télescope de 200 mm et d’une lunette de 100 mm, mais son activité est restée récréative.
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1840 : La grande inondation et la Commission Hydrométrique.
Pendant tout le mois de Novembre, le centre de Lyon est sous les eaux ; 600 maisons s’écroulent ! Une nouvelle inondation catastrophique aura lieu en 1856, amenant l’interdiction de la construction de maisons en pisé, tradition de la région. On crée alors la Commission Hydrométrique, plus tard transformée en Commission de Météorologie, laquelle sera doublée à la fin du siècle d’une Commission de l’Observatoire chargée de mener la prospection pour le choix du site d’un nouvel établissement astronomique et météorologique...
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1867 : Lettre de Ch. André pour l'établissement d'un observatoire.
Pour la première fois apparaît le nom de Charles André,
futur Directeur du (futur) nouvel Observatoire de Lyon. Astronome à
Paris, il écrit au Préfet du Rhône pour demander le
rétablissement d'un enseignement de l'Astronomie à la Faculté,
et la construction d'un observatoire moderne.
En attendant, et à sa demande, tous les instruments d'astronomie
encore au Lycée Ampère, soit bien peu de chose, sont transférés
dans un local du Palais Saint-Pierre, où se trouve désormais
ce qu'on appelle "l'Observatoire de Lyon". Une petite coupole est édifiée
sur le bâtiment, au-dessus de la rue de l'Impératrice (actuelle
rue E. Herriot).
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1873 : Création de la Commission de l'Observatoire.
Plus ou moins tirée de la Commission Météorologique,
elle est chargée par le Maire d'étudier le projet de rétablissement
d'un observatoire à Lyon. Les motivations sont, à ce moment,
assez clairement économiques : études météorologiques,
détermination de l'heure, même si l'astronomie est évidemment
présente. Ceci sera une future pomme de discorde entre Charles André,
peu intéressé par la météo, et Adrien Lafon,
professeur d'astronomie à la Faculté des Sciences de Lyon,
pour qui cette activité semble une mission essentielle. A ce stade,
Ch. André, parisien, ne fait pas partie de la Commission, alors
qu'A. Lafon en est un membre influent.
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1874-1877 : L'Observatoire sera-t-il construit à Sainte-Foy-lès-Lyon ?
C'est en tout cas la recommandation de la Commission. Mais il faut
se dépêcher : depuis que l'on parle de l'Observatoire, le
prix des terrains monte en flèche! Il faudra exproprier.
Sur ces entrefaites, Ch. André lance une grande offensive pour
que l'Observatoire soit construit à Saint-Genis-Laval; le lieu est
plus accessible, nettement moins cher, et la météo y est,
dit-il, bien meilleure, une des plus favorables de France en fait. L'affirmation
fait un peu ricaner la presse; sans doute est-elle à mettre sur
le compte de son manque de connaissance de la région! Il se fait
appuyer de Paris par le célèbre Commandant Perrier qui avance
un argument décisif : l'Etat participera aux frais, à condition
que l'on choisisse Saint-Genis! Il va sans dire que le Conseil Municipal
est très sensible à cette remarque, et ceci emporte la décision...
Comment Perrier connaissait-il Saint-Genis-Laval ? En fait, le Dépôt
de la Guerre possédait là un petit poste d'observation, avec
une lunette installée juste sur le site du futur observatoire. Cette
lunette allait disparaître, car tout le sommet de la colline de Beauregard
allait être nivelé à trois mètres en-dessous
du niveau initial.
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11 Mars 1878 : Création de l'Observatoire de Lyon à Saint-Genis-Laval.
Le décret est signé du Président Mac Mahon, et
Charles André est nommé Directeur de l'établissement.
Voici quel sera le coût (prévu / finalement dépensé)
de l'opération, étalée sur une dizaine d'années
:
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Ville de Lyon : 30 000 F / 232 000 F
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Département du Rhône : 45 000 F / 45 000 F
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Etat : 61 500 F / 58 000 F
On ne sera pas surpris de voir que l’État s’en sort à son avantage (ou qu’il est géré plus rigoureusement)... Des annexes sont créées au Parc de la Tête d’Or (où on peut toujours voir le bâtiment d’époque, pas très loin de l’ancienne fosse aux ours), au Mont Verdun, et à La Paume près d’Ampuis.
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Les hommes, les moyens, les travaux du nouvel observatoire.
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Les hommes :
Tout au début, ce sont Charles André, François Gonnessiat et Émile Marchand qui assurent la mise en place et les premières observations. Vont ensuite venir les rejoindre Michel Luizet, Georges Le Cadet et Joseph-Noël Guillaume. On notera l’absence de personnel féminin, correspondant aux mœurs du moment. Cette absence ne durera pas : sous la direction de J. Mascart, une pléthore de jeunes "esclaves" féminines vont venir assurer les tâches de routine : calculs, assistance nocturne aux observateurs, etc... Recrutées en général parmi les auditeurs du cours d’astronomie à la faculté, beaucoup ne feront qu’un court passage ; d’autres resteront, comme Marie Bloch ou Callixtina Bac. Ceci pour ne citer que les principales figures de cette époque.
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Les moyens :
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1879 : Transfert des instruments du Palais Saint-Pierre à Saint-Genis.
Il est assez surprenant de constater qu'aucun instrument d'observation
digne de ce nom ne figure à l'inventaire que l'on dresse à
cette occasion!
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1879 : Construction du pavillon météorologique.
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1879 : Construction de la salle du petit méridien.
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1880 : Construction du bâtiment de l'administration et de la maison
du Directeur.
Selon l'usage de l'époque, la maison directoriale est un peu
plus grande que le bâtiment de l'administration, qui pourtant regroupe
tous les services, la bibliothèque, les bureaux et les logements
des astronomes résidents !
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1880 : Fin de l'installation du grand méridien Eichens.
Cet instrument est un don du célèbre mécène Bischoffsheim, à qui l’astronomie française doit bien d’autres instruments. Après être restée de nombreuses années en dépôt à Paris, au Musée de La Villette (à qui l’avait prêté un des directeurs lyonnais), la lunette a été rapatriée dans la région lyonnaise et est exposée au Musée des Confluences.
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1881 : Mise en service du petit équatorial Brunner de 160mm sous
sa coupole.
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188 ? : Mise en service du petit équatorial Eichens de 160mm sous
sa coupole.
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1882 : Creusement de la grande galerie souterraine.
Elle est destinée par Ch. André à des expériences
d'optique instrumentale.
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1885-1887 : Construction du grand équatorial coudé de
350mm sous abri roulant.
Ce magnifique instrument allait s'avérer plus esthétique
qu'efficace, comme tous ses frères; les documents d'époque
attestent de la difficulté de mise au point de cette formule, comme
des limitations dues à sa complexité optique. Les astronomes
lyonnais en tireront néammoins d'innombrables observations, des
surfaces planétaires aux positions d'étoiles doubles, pendant
plus de cinquante ans.
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1886 : Construction du pavillon du magnétisme.
Afin de remplacer le laboratoire installé au sous-sol du pavillon
météo, où les instruments étaient soumis à
trop d'influences parasites, on établit dans le parc ce petit édifice.
Il est construit dans les règles de l'art : sans utilisation d'aucune
parcelle de fer...
Une vue de l'Observatoire vers 1890
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Les travaux :
Ils sont conformes aux standards de l'époque, et comportent
des observations méridiennes, des déterminations de positions
d'étoiles doubles, des observations de planètes, comètes,
de la surface solaire. S'y ajoutent l'étude de divers effets instrumentaux,
les relevés météorologiques, l'étude du magnétisme
terrestre. Les prévisions météo sont inscrites à
la craie sur un tableau, place des Terreaux, pour le plus grand profit
des lyonnais; déjà, on plaisante beaucoup sur la validité
de ces pronostics!
A partir de 1884 apparaît une nouvelle et très importante
activité : l'Observatoire est chargé, grâce aux observations
méridiennes, de déterminer l'heure exacte, et de la transmettre
à la ville de Lyon au moyen de signaux électriques. De nombreux
cadrans, installés un peu partout dans la ville, reçoivent
ces signaux, et donnent ainsi l'heure aux lyonnais...
Dès le début, une activité de vulgarisation scientifique
est entretenue, avec des conférences occasionnelles dans l'une ou
l'autre salle lyonnaise.
VII - JUSQU'A LA GRANDE GUERRE :
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1886 : La lunette de Bellecour.
La construction de l'Observatoire a donné des idées à
certains, et un montreur de merveilles célestes officie sur la place
avec sa lunette.
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1887 : Le second Observatoire de Fourvière.
Il est créé cette année-là dans le cadre
de la Faculté Catholique; Georges Onofrio en est le premier Directeur.
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1888 : E. Marchand découvre les relations Soleil-Terre.
En étudiant le magnétisme terrestre, et en rappochant
ses observations de celles de la surface solaire faites également
à Saint-Genis, cet astronome lyonnais met pour la première
fois en évidence la relation entre les taches solaires et les perturbations
du champ magnétique de la Terre.
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1892 : L'épopée de l'Espérance.
Intéressé par les effets de l'électricité
astmosphérique, Ch. André demande à l'aéronaute
lyonnais Pompéïen Piraud de réaliser avec lui et G.
Le Cadet une ascension en ballon. Divers problèmes techniques, une
météo défavorable, vont transformer cette expédition
en cauchemard, et le ballon (assez mal baptisé "l'Espérance")
finit par s'écraser à Châtillon sous Chalaronne. Pompéïen
Piraud est grièvement blessé, le Directeur de l'Observatoire
de Lyon a plusieurs fractures, et toute l'affaire se terminera même
au tribunal : l'un accuse son passager d'avoir, par ses fâcheuses
réactions, aggravé l'accident, l'autre pense que son pilote
a fait preuve d'un grave manque de préparation !
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1894 : La maison Château répare l'horloge astronomique.
Il n'y en aura pas d'autre avant un siècle.
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1894 : Le tramway et le magnétisme.
En Octobre, la ligne de "tramevet" électrique Lyon-Oullins est
prolongée jusqu'à Saint-Genis-Laval. Ceci va hélas
perturber les mesures absolues du champ magnétique terrestre jusqu'à
les rendre impossible...
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1911 : La TSF à l'Observatoire.
Elle est employée à la réception des dépêches
météo qu'expédie l'émetteur de la Tour Eiffel,
et aussi des signaux horaires. Ce service national va mettre fin à
l'activité horaire de l'Observatoire; désormais, l'heure
de Lyon sera l'heure de toute la France...
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1912 : Décès de Charles André.
Le Directeur-Fondateur est remplacé par le terrible (par son
caractère!) Jean Mascart; tout le monde connaît cette illustre
famille, sans le savoir, car elle a servi de modèle à Christophe
pour l'astronome Scarmat qui apparaît dans les aventures du savant
Cosinus! J.-N. Guillaume, passionné entre les passionnés,
est toujours là : le jour, il observe la surface solaire, la nuit
il observe les planètes, et, pour le cas où il aurait un
moment de libre, il a installé un petit équatorial sur le
toit de sa maison de Saint-Genis pour ne pas risquer de perdre un instant
d'observation! Ah, il est aussi chargé de la gestion de la bibliothèque
de l'Observatoire...
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Août 1913 : Premier numéro du Bulletin de l'Observatoire
de Lyon.
Il contient essentiellement, pour l'instant, des publicités
et de la météo. Il donne sans complexe les prévisions
journalières pour tout le mois d'Octobre; à la décharge
des météorologistes de l'Observatoire, il faut souligner
qu'ils n'hésiteront pas à critiquer sans concession leurs
prévisions en les mettant à l'épreuve des faits...
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Juillet 1914 : Dernier numéro du Bulletin, déjà...
La guerre va éclater, et les conseils agricoles que donne ce
dernier fascicule rendent un son un peu irréel. Après un
article sur la maturation de la crême, on lit par exemple quelques
conseils de saison : "... on épampre légèrement et
avec prudence la vigne à raisin précoce : il ne faut pas
que le raisin soit surpris trop brusquement par les rayons du Soleil..."
En Europe, une plus sinistre vendange se préparait...
L'Observatoire paiera son tribut avec la disparition de Jean Merlin.
L'activité ne s'arrête pas, dans le plus extrême dénuement,
grâce à de jeunes passionnés comme Henri Grouiller.
VIII - ENTRE LES DEUX GUERRES : LA MUTATION :
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1919 : Création de l'Office National de Météorologie.
Ceci marquera le déclin définitif de l'activité
météo de l'Observatoire de Lyon, à la grande fureur
du bouillant J. Mascart! Dans un de ces pamphlets dont il a le secret,
il traitera l'ONM de "sinécure pour jeunes gens ineptes et inaptes"...
On lui rend toutefois justice a posteriori car l'une des motivations
de la création de l'ONM est le développement des prévisions
météorologiques destinées à l'aviation naissante,
prévisions dont il a toujours souligné la nécessité.
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1920 : Création de l'AFOEV.
L'Association Française de Observateurs d'Etoiles Variables
est lancée par Louis Grouiller sur le modèle de son homologue
américain AAVSO. Pendant des décennies elle va assurer la
surveillance des variables irrégulières et à longue
période pour le plus grand profit de l'Astronomie. H. Grouiller
est aidé par Philippe Flajolet, et par des amateurs de talent comme
André Brun.
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1929 : Jean Dufay et Henri Grouiller : vers l'Astrophysique moderne.
L'arrivée de Jean Dufay, qui deviendra directeur trois ans plus
tard, marque un réel changement d'époque : associé
à H. Grouiller, il va introduire en quelques années la spectroscopie
et la photométrie modernes à l'Observatoire de Lyon.
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15 Janvier 1929 : J.-N. Guillaume observe le passage d'un corps devant
le Soleil.
Ce corps obscur n'a jamais été identifié, et n'a
malheureusement jamais été réobservé; il s'agissait
peut-être d'un astéroïde à orbite très
excentrique.
Le personnel de l'Observatoire vers 1925-30
Le personnel de l’Observatoire vers 1925-30
De gauche à droite : Callixtina Bac, Philippe Flajolet, Joseph-Noël Guillaume, Melle Bertrand, Henri Grouiller, Marie Bloch. Manquent, sur cette photographie, Jean Dufay et Jean Mascart, Directeur.
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1934 : Arrêt du Grand Méridien.
Ses principaux objectifs : mesure du temps et mesure des positions
célestes sont maintenant atteints par d'autres moyens plus efficaces,
et le bel instrument de laiton et de bronze est mis à la retraite.
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1939-1945 : L'Observatoire en guerre.
Cette sombre époque est marquée par le départ d’une partie du personnel, mobilisé ou frappé par les lois collaborationnistes, mais aussi par un engagement actif de l’Observatoire contre l’occupant, autour de Jean Dufay. Henri Grouiller y laissera sa vie en 1943... Evry Schatzman et Marie Bloch, pour ne citer qu’eux, peuvent ainsi échapper à la police de Vichy.
IX - DEPUIS 1945 :
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Jusqu'à la fin des années 60 :
Jean Dufay puis Joseph-Henri Bigay profitent de la remontée
progressive des dotations budgétaires pour pratiquer une politique
-limitée- d'embauche et de développements technologiques.
Ceci permet à l'Observatoire d'occuper une position de premier plan
dans des domaines comme la photométrie photographique puis photoélectrique,
ou la photométrie infrarouge naissante (autour de Madeleine Lunel).
Les sujets d'étude associés vont de la structure galactique
(par la photométrie des étoiles O/B) aux régions de
formation stellaire et à la classification des nébuleuses
extragalactiques. Parallèlement, les recherches de spectroscopie
stellaire (étoiles Be, étoiles à raies métalliques,
novae, ...) restent un volet très actif, comme celle des variables
du centre galactique. Ce dernier point justifiera l'installation de deux
générations successives de comparateurs à éclipses
(blink microscopes).
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Le télescope de 1 mètre :
Cet instrument est installé à Saint-Genis-Laval en 1974,
et déplacé en Suisse dès 1976; il en reviendra en
1983.
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Les années 80 :
Si les travaux de spectroscopie stellaire se poursuivent, les très rapides progrès d’un nouveau type de détecteur, le CCD, vont en quelques années renvoyer au musée tous les photomètres à photomultiplicateurs, grande spécialité de l’Observatoire de Lyon ! La transition sera difficile, car il n’y a pas d’intérêt local pour ces nouveaux instruments, qui associent étude morphologique et étude photométrique à partir de la même observation. Seuls, peut-être, les développeurs lyonnais de l’infrarouge sauront faire la transition, dans un domaine il est vrai encore dominé par les aspects purement technologiques. Ce n’est qu’à la fin de la décenie qu’une réorientation se fera jour, avec de nouveaux thèmes scientifiques (utilisant la spectroscopie 3D) exploitant pleinement les détecteurs CCD.
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1992-1993 : Réparation de l'Horloge Astronomique de la cathédrale
Saint-Jean.
C'est la société Desmarquest qui est chargée de
la remise en état du mécanisme, tandis que la maison Claveranne
restaure l'habillage. Celle-ci retrouve enfin son dôme détruit
par la Révolution!
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1993 : L’astrophysique à l’École Normale Supérieure de Lyon.
C’est cette année que sous l’impulsion de Marie-Christine Artru et Gilles Chabrier, un groupe d’astrophysique se constitue au sein du département de Physique de l’ENS-Lyon. Ce second pôle, tourné vers les études théoriques, sera associé dès l’année suivante au pôle observationnel, historique, de l’Observatoire.
X - ET MAINTENANT ?
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Le site de Saint-Genis-Laval est de plus en plus pollué :
La pollution atmosphérique et la pollution lumineuse, toutes deux dues à l’urbanisation, interdisent toute observation de qualité. La dernière observation destinée à donner lieu à publication doit remonter aux années 40. L’activité de l’Observatoire est donc presque exclusivement diurne, à l’exception notable de brèves périodes de test d’instruments et de visites nocturnes à destination du public. L’équatorial coudé, l’ancêtre devenu bien fragile, et le télescope de 1 mètre de diamètre sont utilisés dans ces occasions. Des coupoles inutilisées sont mises à la disposition de groupements d’amateurs. Les observations scientifiques, elles, se font lors de courtes missions sous des cieux plus cléments. Le dépouillement de ces observations, leur interprétation, la publication des résultats, se font ensuite à Lyon. L’abondance des données occupe sans problème les astronomes pendant toute l’année !
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L'Observatoire de Lyon aujourd'hui :
Au départ lieu d’observation du ciel, l’Observatoire est aujourd’hui intégré au Centre de Recherche Astrophysique de Lyon, où astronomes et techniciens :
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- travaillent sur des données obtenues lors de courtes missions dans les grands observatoires internationaux situés au Chili, à Hawaï, aux Canaries, etc., ou dans l’espace.
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- conduisent des recherches théoriques.
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- imaginent et développent les instruments de demain.
Ainsi, malgré l’activité incessante du vieux démon centralisateur (spécialité bien française, il aura été actif des Capétiens à nos jours, un incontestable record mondial !), l’astronomie lyonnaise a pu au cours des siècles conserver sa place dans le concert scientifique, et permettre l’éclosion de brillantes personnalités dans une société régionale pourtant traditionnellement plus tournée vers le commerce et l’industrie. Mais l’évolution est loin d’être terminée, car l’établissement doit sans cesse s’adapter aux contraintes socio-économiques changeantes. Le déploiement des programmes astronomiques, aujourd’hui, est européen, et parfois mondial. Il appartient aux chercheurs et techniciens du CRAL de confirmer sans cesse, à tous les niveaux, la grande vitalité de leur laboratoire.
Pour en savoir plus sur le CRAL, se reporter à sa page d’accueil à l'adresse
https://cral.univ-lyon1.fr/.
Crédit : G. Adam/observatoire de Lyon